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CHAPITRE IV

INFANTICIDE

cide, le meurtre d'un enfant nouveau-né.

LÉGISLATION.

Code pénal, ART. 300.

Est qualifié infanti

Code pénal, ART. 302.

Tout coupable d'assassinat, de parricide, d'infanticide et d'empoisonnement sera puni de mort.

Pour qu'il y ait infanticide il faut (Briand et Chaudé): 1° que l'enfant soit nouveau-né; 2° que l'enfant soit né vivant; 3° que la mort ait été causée volontairement.

Qu'est-ce

A. Il faut que l'enfant soit nouveau-né. que la loi entend par le mot nouveau-né? est-ce l'enfant âgé d'une heure, d'un jour ou de plusieurs mois? Les jurisconsultes ont d'autant plus discuté cette question que la peine n'est pas la même pour l'infanticide que pour l'homicide. Le meurtre d'un enfant nouveau-né est puni de la peine capitale, tandis que le meurtre d'un autre enfant n'est qu'un homicide ordinaire et n'entraîne la mort que lorsqu'il y a eu préméditation.

Les arrêts suivants ont cependant fixé la jurisprudence sur ce sujet :

« Attendu que l'enfant dont il s'agit était né dans un établissement public et avait été inscrit dans les registres de l'état civil sous le nom de sa mère; que dans ces circonstances et après

quatorze jours de vie, on ne pouvait plus dans le sens de l'article 300 du code pénal, le considérer comme un enfant nouveauné, de l'existence duquel on aurait voulu anéantir les traces, etc. «La Cour casse et annule.... » (Cour de cassation, 20 juin 1822.)

» Attendu que la loi en qualifiant d'infanticide, et en punissant d'une peine plus forte le meurtre d'un enfant nouveau-né, n'a eu en vue que l'homicide volontaire commis sur un enfant au moment où il vient de naître ou dans un temps très-rapproché de celui de la naissance;

» Que ces dispositions ne peuvent être étendues au meurtre d'un enfant qui a déjà atteint l'âge de trente et un jours, et dont par conséquent la naissance, si elle n'a été légalement constatée, n'a pu, du moins le plus souvent, rester inconnue. » (Cassation, 24 décembre 1835.)

On peut conclure des arrêts précédents et de plusieurs autres qui ont été rendus dans le même sens que l'enfant âgé de quatorze jours n'est plus un enfant nouveau-né dans le sens de l'article 300. Mais un grand nombre de médecins légistes ont cherché à remédier à l'indécision de la loi, en cherchant à faire reposer la définition du mot nouveau-né sur des caractères anatomiques constants. Olliviers d'Angers, considérant que le cordon ombilical se détache toujours du quatrième au huitième jour après la naissance, a proposé de désigner sous le nom de nouveauné, l'enfant chez lequel le cordon est encore adhérent. Froriep, de Berlin (1), arrive encore à une limite plus restreinte et déclare que, pour le jurisconsulte, l'enfant ne doit être considéré comme nouveau-né que lorsqu'il n'a pas encore reçu les premiers soins, lorsqu'il est encore sanguinolentus.

Comme le fait justement remarquer M. Tardieu, le médecin sera rarement appelé à décider de la question. Il serait, du reste, beaucoup plus simple de s'en rapporter à la loi civile qui, dans certains pays, conserve le titre de nouveau-né à l'enfant qui n'a pas trois jours révolus, ce qui répond aux délais fixés chez nous pour l'inscription à l'état civil.

(1) Ann. d'hyg. et de méd. lég., 1re série, t. IV, p. 356.

B. Il faut que l'enfant soit né vivant.-S'il est essentiel pour constituer le crime d'infanticide que le meurtre ait été commis sur un nouveau-né, il est non moins essentiel que l'enfant soit né vivant. Il est de toute évidence qu'on ne peut commettre un meurtre que sur un individu vivant et que, si l'enfant est né mort, l'accusation tombera immédiatement (1).

Mais il n'est pas nécessaire, pour que le crime ait été commis, que l'enfant ait vécu de la vie extra-utérine, c'està-dire que la respiration ait été effectuée, il suffit qu'il ait vécu (Devergie). Il n'est pas nécessaire non plus que l'enfant soit né viable, ainsi, la mort donnée à un fœtus de cinq mois, à une époque où il n'est pas viable, constituerait le crime d'infanticide. Il peut aussi se présenter certains cas où il s'écoule entre l'accouchement et la respiration un laps de temps assez long pour que la mère puisse tuer son enfant, mais la constatation de l'infanticide est alors si difficile que les poursuites n'ont pas lieu dans la plupart de ces cas.

C'est à tort que plusieurs jurisconsultes et médecins légistes ont agité la question de viabilité à propos de l'infanticide. Les questions de viabilité n'ont aucun rapport avec le droit criminel et ne peuvent s'élever que dans le droit civil.

Nous étudierons un peu plus loin les caractères à l'aide desquels le médecin légiste peut prouver que l'enfant est né vivant.

C. Il faut que la mort ait été causée volontairement. Si la mort de l'enfant a été causée par négligence, manque de soins ou imprudence il n'y a pas infanticide, mais homicide par imprudence qui n'est passible que de peines correctionnelles. Si des violences et des mauvais traitements volontaires avaient produit la mort, sans qu'il y ait eu intention de la donner, le coupable ne serait pas puni du crime d'infanticide (Chaudé); il tomberait alors sous le coup de l'article 309, qui punit des travaux forcés à temps quiconque occasionne la mort par coups et blessures volontaires sans avoir eu l'intention de la donner.

(1) Cassation, 30 juin 1808.

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L'infanticide, comme tous les autres genres d'attentats contre les personnes, prend d'année en année une extension croissante. De 1826 à 1830 la moyenne a été en France de 102 accusations et de 113 accusés, de 1831 à 1835, de 94 accusations et de 103 accusés; de 1836 à 1840, de 135 accusations et de 157 accusés; de 1841 à 1845, de 143 accusations et de 167 accusés; de 1846 à 1850, de 152 accusations et de 172 accusés; de 1851 à 1855, de 183 accusations et de 212 accusés; de 1856 à 1860, de 214 accusations et de 252 accusés; enfin de 1861 à 1865, le nombre des accusations a été de 205 et celui des accusés de 231.

Le tableau suivant, que nous empruntons à M. Tardieu, montre l'état des accusations et des accusés d'infanticide depuis 1850 à 1866.

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M. le conseiller-Berryat Saint-Prix (1) a calculé que de 1833 à 1862, en trente ans, sur 5991 accusés d'infanticide

(1) Gaz. des trib., 19 février 1864.

traduits devant la Cour d'assises, 1998 ont été acquittés; 954 condamnés à deux ans au plus de prison, 2584 aux travaux forcés à temps ou à vie; 55 à la peine de mort, c'est-à-dire un peu moins de 1 pour 100. Quarante de ces dernières condamnations ont été commuées et, de 1846 à 1862 il n'y a eu que trois exécutions. Ce magistrat conclut de ces faits que l'exagération même de la peine conduit à l'impunité ou à l'insuffisante répression du crime d'infanticide. Il regrette que la loi de 1863 n'ait pas fait descendre ce crime du rang que le législateur lui a assigné à côté de l'assassinat, du parricide et de l'empoisonnement pour lui rendre celui que le Code de 1791 lui avait assigné en le considérant comme un simple homicide.

Cette proportion considérable d'acquittements s'explique par les circonstances qui accompagnent le crime, par la position des accusées et par d'autres motifs de commisération, auxquels le médecin légiste doit rester étranger.

La fréquence de l'infanticide reconnaît principalement pour causes la misère et l'immoralité, mais on ne saurait nier que la suppression des tours n'ait été en grande partie la cause de l'extension de ce crime dans ces vingt dernières années. «La suppression du tour, dit M. Brochard (1), laisse la société sans armes contre l'avortement et l'infanticide. Son rétablissement donnerait de la force à la loi et permettrait aux jurés d'être plus sévères, car la fille qui aurait tué son enfant serait alors sans excuse aucune. On n'aurait plus le spectacle de ces acquittements scandaleux qui blessent la morale et la conscience publiques et l'on n'entendrait plus, comme aujourd'hui, un président de jury déclarer, la main sur la conscience, qu'une fille qui a étranglé son enfant ou qui l'a coupé par morceaux n'est pas coupable. >>

(1) La vérité sur les enfants trouvés, Paris, 1876, p. 100.

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