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AIMRORLIAO

Caryenteer.

UNIV. OF

Paris, le 15 septembre TOFORMA

190

A Monsieur le Capitaine Renard,
Secrétaire général de l'Union Congolaise, Paris.

MON CHER CAPITAINE,

Vous avez bien voulu, avant de publier votre étude sur les concessions du Congo Français, me communiquer votre travail je l'ai lu avec le plus vif intérêt, et je n'hésite pas à déclarer que vous avez fait œuvre des plus utiles.

Au point de vue documentaire, et tant pour la sauvegarde des capitaux engagés au Congo Français que pour l'édification de ceux qui, dans l'avenir, seraient disposés à s'intéresser à des entreprises coloniales, il était indispensable de reprendre l'historique des concessions et de grouper tous les faits afférents aux rapports des Sociétés concessionnaires avec l'Etat, dans le secret espoir que de cette page d'histoire se dégagerait un enseignement susceptible de s'élever jusqu'à M. le Ministre des Colonies.

Secrétaire général du Syndicat des Sociétés concessionnaires du Congo Français, vous étiez mieux placé que personne pour enregistrer les faits les plus saillants de l'existence précaire des concessions et recueillir les plaintes que les représentants des Compagnies venaient presque journellement apporter à l'Union Congolaise.

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Si vous vous étiez borné à en dresser un état, votre brochure n'eût été que le journal des griefs des Sociétés concessionnaires journal déjà très fourni et très édifiant; mais vous avez tenu très justement à donner plus d'ampleur à votre étude. Vous avez donc agrémenté votre travail de discussions des plus intéressantes, dans lesquelles vous avez été admirablement servi par un esprit critique fort judicieux, doublé d'une vieille expérience coloniale.

Il m'est impossible de vous suivre dans tous les développements de votre brochure; mais je tiens plus particulièrement à vous féliciter du parallèle si suggestif que vous avez établi entre les conditions auxquelles devaient être soumises les concessions suivant le projet de la Commission parlementaire, et les exigences disproportionnées imposées par la Commission

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actielle des concessions. Animées d'un esprit différent, ces denx. Commissions ne pouvaient arriver au même résultat : tous les efforts de la première tendaient à trouver les moyens de faire réussir des essais de colonisation toujours laborieux; l'unique souci de la seconde, exclusivement composée de fonctionnaires, était la sauvegarde des droits de l'Etat et la constitution au profit de ce dernier du maximum d'avantages.

Le lecteur sera également frappé par le parti que vous avez su très habilement tirer du décret forestier pour répondre à la prétention des maisons étrangères qui soutiennent qu'elles ont le droit, aussi bien que les concessionnaires, sur toute l'étendue des territoires concédés, de vendre et d'acheter aux indigènes tout ce que ces derniers veulent bien leur échanger. Votre théorie restreint les stipulations de l'Acte de Berlin à des limites légitimes, et vous ne sauriez comprendre cette convention internationale autrement que l'Etat Indépendant l'entend dans la pratique.

Si le Gouvernement français veut qu'il reste quelque chose des concessions et que les titres accordés ne soient pas un leurre, il est à souhaiter qu'il fasse sienne votre théorie.

On s'accorde à reconnaître que nous sommes à la veille de modifications profondes au Congo; elles sont impatiemment attendues; mais je tiens pour certain que les meilleures mesures seraient illusoires, si on ne devait pas renoncer à la centralisation à outrance que la nouvelle administration de la colonie vient d'appliquer avec une intensité exceptionnelle et un rare insuccès, et que M. de Lamothe avait corrigée dans une certaine mesure en déléguant, sous sa propre responsabilité, à un certain nombre de fonctionnaires, une partie de son autorité.

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Il faut un autre régime à une colonie aussi vaste et aussi disparate; et la séparation du Gabon et du Congo doit être la première conséquence d'une politique plus rationnelle.

Si votre brochure ne le dit pas formellement, elle le sousentend car telle est l'impression qui se dégage de la lecture des pages très intéressantes que vous m'avez soumises, et pour la fortune desquelles, dans l'intérêt de la colonisation et de la Colonie que je représente, je fais les voeux les plus sincères. Veuillez agréer, mon cher Capitaine, l'assurance de mes sentiments bien dévoués.

WILLIAM GUYNET,

Délégué du Congo Français au Conseil supérieur des Colonies.

LA COLONISATION

AU

CONGO FRANCAIS

CHAPITRE PREMIER

COUP D'ŒIL EN ARRIÈRE

Mouvement d'expansion coloniale depuis 1880.

Organisation économique de la conquête. Vues du Gouvernement en matière de colonisation. Projet d'établissement de grandes Compagnies déposé au Sénat en 1891. Reprise du projet en 1897. Rapport de M. Pauliat. Commerce français à la côte d'Afrique avant les grandes concessions. avant 1899. Protestations contre leur délivrance. au Congo. Commission consultative des concessions.

Concessions accordées
Octroi de concessions

Un mouvement considérable d'expansion coloniale s'est manifesté depuis 1880. Toutes les nations civilisées y ont participé. Trois raisons principales raison politique, raison sociale, raison économique, les ont poussées dans cette voie.

La raison politique a été dictée par un principe général, le même pour chaque grande puissance. Chacune cherchait à affirmer sa suprématie sur ses voisines en augmentant son rayon d'influence dans toutes les parties du monde.

En dehors de ce principe commun, la conduite de chaque puissance a été également déterminée par des raisons particulières :

La royauté anglaise a voulu conserver pour son peuple le rôle de convoyeur du monde;

L'empire allemand, né de conquêtes européennes, a cherché

inteni.son prestige militaire par de nouvelles conquêtes colo

niales;

L'empire russe, puissance asiatique et militaire, a porté tous ses efforts en Asie, dans le sud et dans l'est, pour refouler l'influence anglaise et se substituer à la Chine et au Japon;

L'Italie a voulu se créer un empire colonial; mais son rêve s'est évanoui sur le champ de bataille d'Adoua;

De son côté, la France, après 1870, pour laquelle toute manifestation de vitalité nationale était primordiale (J. Ferry), devait chercher une occasion de la montrer par une œuvre extérieure.

La raison sociale a contribué au mouvement d'expansion coloniale par suite de l'élévation graduelle du niveau moyen intellectuel, amenant petit à petit l'abandon des professions manuelles. En présence de la pénurie de places pour caser toutes les éducations supérieures, il a été nécessaire de chercher au dehors de nouveaux champs d'action. D'autre part, la cherté croissante de la vie a amené un désir d'expatriation.

La raison économique est certainement la plus importante il fallait en premier lieu assurer des débouchés à l'excédent des produits de l'industrie nationale. L'épargne qui, par suite de la baisse du taux de l'intérêt, s'était portée vers l'industrie, l'a abandonnée pour les transactions lointaines, pour l'utilisation des produits nouveaux que les progrès de la science lui ont révélés.

La France a pris une très large part à ce mouvement d'expansion coloniale; en Afrique seulement, elle a établi son protectorat sur la Tunisie et Madagascar, étendu ses possessions dans le sud de l'Algérie et dans la boucle du Niger, puis enfin constitué un immense empire africain s'étendant de la Méditerranée au delà de l'Equateur, c'est-à-dire sur une longueur ininterrompue de plus de 4,000 kilomètres, en occupant l'hinterland de la Guinée, de la Côte d'Ivoire, du Dahomey et du Congo.

Les opérations militaires terminées, l'Etat a dû se préoccuper de l'organisation économique de son nouveau domaine colonial grand comme cinq à six fois le territoire de la France.

Deux systèmes se présentaient à lui!... celui de la grande colonisation, consistant à octroyer des privilèges et des monopoles à de grandes compagnies, chargées en retour de l'entretien de la force publique, de la création des routes, etc. A l'appui de ce système, on pouvait faire valoir avec raison qu'il était impossible à des efforts isolés et individuels de mettre en valeur et de tirer un parti utile des immenses territoires inorganisés alors décou

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