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L'ÉGLISE DE ROUEN,

Sous le règne de Henri IV.

(SUITE. )

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Es le 8 octobre 1605, le cardinal Le cardinal de de Joyeuse, nouvel archevêque de

Rouen, était arrivé au château de Gaillon, où le Chapitre s'empressa de lui présenter ses hommages. D'un autre côté, le doyen Péricard reçut, dans son abbaye de Saint-Thaurin d'Évreux, des lettres qui le mandaient à Gaillon. L'archevêque lui apprit qu'il viendrait le 3 décembre à Rouen, sans aucune cérémonie, pour prendre possession de son église. Cette réception fut très simple; on fit seulement tendre des tapisseries dans le Chapitre, et on y attacha les armes du nouveau titulaire. Le lendemain, 4 décembre (1), le cardinal se présenta

(1) Dom Pommeraye place, par erreur, cette réception au 4

mars 1604.

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Joyeuse. 1605.

à la porte de la métropole, où le doyen lui adressa le discours suivant, à haute et intelligible voir:

« Vous pouvez penser, Monseigneur, l'allégresse et plaisir, que reçoit cette compagnie de ce qu'il a plu à notre Dieu et sauveur la pourvoir d'un si grand et si digne pasteur, par la conduite duquel elle espère être bien gouvernée, chérie et aimée; étant délibéré de vous recevoir non comme confrère seulement, puisqu'il vous plait nous faire ledit honneur que d'user de ce terme, mais vous tenir et reconnaître toujours pour supérieur avec protestation de vous obéir en tout, partout, en tant que nos petites facultés le pourront porter, et pour ce, il vous plaise prendre l'habit. »

Le cardinal fit cette réponse assez singulière, et dont l'un de ses prédécesseurs avait déjà gratifié le Chapitre :

« Il n'y a celui de la compagnie qui n'entende quelle est la dignité cardinale, et ne connaisse que le college de M" les cardinaux ne soit le principal collége de la chrétienté. Pourquoi je proteste que là où en l'acte présent, je ferais quelque chose qui lui pût déroger, cela ne me pourrait aucunement préjudicier; néanmoins, pour l'affection que je porte à mon église et à ce. Chapitre, je me veux bien condescendre à faire comme le moindre. >>

L'archevêque était fils du maréchal de Joyeuse

et élève d'André Guyon, professeur de philosophie au collège de Navarre.

François de Joyeuse, distingué par le roi à cause de ses connaissances et de la tournure de son esprit, ne tarda pas à être pourvu successivement des premières dignités de l'église. Ambassadeur près de la Cour de Rome, il fut nommé cardinal; et lorsqu'il parvint à l'archevêché de Rouen, il était abbé des monastères de Marmoutiers, de Fécamp, du Mont-Saint-Michel, de la Grasse, de Saint-Florent et d'Aurillac, puis pourvu des évêchés d'Ostie, de Narbonne et de Toulouse. On ne sait comment concilier tant d'avidité des biens de l'église avec la simplicité de nos premiers évêques. Ces abus donnaient bien lieu à certaines censures de la part de quelques prédicateurs zélés; on y répondait par des brefs et des permissions du pape, qu'il eût été beaucoup plus convenable de ne pas solliciter. Le cardinal de Joyeuse était, à la vérité, chargé de hautes missions dont l'église faisait depuis longtemps les frais, acheminement à la grande confiscation que l'on devait voir se réaliser deux siècles plus tard, que le protestantisme provoquait, et qu'on n'osait pas encore ouvertement exécuter.

Après sa réception, le cardinal qui avait concouru à la réconciliation du roi avec le pape, reçut ordre de partir pour travailler à la paix générale qui devait se traiter à Venise

1606.

Peu de jours après, le 12 décembre, on apprit le nouvel attentat commis sur la personne du monarque; le Chapitre ordonna un Te Deum en actions de grâces de ce que Dieu avait préservé le roi d'un assassinateur natif de Senlis et nommé Jehan des Isles.

Dans le mois de février suivant, on chanta deux Te Deum, l'un pour la reine, heureusement accouchée d'une fille, et l'autre pour la reprise de Sédan.

Le cardinal, revenu de sa mission, écrivit qu'il viendrait officier à Rouen le jour de la Pentecôte. Le Chapitre fit préparer ses plus beaux ornements et défendit aux chanoines et chapelains de porter des peccadilles et autres accoutrements à l'usage des séculiers; il ordonna de faire disparaître le petit-gris et les parements de satin rouge que quelques uns avaient ajoutés à leurs camails et à leurs habits.

Pendant son séjour à Rouen, le cardinal et le Chapitre tinrent chacun un synode. M. Morel, curé de Saint-Etienne dans la grande église, fut réprimandé d'avoir assisté à celui de l'archevêque, au lieu de venir à celui des chanoines. On l'engagea à se comporter autrement à l'avenir, en lui promettant adjonction, dans le cas où il serait inquiété par Monseigneur.

Le cardinal avait amené avec lui, en qualité de

vicaire général, l'abbé Guyon, son ancien professeur de philosophie; ce dernier ne fut pas plutôt installé, qu'il fit part au Chapitre du désir qu'il avait d'examiner les chanoines et les chapelains qui se présenteraient pour être élus aux bénéfices

Les actes des deux synodes qui se tenaient alors tendaient à la réforme des mœurs cléricales. Celui de l'archevêque rappelle, pour les réprimer, tous les vices d'une société sortant de ses longues agitations; des pénitences canoniques sont imposées à ceux qui s'en rendraient coupables; elles sont douces et prouvent combien l'église punit bénignement ceux qu'elle n'a pas désespéré de faire rentrer dans la voie du devoir et de la vertu.

Nous passerons la plupart de ces articles, et ne citerons que ceux qui peignent des usages, des croyances ou des superstitions dont notre époque ne fournit heureusement plus d'exemple.

Ainsi, des prètres vendaient des draps d'autel pour ensevelir les morts.

On imposait encore certaines pénitences aux sorciers, et à ceux qui faisaient des charmes dans les maisons ou qui regardaient furtivement dans des astrolabes, instruments d'observation servant à calculer la hauteur des astres.

Celui qui avait tué sa femme, la femme qui avait tué son mari, ne pouvaient monter à cheval, ni se faire porter en voiture; il leur était défendu de

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