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Bon nombre de définitions ont été appliquées à la médecine légale. Orfila la définit: « l'ensemble des connaissances médicales propres à éclairer diverses questions de droit et à diriger le législateur dans la composition des lois; » et Trébuchet « l'application de la médecine et des sciences accessoires à la confection et à l'exécution des lois, ordonnances ou règlements émanant d'une administration publique. » D'après Devergie, la médecine légale « est l'art d'appliquer les documents que nous fournissent les sciences physiques et médicales à la confection de certaines lois et à la connaissance et à l'interprétation de certains faits en matière judiciaire. » D'autres auteurs, plus anciens, l'avaient simplement définie « l'art de faire des rapports en justice.» Comme on le voit, la plupart des auteurs ont embrassé dans la même définition la médecine légale et la médecine publique.

Prunelle a donné le nom de Médecine politique à la

LUTAUD, Méd. lég.

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<< partie de l'art médical qui traite des rapports qui existent entre les institutions sociales et la nature humaine. >> Il divisait ensuite le sujet en deux branches: la Médecine légale et la Police médicale. M. Tourdes a suivi la même voie dans son remarquable article du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales: il admet une médecine publique, qui est l'application des connaissances médicales à toutes les questions d'intérêt général, de législation et d'administration, et qui comprend l'hygiène publique et la médecine légale.

L'hygiène publique se rattache spécialement au droit administratif et comprend l'étude des questions relatives à la santé publique; c'est elle qui dirige le législateur dans la confection et l'application des lois sanitaires, dans la promulgation des mesures locales et générales destinées à combattre et à prévenir les épidémies. Comme on le voit, le programme de l'hygiène publique est très-étendu et diffère suffisamment de celui de la médecine légale pour être traité dans les livres spéciaux.

La médecine légale se rapporte presque exclusivement au droit civil et au droit criminel. Ne comportant pas l'étude de connaissances qui lui soient propres, elle ne saurait être considérée comme une science. En effet, toutes les sciences physiques et médicales peuvent être employées à éclairer la justice : le pathologiste, le chimiste, le physiologiste seront tour à tour appelés à fournir le contingent de leurs connaissances spéciales. C'est donc l'art d'appliquer ces connaissances au fonctionnement de la justice qui constitue la médecine légale.

Sous le nom de Jurisprudence médicale on entend généralement l'ensemble des lois et règlements qui régissent l'enseignement et la pratique de la médecine. Elle comprend une série de questions très-importantes sur la responsabilité médicale, le secret en médecine, l'exercice illégal, le payement des honoraires, les donations testamen

taires faites au médecin, la vente des médicaments, de la clientèle, etc. En un mot, c'est la connaissance des principes du droit appliquée à la pratique médicale. La jurisprudence médicale diffère donc de la médecine légale, dont elle doit être considérée, non pas comme une branche, mais comme une annexe.

II

De nombreuses tentatives de classification ont été faites pour faciliter l'étude de la médecine légale. On a proposé une division médicale correspondant aux diverses branches de la médecine, puis une division légale s'appuyant sur le droit; d'autres enfin ont proposé une division physiologique correspondant aux âges et aux sexes. Il nous a paru difficile d'adopter aucune de ces classifications et nous avons suivi, dans la confection de ce Manuel, une division employée par la plupart des auteurs modernes et basée sur l'analogie des faits. Dans une première partie, nous traitons les attentats à la pudeur et à la vie, les questions relatives au mariage, à la grossesse et à l'accouchement, la folie, l'identité et quelques questions accessoires. La seconde partie traite des empoisonnements, de la toxicologie et des autres recherches chimiques et micrographiques qui se rattachent à la médecine légale. Enfin, nous avons consacré quelques chapitres à la jurisprudence médicale et placé à la fin de l'ouvrage les modèles de Certificats et de Rapports.

III

Ce n'est qu'à la fin du siècle dernier, ou plutôt au commencement de celui-ci, que la médecine légale est devenue l'objet d'une étude régulière dans nos Facultés, où elle fut aussitôt élevée au premier rang par les professeurs Mahon,

- Fodéré et Prunelle. C'est également de cette époque que datent en France les premiers traités complets, parmi lesquels nous citerons ceux de Fodéré (1797), de Belloc et de Mahon (1801).

Mais les nations voisines nous avaient beaucoup devancé dans cette étude. L'ouvrage de Zacchias, publié à Rome en 1621, peut être considéré comme le premier traité complet et véritablement scientifique qui ait paru sur le sujet. L'Allemagne avait, dès la fin du xvIe siècle, créé des experts et organisé la pratique et l'enseignement de la médecine légale; mais les travaux d'une valeur scientifique incontestable ne firent leur apparition que beaucoup plus tard, et il faut arriver jusqu'au commencement du siècle dernier pour trouver dans la littérature allemande un traité général. D'après M. Tourdes, c'est Teichmeyer qui publia en 1722 le premier ouvrage de ce genre.

L'Angleterre est venue longtemps après, mais elle a apporté son génie pratique dans l'étude de beaucoup de questions importantes. Les travaux de Taylor, Christison, Robert Lee, Watson, publiés vers le milieu de ce siècle, ont enrichi la science d'un grand nombre de faits nouveaux. Comme le fait remarquer M. Tourdes, « la médecine légale anglaise qui, au commencement du siècle, s'alimentait surtout par des compilations étrangères, fournit aujourd'hui à la science générale un remarquable contingent. »

Plusieurs excellents traités ont vu le jour aux États-Unis d'Amérique. Le plus ancien, et peut-être le meilleur, est celui de Beck. Publié en 1823 il a eu de nombreuses éditions et est encore en usage aujourd'hui dans les écoles de la République.

L'Espagne a produit également quelques bons livres. Nous citerons celui de Pedro Mata, ouvrage fort complet et dans lequel les questions relatives à la folie sont remarquablement traitées.

Nous n'avons pas la prétention, par ce court aperçu, de faire l'histoire de la médecine légale. Il faudrait pour cela remonter à une époque que nous considérons comme trop éloignée ou trop obscure pour être sérieusement étudiée au point de vue scientifique. On s'accorde cependant à considérer Moïse comme le premier législateur qui se soit appuyé sur des connaissances médicales pour la confection des lois. D'après Plutarque, les lois égyptiennes ne permettaient pas d'infliger des peines corporelles aux femmes enceintes. Les historiens romains relatent aussi quelques faits médico-légaux. C'est ainsi que nous apprenons que le médecin Antistius, après avoir examiné le corps de César, déclara que sur vingt-trois blessures une seule avait causé la mort. Mais, nous le répétons, ce ne sont là que des traces parmi lesquelles il est impossible de découvrir aucun document sérieux.

On reconnaît dans la période du moyen âge l'intervention directe du médecin. On trouve dans les Capitulaires de Charlemagne des détails sur les blessures et sur la réparation qui est due suivant leur degré de gravité. La Loi Salique porte des peines spéciales pour les violences commises envers les femmes, et les peines sont plus graves si la femme est enceinte et si l'enfant a succombé. Mais ces institutions disparaissent après la mort de Charlemagne et sont remplacées par des épreuves absurdes et barbares : crémation des cadavres, combat judiciaire, épreuve du feu, etc.

Le droit canon, qui a profondément modifié la législation à la fin de la période du moyen âge, ne semble pas avoir eu une grande influence sur les progrès de la médecine légale. Les décisions religieuses connues sous le nom de Décrétales s'occupent de l'impuissance, du mariage, de l'accouchement, etc., et sollicitent l'intervention médicale pour la solution de ces questions. C'est de cette époque que date l'institution du Congrès dont parle Guy de Chau

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