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L'objet de celle-ci, c'eft d'observer & d'expofer quelles font les différentes Productions de la Nature, dans le Regne animal, dans le Regne végétal, dans le Regne minéral ; de donner une description exacte & pittorefque de ces fortes de Productions; de bien faifir & de bien tracer les caracteres fenfibles & diftinctifs qui les rapprochent ou qui les éloignent les unes des autres, dans leurs genres & dans leurs efpeces; & non d'expliquer & de faire connoître quels en font les Principes ou les Conftitutifs intrinfeques, de quelles Caufes phyfiques émane leur exiftence, & quels Effets particuliers doivent réfulter de leurs propriétés & de leurs vertus spécifiques. (*).

La Phyfique, ou la fcience des Corps n'eft autre chofe que la fcience de la Matiere & du Mouvement. « Donnez-moi de la Ma» tiere & du Mouvement, difoit l'immortel

Descartes; & je conftruirai ce Monde vifi»ble ». Nous n'adoptons point fon Systême; mais nous adoptons fon Principe.

Nous reconnoiffons que ce Monde vifible ne doit point & n'a jamais pu devoir fa formation & fon existence, au Mouvement, aux Modifications, aux Propriétés de la Matiere; & qu'il les doit uniquement & effentiellement à tout autant de Volontés libres & efficaces

(*) ETYMOLOGIE. Phyfique; usin: Science qui a pour objet la Nature fonidals, De Paris, Natuna,

d'un Etre incréé & créateur, qui feul a pu donner l'existence à la Matiere; qui feul a pu faire réfulter de la Matiere par lui créée, par lui tirée du Néant ou de l'état de fimple poffi bilité, ce merveilleux Ensemble de chofes que nous préfente le fpectacle de la Nature, dans fon tout & dans toutes fes parties; qui feul a réellement créé & formé ce Monde vifible, tel qu'il se montre à nos regards, & comme le rapporte Moise, le plus ancien Hiftorien du Monde, & le feul dont l'Histoire, dans ce qui concerne la primitive Origine des Chofes, puiffe être avouée par la Railon.

Après cet aveu net & précis, nous avan çons & nous foutenons que ce Monde inanimé ne dit & ne renferme, dans fes Conftitu tifs phyfiques, que Matiere & Mouvement; & que la Matiere & le Mouvement, ces deux Principes d'une fécondité intarriffable, ont fuffi à l'Etre fuprême, à l'Etre créateur, pour compofer & pour perpétuer ce Tout admirable, ce brillant Univers, dont le fpectacle varié à l'infini, nous ravit & nous enchante; dont la beauté & la fécondité publient de Concert, & la fageffe & la puiffance de fon Auteur.

néral de la

Dans un fiecle où le goût de la Phyfique, eft devenu le goût général & dominant de Goût gel'Europe éclairé & polie; où cette Portion Phyfique. même de l'Humanité, qui ne sembloit formée

que pour faire l'aménité & les charmes de la Société, a ofé montrer qu'elle étoit auffi née pour approfondir & pour dévoiler les fublimes myfteres de la Nature: il n'est plus permis qu'à un Refte furanné d'Efprits miferablement gothiques, de dédaigner une Science qui fait l'ornement & les délices de tout ce qui fe pique d'avoir de la culture & des lumieres. Quel charme & quel délice pour un Esprit élevé & pénétrant, d'être, pour ainfi dire, le confident de la Nature; de voir les Evénemens phyfiques, dans leurs Caufes & dans leurs Principes; de connoître & de faifir le Reffort fecret des brillans Phénomenes qu'il obferve tantôt dans le Ciel, où la marche harmonieuse des Aftres regle & varie les Saifons; tantôt dans l'Atmosphere, où la Scene changeante des Météores excite alternativement & l'admiration & la terreur; tantôt fur la Terre, où tout se meut, & fe forme, & fe conferve, & fe détruit, par un enchaînement régulier de caufes & d'effets, également admirable & intéreffant!

Quelle fatisfaction & quelle confolation pour un Efprit religieux & chrétien, de ne pouvoir reposer ses regards fur aucune partie de la Nature visible; fans y découvrir vifiblement le Dieu qu'il adore, qu'il chérit, qu'il regarde comme devant être à jamais le rémunérateur de fes Vertus & la fource de fa Féli

cité: fans y fentir par-tout l'invifible présence. de ce Dieu, qui y conferve l'Ouvrage primitif de fa main créatrice; qui y perpétue l'Ordre par lui établi, les Loix de lui émanées ; qui en tout & par-tout y annonce & y montre fon Action ineffable, par des traits éclatans de fageffe, de puiffance, de bienfaisance; fi propres à toucher & à ravir toute Ame bien née, dans qui la féduction du Vice & du Sophifme, n'a point facrilégement étouffé ou corrompu les beaux fentimens de la Nature, les faines lumieres de la Raison.

L'Expérience nous apprend qu'après un certain tems, on fe dégoûte affez communé ment des Sciences ou des Arts fubalternes, par exemple, de la Mufique, de la Peinture de la Poéfie, de la petite Littérature ; & que l'on ne fe dégoûte jamais ou prefque jamais de la Phyfique: preuve éclatante, que l'étude de la Nature, eft deftinée à être dans tous les tems, & l'étude du Sage & l'étude du Chrétien.

La Phyfique étoit encore comme dans fon enfance & dans fon berceau, lorsque l'Orateur Romain, qui en faifoit fes délices, la vantoit déjà comme une fource intariffable de fatisfaction & d'utilité pour l'Esprit humain. (*).

Dans un fiecle comme le nôtre, où cette

(*) NOTE. Hæc Studia Adolefcentiam alunt, Senectutem obiectant, fecundas res ornant, adverfis perfugium ac folatium præbent; delectant domi, non impediunt forìs; perncctant nobifcum, peregrinantur, rufticantur. Pro Archia Poëta.

fique.

Science, perfectionnée & accréditée, a gagné tous les fuffrages; il n'eft pas queftion d'inf pirer le goût de la Phyfique: il ne s'agit que de faciliter à ce Goût généralement répandu, les moyens de fe développer & de fe fatisfaire ; & tel eft le but que nous nous fommes propofé, en compofant cette Théorie des Etres fenfibles, ou ce Cours complet de Physique.

Notre fiecle abonde en excellens Ouvrages Divers fur la Phyfique: mais il n'en a point encore, Ouvrages, fur la Phy? qui applaniffe bien les voies de cette Science; ou qui la mette, dans toute fon étendue, dans fon Tout & dans toutes fes Parties, à la portée de tout le Monde. Il n'en a point fur-tout, où cette Science, embraffée dans une plus ou moins grande généralité, réuniffe à la fois cet Art d'inftruire & de plaire, qui eft fi audeffus de la Science elle-même. Parmi les Ouvrages dont s'applaudit la Phyfique, il en eft de différens genres: foit que l'on confidere leur objet, foit que l'on examine leur marche.

Les uns, tels que les Ouvrages phyficomathématiques de l'immortel Newton, & les Mémoires de l'Academie Royale des Sciences, font, pour ainfi dire, ou des Sanctuaires facrés de lumiere; il n'eft point permis aux Profanes de les aborder: ou des Laby rinthes admirables, conftruits par le génie ; il n'est donné qu'aux Dédales, qu'aux Hommes du premier vol, d'y pénétrer & de ne pas s'y perdre.

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