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Les autres font des Dictionnaires plus on moins volumineux, où les différentes parties de la Phyfique, difféquées en lambeaux ifolès, ne préfentent rien de rapproché & de fuivi; ne laiffent jamais voir & le lien & l'ensemble du Tout: lien & ensemble d'où dépend effentiellement & fa lumiere & fa beauté. En réfléchissant sur cette manière d'enfeigner la Phyfique, je m'imagine Voir un grand Tableau de Raphaël, que l'on auroit artiftement découpé en petites futfaces d'environ un pouce d'étendue; & que l'on montreroit fucceffivement à un Eleve ou à un Amateur: foit pour leur faire connoître la maniere & le génie de ce Peintre; foit pour les former au goût de la Peinture.

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Quelques-uns, en petit nombre, uniquement destinés à mettre fous les yeux des Savans, les principales parties de la Phyfique, telles que les grandes théories des Forces mouvantes, des Forces centrales, de la Lumiere, du Feu, de l'Air, des Météores gliffent légèrement fur tout ce qui doit néceffairement fervir d'introduction à cette Science; ne donnent que des notions trèsfuccintes & très-infuffifantes de la Matiere & de fes différentes propriétés, du Mouvement & de fes différentes Loix; & laiffent ainfi à l'écart, tout ce fonds de Lumieres élémen

taires qui font indifpenfablement néceffaires à un Efprit d'ailleurs folide & pénétrant, pour le préparer à l'intelligence des favantes Spécu lations dont on va l'occuper. Ouvrages eftimables, quoique fouvent un peu indigeftes & confus, ils abondent en recherches & en découvertes curieufes, fur les différentes matieres qui deviennent fucceffivement leur objet principal. Mais ce ne font point des Cours complets de Phyfique: ce font moins encore des Ouvrages élémentaires, qui foient propres par eux-mêmes, à frayer la route & à ouvrir le fanctuaire de cette Science, à un Eleve ou à un Amateur à qui la Nature en inspireroit le goût ou la paffion. Telle eft la Phyfique de Meffieurs Defagulliers, Sgravefande, Mufchembroëk.

Quelques autres, en plus grand nombre, font des Traités particuliers fur certaines Portions ifolées de la Phyfique, que l'on y envifage & que l'on y développe avec toute la fagacité & toute la profondeur du génie. Ce font, pour ainfi dire, d'excellens Microscopes, qui montrent dans la plus grande lumiere, l'objet qu'ils atteignent; mais qui laiffent pleinement dans les tenebres, les objets contigus & environnans. Tels font les favans Ouvrages de M. l'Abbé Sigorgne, fur l'existence & fur les loix de l'Attraction; de M. Mairan, fur l'origine de la Glace & des Aurores boréa

les; de M. de la Lande, fur l'Aftronomie; de M. Romé de l'Ifle, fur la Crystallisation. Le célebre Abbé Nollet, l'homme le plus capable de décourager & de défefpérer quiconque voudroit marcher fur fes traces, n'a traité avec fuccès, que la Phyfique expérimentale, reftreinte à fes petites Branches ifolées. Il laiffe donc encore un riche & brillant théâtre de Connoiffances à développer, à tout Phyficien qui, joignant le flambeau de la Spéculation au flambeau de l'Experience, les grandes théories qui émanent des Obfervations généralisées, aux petites théories qui réfultent des Obfervations fenfibles & amufantes, ofera entreprendre de faire de toutes les branches de la Phyfique, un Tout, un Ensemble général, résultant de toutes les parties méthodiquement liées & fyftématiquement rapprochées.

vrage.

Un Ouvrage fur la Phyfique, où la Spéculation marcheroit de pair avec l'Expé- Nature de rience; où les Démonftrations mathémati- cet Ouques répandroient à propos leur lumiere fur les phénomenes de la Nature; où la triste séchereffe des Calculs, qui hériffe & qui défigure trop fouvent la Phyfique, ne feroit admife qu'avec économie & par néceffité; où la parafite Redondance n'abforberoit jamais inutilement & le tems & l'attention; où les différentes Matieres s'offriroient fucceffivement à

l'Esprit, dans un ordre lumineux & fous leurs points de vue interreffans & fenfibles; où toute la Nature feroit préfentée aux yeux non comme un Squélette inanimé & décharné que l'on a difféqué, mais comme un Corps vivant & refpirant, dont on faifit l'économie & dont on admire les proportions: un tel Ouvrage auroit donc encore le mérite de la nouveauté.

Telle eft l'idée que nous avons conçue, & que nous avons tâché de remplir, dans l'Ouvrage que nous donnons au Public: Ouvrage dans lequel nous nous fommes efforcés de réunir, autant que la chofe eft poffible, la clarté à la plus grande concifion; l'aménité, à la plus rigoureuse exactitude; les lumieres. de l'Expérience, aux lumieres de la Spéculation & des Mathématiques; l'ordre & l'enchaînement des Matieres, à l'ordre & à l'enchaînement des idées; le brillant des Systêmes phyfiques qui amufe, au fang froid de la Raifon qui les apprécie; le goût pittorefque qui anime & qui vivifie la Nature, au goût philofophique qui l'étudie & qui s'efforce de lui arracher fon voile & fon bandeau.

Les différentes Connoiffances que l'on peut acquérir fur la Phyfique, dépendent toutes primitivement du témoignage des Sens. C'est d'après ce témoignage exact & fidele, que doit toujours opérer le Génie, en genre de

du génie,

dans

Phyfique : ce qui n'empêche pas que le génie Fonctions ne puiffe fe déployer avec le plus grand avan- dala tage dans cette Science; foit en éclairant & Phyfique. en dirigeant l'Observateur, dans la maniere industrieuse dont fouvent il faut s'y prendre, pour obferver efficacement la Nature, pour la faifir comme fur le fait, quand elle femble vouloir échapper à nos régards: foit en découvrant & en faififfant dans les différentes Observations que l'oeil préfente à l'efprit, des points de vue décififs, mais infiniment fubtils, qui échappent au Vulgaire : foit en embraffant & en combinant puiffamment de grands Résultats, d'immenfes Rapports de chofes, qui excedent la fphere des génies communs ; pour les concentrer fous un même Point de vue, pour les conduire & les rapporter à un même Centre de lumiere : foit enfin en fe frayant une Marche hardie & lumineufe, ou pour remonter des Effets connus aux caufes éloignées & cachées ; ou pour def eendre des Caufes connues aux divers effets qui doivent en résulter, felon la diverfité des circonftances & des combinaisons compliquées qui modifient l'action de ces causes connues & qu'il faut démêler & évaluer avec une faga cité & une profondeur fupérieures.

La Phyfique, à certains égards, eft comme une grande Nation, compofée d'une foule de Claffes de Citoyens; lefquelles au milieu des

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