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opérations plus ou moins simples pratiquées sur l'utérus pour obtenir le décollement de l'œuf ou la perforation des membranes fœtales. On n'y a généralement recours qu'après avoir inutilement essayé les moyens médicaux que nous avons décrits plus haut. Quoiqu'il soit possible dans certains cas d'atteindre l'utérus avec le doigt, l'opération exige presque toujours l'emploi d'un instrument. Mais les gens qui se livrent à la pratique des avortements ont, en général, trop de prudence pour employer des instruments spéciaux dont la possession serait compromettante. Ces instruments n'ont donc rien de chirurgical: aiguilles à tricoter, tringles de rideaux, fuseaux, plumes d'oie, telles sont les armes employées par les matrones dans un grand nombre de cas.

commence

Mais les récents progrès de la science sont venus fournir de nouvelles indications aux criminels. On maintenant à connaître les procédés récemment appliqués à la chirurgie obstétricale. On a déjà eu recours dans plusieurs cas à l'éponge préparée introduite dans la cavité du col; les injections d'eau chaude, préconisées par Kiwish (de Ratterau) ont été également employées et il est peu de sages-femmes anonnées à la pratique des avortements qui ne connaissent et ne sachent appliquer le dilatateur utérin de Tarnier. Dans un cas observé par M. Devouge et rapporté par M. Tardieu (1), un individu a vainement essayé l'emploi de l'électricité pour procurer l'avortement de sa servante.

Les expertises médico-légales seront d'autant plus difficiles dans ces derniers cas qu'on aura le plus souvent affaire à des accusés versés dans la pratique obstétricale et qui pourront donner à leurs mànœuvres des prétextes et fournir des explications scientifiques.

Comme nous l'avons dit plus haut, on peut distinguer

(1) Étude médico-légale sur l'avortement, p. 205.

deux sortes de moyens chirurgicaux, ceux qui décollent l'œuf et ceux qui perforent les membranes. Comme le font remarquer Briand et Chaudé, cette distinction peut avoir quelque importance au point de vue médico-légal : « En effet, la présence de lésions sur le foetus rendra probable la perforation; leur absence, au contraire, fera présumer qu'on a eu recours au décollement, et comme ce moyen constitue un mode plus difficile et pour ainsi dire plus savant, son emploi permettra à la justice de reconnaître une main plus exercée et de diriger ses soupçons avec plus de certitude. »

CONSTATATION MÉDICO-LÉGALE DE L'AVORTEMENT.

Les circonstances particulières au milieu desquelles s'opère l'avortement criminel le fait différer, au point de la symptomatologie et du pronostic, de l'avortement naturel et de l'avortement légalement pratiqué par le chirurgien.

On trouvera dans les traités d'accouchements la description des symptômes qui accompagnent l'avortement spontané. Quant aux symptômes de l'avortement criminel, ils n'ont rien de caractéristique. Dans la plupart des cas, la femme éprouve, au moment de l'opération ou peu d'instants après, une vive douleur. soit dans les reins, soit dans un point de l'abdomen. Une hémorrhagie plus ou moins abondante survient presque immédiatement. On observe ensuite des nausées, des vomissements, un écoulement de sang et de liquide amniotique qui annoncent le commencement du travail.

Il suffit, pour montrer le danger des manœuvres abortives coupables, de rappeler que sur 116 cas d'avortement criminel exactement observés, 60 ont été suivis de mort, tandis que sur 26 avortements pratiqués légalement, selon les règles de l'art, on n'a observé aucun accident grave. L'hémorrhagie, la métro-péritonite et la rupture de l'utérus sont les plus redoutables complicalions de l'avortement

et ce sont ces accidents eux-mêmes qui font découvrir le crime dans un grand nombre de cas.

Il importe de préciser autant que possible l'intervalle qui s'est écoulé entre les manœuvres abortives et l'expulsion de l'œuf. Sur 34 cas d'accouchement provoqué, Orfila avait noté que le minimum de temps écoulé entre l'opération et l'expulsion était de treize heures et demie et le le maximum de six jours. M. Tardieu, qui a observé un nombre considérable d'avortements produits par des manœuvres criminelles directes, formule l'opinion suivante: « Je considère comme rares les cas où la date de l'expulsion du fœtus a été de six, sept, huit ou onze jours. Le maximum et le minimum du temps écoulé entre l'opération et la consommation de l'avortement varient donc de cinq heures à onze jours; mais, je le répète, le résultat est obtenu le plus souvent à la suite des manœuvres criminelles dans les quatre premiers jours. S'il s'agit du procédé fréquemment employé aujourd'hui, de l'injection intrautérine, les choses marchent plus vite encore. Après une seule injection, si elle a réellement pénétré dans la cavité de la matrice, les contractions de l'organe commencent très-vite et peuvent provoquer l'expulsion en quelques heures. Je ne l'ai pas vue tarder au-delà de dix-huit heures et, dans deux cas, je l'ai vue accomplie en 6 ou 8 heures. »

L'expert chargé d'éclairer la justice dans un cas présumé d'avortement devra procéder à l'examen du produit expulsé, à l'examen de la femme et à l'autopsie, s'il y a lieu.

a. Examen du produit de la conception. Il faut d'abord constater la nature de ce produit, qui peut être resté dans les parties génitales de la mère ou se trouver dans les caillots de l'hémorrhagie. Cette opération, qui est souvent difficile, sera pratiquée avec le plus grand soin afin d'éviter de détériorer le produit et d'y faire des déchirures qui pourraient être prises plus tard pour des lésions criminelles. Le point essentiel est de s'assurer si les débris plus ou moins informes qu'on présente quelquefois à l'expert appartiennent réellement à un foetus : dans ce but, on lavera avec soin ces débris et on procèdera à un examen

anatomique minutieux. L'examen histologique, qui permettra de reconnaître l'organisation des membranes et la présence des villosités placentaires, sera souvent nécessaire.

On recherchera ensuite les maladies de l'embryon et de ses annexes, hémorrhagie, hydatides, infiltrations graisseuses, etc., dont l'existence peut causer l'avortement naturel.

Les blessures de l'embryon et de ses membranes sont rares avec les procédés d'avortement actuellement en usage; on les recherchera néanmoins avec soin. C'est le plus souvent au sommet du crâne que se trouvent les piqûres, les déchirures ou autres lésions faites pendant la vie foetale. Dans les cas cités par Ollivier (d'Angers) et Tardieu, les blessures du foetus occupaient le sommet de la tête, l'occipital, la fontanelle antérieure, la région qui s'étend du sommet de la tête aux vertèbres cervicales. Dans un cas, l'occipital avait été percé; dans d'autres, les os du crâne avaient été fracturés. (Hufeland.)

L'aspect général du fœtus permettra, dans quelques cas, d'arriver à la détermination approximative de l'époque à laquelle il a cessé de vivre dans le sein de sa mère. Il est, du reste, facile de distinguer la putréfaction qui se produit à l'air libre de la macération qui a lieu dans l'utérus. L'enlèvement de l'épiderme, les rides et la mollesse de la peau, la teinte rouge brun uniforme des téguments, l'infiltration de sérosité rougeâtre dans le tissu cellulaire et les cavités séreuses sont autant de signes qui attestent que l'embryon avait cessé de vivre plusieurs jours avant son expulsion. D'après M. Tourdes, une putréfaction trèsavancée rend l'expulsion naturelle plus probable, tandis que les signes de vie et l'état de fraîcheur des tissus indiquent un avortement rapide.

Dans un remarquable travail qu'il vient de publier (1) M. Le Blond a réuni un certain nombre d'observations qui lui permettent de conclure que l'avortement spontané qui survient pendant les trois premiers mois de la grossesse

(1) Ann. de gynécol., juin 1876

se fait habituellement en bloc, c'est-à-dire que l'embryon est expulsé entouré de ses membranes intactes. On conçoit aisément l'importance du fait au point de vue de la constatation médico-légale de l'avortement. Si de nouvelles observations viennent à l'appui de cette doctrine, on pourra admettre, avec M. Leblond, que, dans l'avortement spontané des premiers mois de la grossesse, lorsque les membranes sont rompues et qu'elles sont saines, l'avortement a été provoqué.

Il importe également de constater l'âge probable du fœtus en se basant sur le développement des organes externes et internes, mais nous ferons remarquer que cette constatation est d'une importance secondaire et ne peut que servir à contrôler certains points de l'enquête ou certaines allégations de la femme. « Il n'y a pas lieu, nous dit M. Tardieu, de faire sur l'avorton les mêmes recherches que sur le nouveau-né qui périt par infanticide, sauf le cas, fort rare d'ailleurs, où, en raison de l'àge déjà avancé et de l'apparente viabilité du fœtus expulsé, on peut supposer qu'il y ait eu à la fois, ou, pour mieux dire, successivement, avortement et infanticide. »

Nous nous rangeons complétement à l'avis de M. Tardieu et nous renvoyons au chapitre de l'infanticide et de l'accouchement pour les questions relatives à l'âge et à la viabilité du foetus.

b. Examen de la femme. Deux cas peuvent se présenter la femme est complétement remise des suites d'un avortement déjà ancien, ou bien elle souffre encore des suites d'un avortement récent ou ancien. Dans le premier cas, l'examen direct des organes ne permettra aucune appréciation en ce qui concerne le fait mème de l'avortement, mais il pourra être utile en révélant l'existence antérieure de la grossesse. Nous avons vu, dans le chapitre consacré à l'étude de l'accouchement, combien la constatation de la grossesse était difficile dans la majorité des cas, nons ne reviendrons pas sur ce sujet. Nous ferons seulement remarquer, avec M. Tardieu, que les organes d'une femme qui a mis au monde un avorton de quelques

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