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liac (1363). «... Il sera ordonné que le mari et la femme couchent ensemble en présence d'une matrone qui leur oindra les parties génitales avec un onguent approprié devant un feu de sarment et rapportera fidèlement au médecin ce qu'elle aura vu. » On a peine à croire qu'une pareille pratique se soit conservée pendant les temps. modernes. Dans le procès Debray, dont parle Tagereau (1612), « trois médecins, trois chirurgiens assistaient à l'épreuve, le juge étant au même logis en une salle ou chambre à part, avec les procureurs et praticiens en cour d'Église, attendant la fin de l'acte. » L'épreuve du Congrès ne fut définitivement abolie qu'en 1677 par le Parlement.

Il était du reste impossible que la médecine légale prît en France un développement régulier à une époque où l'organisation du corps médical était si défectueuse et où les expertises étaient confiées à des chirurgiens illettrés et maintenus dans une position subalterne par la jalousie des médecins. La médecine légale n'était enseignée dans aucune Faculté française et les tribunaux, trop habitués à l'ignorance des experts, n'attachaient que peu d'importance aux renseignements scientifiques qui leur étaient fournis.

Malgré ces circonstances défavorables, un grand nombre de travaux étaient publiés à la fin du XVIIIe siècle par Louis, Lecat, Antoine Petit, Lafosse et Chaussier. La réforme de la législation permit alors à la médecine légale de se constituer, et c'est à partir de cette époque (17891810) qu'elle n'a cessé de se développer sous l'influence des hommes éminents chargés de son enseignement. Aux noms de Fodéré, Prunelle, Belloc et Mahon, que nous avons cités plus haut, il faut ajouter ceux de Chaussier, Marc, Orfila, Adelon, Bayard, Parent Duchâtelet, Capuron, Esquirol, Guérard, Brierre de Boismont, Ollivier d'Angers. Pour compléter cette liste, il faut encore citer quelques noms qui appartiennent à l'époque contemporaine et dont l'en

seignement et les travaux font actuellement la gloire de la médecine française: Tardieu, Devergie, Tourdes, Legrand du Saulle, Gallard, Briand, Ernest Chaudé, Baillarger, Charles Robin, Toulmouche.

IV

Nous terminons cette notice en signalant quelques particularités relatives à l'enseignement de la médecine légale. il existe une chaire spéciale dans toutes les Facultés françaises; mais nous constatons avec regret que le côté clinique de cet enseignement est quelque peu négligé. Dans une lettre qu'il vient d'adresser au doyen de la Faculté de médecine de Paris, M. Devergie signale cette lacune et propose le moyen de la combler (1). Ce que propose l'illustre médecin légiste n'est pas une innovation on sait qu'une clinique médico-légale a été instituée à Strasbourg en 1840 et continuée jusqu'en 1870 sous l'habile direction des professeurs de cette Faculté. « Combien n'est-il pas utile, dit

(1) Voici un extrait de la lettre de M. Devergie:

<< Pourquoi, durant le semestre d'hiver, le professeur de médecine légale de la Faculté ou son agrégé ne ferait-il pas des conférences pratiques, qui seraient à la médecine légale ce que la clinique est à la médecine? Quelle énorme différence entre décrire l'écume que l'on trouve dans la trachée artère d'un noyé jeté vivant dans l'eau, le sillon ou empreinte de la corde d'un penda, la docimasie hydrostatique opérée avec les poumons d'un enfant nouveau-né, les altérations d'organes d'un asphyxié par le charbon, et la description de tous ces faits, quelque claire et exacte qu'elle soit!

» C'est à la Morgue que j'ai puisé une bonne partie des faits pratiques consignés dans mon Traité de médecine légale..... C'est par l'examen de nombreux noyés que je suis arrivé à tracer l'histoire de la putréfaction dans l'eau, qui n'avait pas encore été faite.....

» C'est donc là, monsieur le Doyen, une innovation utile à introduire dans l'enseignement, et si vous n'utilisez pas les sources d'instruction que l'on peut puiser à la Morgue, croyez bien que l'enseignement libre s'en emparera..... >> Nul doute que M. le préfet de police n'autorise ces autopsies dans une juste mesure et sans nuire aux intérêts des familles comme à l'intérêt de Ja justice..... >>

(Gaz. hebd. de méd. et de chir., 7 janvier 1876.)

M. Tourdes, de substituer la démonstration à la description et de faire passer sous les yeux des élèves les pièces matérielles de tout débat. Le jeune docteur, en quittant les bancs de l'école, doit être capable de résoudre un problème de médecine légale, comme il est apte à traiter un malade; c'est un prélude à l'expérience personnelle qu'aucune théorie ne devance, mais que prépare une bonne méthode d'observation. De même que la clinique complète les études théoriques de la pathologie, de même aussi une observation spéciale, une véritable clinique médico-légale est nécessaire pour initier l'élève à l'art des expertises et pour le mettre en état d'exercer dignement cette partie si délicate des devoirs du médecin. »

Abordons un dernier point relatif à l'enseignement. La médecine légale doit-elle faire partie de l'instruction du légiste, doit-elle être enseignée dans les Facultés de droit? A cette question, qui a été l'objet de vives controverses, nous répondrons par l'affirmative. Sans doute le légiste n'a pas fait les études nécessaires pour approfondir les questions purement médicales; mais la connaissance des sciences naturelles, qui font aujourd'hui partie de toute éducation libérale, peut le mettre à même d'apprécier certains faits et d'acquérir en médecine légale quelques notions générales. «La médecine résout les questions, la justice les pose, » dit M. Tourdes; or il est incontestable que le légiste qui connaîtrait quelques points de médecine légale serait mieux à même de diriger une expertise et éviterait d'adresser au médecin bien des questions inutiles. Les connaissances médico-légales sont également indispensables aux membres du barreau, qui pourraient alors discuter les rapports des médecins sans tomber dans des exagérations ou des appréciations souvent ridicules. Pour n'en citer qu'un exemple, nous rappellerons l'hystérie qui est souvent invoquée dans les procès en adultère ou en séparation de corps. Le plus souvent l'avocat essaye de défendre la femme

compromise et d'excuser le libertinage et la débauche en invoquant l'hystérie, névrose dont la nature lui est absolument inconnue. C'est alors qu'il donne plein essor à son imagination, énumère des symptômes fantaisistes et appuie toute sa plaidoirie sur les erreurs et les préjugés les plus absurdes. Il nous semble que les inconvénients de cette nature pourraient être évités ou atténués si la médecine légale était enseignée dans les Facultés de droit.

Nous pensons également que le médecin doit se familiariser avec les questions de droit qui se rattachent à la médecine, et connaître les lois et les règlements qui régissent sa profession. Ces connaissances sont indispensables nonseulement au médecin légiste, mais encore au praticien qui, souvent isolé au milieu d'une population routinière et ignorante, aura fréquemment l'occasion de les appliquer.

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