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service seront au contraire dans ce cas un puissant moyen de thérapeutique.

La chorée, la paralysie agitante ont été également simulées, mais il est facile dans ces cas de déjouer la ruse en faisant surveiller l'individu qui se trouve alors dans l'impossibilité de continuer la simulation. M. Lereboullet nous a communiqué l'intéressante observation d'un militaire qui simulait l'ataxie locomotrice avec beaucoup de talent et était parvenu à tromper plusieurs médecins.

3o Folie, imbécillité. Toutes les formes d'aliénation mentale peuvent être simulées, mais la manie aiguë et la mélancolie avec stupeur sont celles qui tentent le plus souvent les simulateurs. La première, parce qu'elle répond très-bien par les symptômes éclatants à l'idée que le vulgaire se fait de la folie, la seconde parce qu'elle est relativement facile à simuler.

L'idiotie et l'imbécillité sont plus difficiles à simuler, mais, comme le fait justement remarquer M. Legrand du Saulle, il arrive parfois que des imbéciles, jouissant d'une certaine liberté morale, exagèrent les signes de l'imbécillité pour échapper au châtiment.

Nous reviendrons plus loin sur ces questions à propos de l'aliénation mentale. La simulation de la folie est en somme très-difficile et l'expert n'aura pas de peine à la découvrir dans la grande majorité des cas. Néanmoins il sera quelquefois nécessaire, en présence de la ténacité du simulateur, de prolonger l'examen pendant longtemps et d'avoir recours à des subterfuges. Dans un cas rapporté par Montégya, les médecins chargés d'examiner un individu soupçonné de simulation dirent devant lui, et de façon à être entendus, qu'ils avaient des doutes sur la réalité de la folie du prévenu pour plusieurs raisons: la première, c'est qu'il répandait la nourriture qu'on lui donnait; la seconde, c'est qu'il ne soupirait pas; la troisième, c'est qu'il ne fixait ses regards sur aucun objet. La ruse réussit et le simulateur modifia sa comédie de manière à lever immédiatement les doutes des médecins. Dans un autre cas, le médecin eut l'air de croire à la réalité de la

folie, tout en faisant exercer une surveillance continuelle sur l'individu. Convaincu que sa supercherie avait réussi, le prétendu fou cessa de simuler et ne reprit sa comédie que lorsqu'il fut de nouveau question d'une enquête.

<< Mais, si habile que soit un simulateur, dit M. Legrand du Saulle, il ne pourra arriver à reproduire les signes somatiques de l'aliénation mentale, tels que l'insomnie, qui est un des symptômes les plus constants, les troubles de la digestion et des sécrétions salivaires et cutanées, l'amaigrissement qui accompagne les formes aiguës, et le retour à l'embonpoint qui est un des signes que le mal passe à l'état chronique, le ralentissement du pouls et de la respiration, que l'on observe dans la lypémanie et dans la stupidité, etc., etc. »

B. ULCÈRES, MALADIES DE LA PEAU.

1° Blessures. On simule rarement les blessures avec plaie, ce genre de simulation étant d'une exécution douloureuse et présentant des dangers réels. L'expert n'a pas de peine à découvrir la ruse dans ces cas, car la blessure est presque toujours légère et superficielle et nullement en rapport avec la cause à laquelle elle est attribuée. On en jugera par l'observation suivante rapportée par Briand et Chaudé.

C... prétendait avoir été frappé à la partie inférieure de la poitrine, le 4 décembre 1846, d'un coup de poignard qui avait pénétré profondément. Visité le 11 par Bayard, il présentait une petite plaie de 12 millimètres de longueur, recouverte de sang coagulé; mais à l'aspect de cette plaie on était porté à croire qu'elle avait été faite avec la pointe d'un instrument appliqué avec ménagement et à plusieurs fois, de manière à érailler la peau et à ne l'entamer que peu à peu. On a reconnu que cette blessure n'était que superficielle, et que les tissus sous-jacents n'avaient pas été intéressés: car si la blessure avait été profonde, la cicatrisation eût déterminé des adhérences entre les tissus lésés, entre la peau et les muscles sous-cutanés; or la peau était parfaitement mobile et on la faisait glisser en tous sens sans le moindre tiraillement. On fit revêtir à C... les habits qu'il portait

le 4 décembre, et on le fit placer dans l'attitude que, d'après son récit, il devait avoir au moment où il aurait été blessé. Les coupures des vêtements ne répondaient pas à la blessure: celle-ci était située plus bas et plus en dehors. Le gilet et la chemise présentaient, au lieu d'un trou, une incision ou coupure qui paraissait faite en plusieurs fois, et les rebords de cette coupure n'avaient pas ces traces de sang que laisse l'instrument que l'on retire d'une plaie et qui s'essuie en sortant. La blessure n'avait que 12 millimètres et les coupures des vêtements avaient 7 centimètres; or l'épaisseur des vêtements et la résistance de leur tissu étaient telles qu'il eût fallu pour les percer que le coup eût été porté avec force, et dès lors la plaie eût été profondément pénétrante, et sa longueur eût été égale à celle des incisions des vêtements. On eut bientôt la certitude que la blessure avait été simulée.

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2o Ulcères. Des individus simulent et entretiennent des ulcères pour exciter la compassion publique ou pour s'exempter du service militaire. Ils emploient dans ce but des applications irritantes, des vésicatoires ou des substances végétales telles que la clématite (herbe aux gueux) ou l'écorce de garou. Il est facile de reconnaître cette supercherie en faisant surveiller le malade ou en appliquant sur la plaie un bandage roulé dont les lignes auront été marquées avec de l'encre. Si le malade ne défait pas le bandage la guérison s'opérera; s'il le défait pour appliquer sur la plaie une substance quelconque, il lui sera impossible de le replacer de manière à ce que les lignes d'encre marquées sur la bande correspondent exactement.

3o Maladies de la peau. Les maladies parasitaires, la teigne faveuse principalement, sont quelquefois simulées. Les conscrits ont cherché a imiter les lésions du favus à l'aide de l'acide nitrique. La projection de quelques gouttes de cette substance sur le cuir chevelu produit en effet l'apparition de croûtes jaunâtres, mais ces taches ne présentent ni la disposition régulière, ni la dépression en godet du favus. L'examen microscopique met du reste les maladies parasitaires à l'abri de toute simulation.

On a également simulé les sueurs abondantes et fétides qui constituent un cas de réforme, en appliquant sur cer

taines parties du corps, les pieds principalement, certaines substances telles que la teinture d'asa fœtida et l'huile de Dippel, mais on fait facilement justice de cette supercherie en faisant savonner le malade et en le plaçant en observation pendant quelques jours.

Les sueurs de sang ont été quelquefois simulées sous l'influence de l'exaltation religieuse et du fanatisme. Mais la constatation de cette simulation est très-délicate et ne sera que très-rarement l'objet d'une enquête médico-légale. Les recherches de Parrot ont établi que la sueur de sang, maladie essentiellement nerveuse, ne saurait être mise en doute. Cette affection se rapproche des stigmates qui ont été l'objet d'un grand nombre de travaux pendant ces dernières années à l'occasion de l'observation de Louise Lateau.

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L'hémoptysie a été souvent simulée soit en introduisant des substances colorantes dans la bouche, soit en pratiquant des piqûres sur la muqueuse de Schneider, sur les gencives ou dans la gorge. Ces artifices sont en général faciles à déjouer en constatant la nature chimique et histologique du liquide rejeté ou en procédant à un examen attentif de la bouche et des fosses nasales. La question est plus difficile lorsque l'individu déclare purement et simplement qu'il a eu des hémoptysies. On devra dans ce cas s'en rapporter aux certificats et à la notoriété publique, et pour peu que l'examen du thorax fournisse le moindre indice, exempter le malade du service militaire.

L'hématémèse a été simulée en avalant du sang pur ou mêlé avec du bol d'Arménie, l'hématurie en injectant du sang dans la vessie; mais ces supercheries sont en général faciles à reconnaître. Il en est de même des hémorrhagies intestinales et des hémorrhoides qu'on simulait autrefois en introduisant dans l'anus de petites vessies remplies de sang.

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1o Organes de la vue. — L'ophthalmie et la blépharite ont été simulées en appliquant sur la conjonctive et les paupières des substances irritantes et en pratiquant l'épilation des cils. Dans les cas où la simulation est récente, elle est facile à démasquer; mais lorsque les manœuvres provocatrices sont appliquées depuis longtemps, la mala die existe réellement, et la maladie simulée devient une maladie provoquée.

On simule l'amaurose par l'usage de la belladone ou de la jusquiame. Cette ruse peut être facilement déjouée en surveillant l'individu pendant quelques heures, l'effet de ces substances ne persistant guère au delà de dix à douze heures, ou en employant la fère de Calabar. Lorsque la mydriase est due à l'atropine, elle cesse sous l'influence de la fève, contrairement à ce qui a lieu dans la mydriase amaurotique. Après s'être assuré, par l'examen ophthalmoscopique, qu'il n'existe aucune lésion importante de l'œil, on peut encore constater la simulation par un des procé dés suivants :

1° Pendant que l'individu lit des deux yeux ouverts, on presse sur l'angle de l'œil prétendu amaurotique; si alors il accuse une image double, on peut être certain de la supercherie (Boisseau).

2o Un autre procédé, dû à Plet, consiste à faire voir par l'œil prétendu amaurotique un objet que le simulateur croit voir par l'œil qu'il avoue sain. On se sert pour cela d'une boîte rectangulaire fermée en haut par un verre dépoli et percée de deux trous par lesquels les yeux peuvent regarder le fond, d'ailleurs suffisamment éclairé. Sur ce fond sont placés deux miroirs inclinés sous un angle de 120 degrés, de manière à réfléchir, en les entrecroisant, les images de deux objets faciles à reconnaître, placés aux deux coins de la paroi supérieure de la caisse. Le simulateur, obligé de regarder avec ses deux yeux, verra alors les deux objets l'un à droite, avec son œil gauche, l'autre à gauche, avec son œil droit. Obligé d'en

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