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Malgré tous les avantages que présente cette classification, nous pensons qu'elle ne peut rendre, en médecine légale, les mêmes services qu'en toxicologie, et nous lui préférons la classification de M. Tardieu, qui est uniquement fondée sur les caractères cliniques de l'empoisonnement et qui, par cela même, répond mieux aux besoins de la science médico-légale.

Cet auteur, à qui nous ferons de fréquents emprunts, ramène tous les empoisonnements à cinq groupes principaux, qui se répartissent de la manière suivante :

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« L'empoisonnement par les poisons irritants et corrosifs a pour caractère essentiel une action locale irritante qui peut aller jusqu'à l'inflammation la plus violente, la corrosion et la désorganisation des tissus atteints par la substance vénéneuse ingérée, dont les effets sont presque exclusivement bornés à la lésion des organes digestifs.

» L'empoisonnement par les poisons hyposthénisants a pour caractères essentiels, non pas l'irritation locale produite par le poison, bien qu'elle soit réelle, mais les accidents généraux résultants de l'absorption; ils sont tout à fait disproportionnés avec les effets locaux, qui manquent d'ailleurs très-souvent, et complétement opposés à l'irritation et à l'inflammation; ils consistent en effet en une dépression rapide et profonde des forces vitales et sont liés à une altération souvent manifeste du sang.

> L'empoisonnement par les poisons stupéfiants, dont la plupart étaient compris sous la dénomination impropre de narcotico-âcres, bien que ne produisant ni narcotisme ni âcreté, a pour caractère essentiel une action directe, spéciale, sur le système nerveux, action dépressive qui répond à ce qu'on nomme en séméiotique la stupeur, accompagnée parfois d'une irritation locale, toutefois peu in

tense.

» L'empoisonnement par les narcotiques est caractérisé par l'action toute spéciale et distincte que l'on ne peut définir que par son nom même, le narcotisme. Ce groupe tout entier est formé par l'opium, ses éléments et ses composés.

» L'empoisonnement par les poisons névrosthéniques a pour caractère essentiel, ainsi que l'indique cette dénomi nation, dont le sens est dès longtemps fixé dans la langue médicale, une excitation violente des centres nerveux, dont l'intensité peut aller jusqu'à produire instantanément la mort. >>

Telles sont les définitions de M. Tardieu et tel est l'ordre que nous allons suivre dans l'étude clinique et chimique des poisons.

7. Les poisons au point de vue des symptômes et des lésions qu'ils détermincnt.

PREMIÈRE CLASSE.-POISONS IRRITANTS OU CORROSIFS.

Symptômes généraux. -- Selon la quantité de poison ingérée, les symptômes ont une marche suraiguë ou subaiguë. Dans le premier cas, le malade éprouve une douleur très-vive dans la gorge, l'œsophage et l'estomac; les vomissements sanguinolents, qui surviennent rapidement, sont bientôt suivis de coliques et d'évacuations alvines très-abondantes. Les symptômes sont ceux d'une gastroentérite intense : ballonnement du ventre, suppression des urines, facies hippocratique, pouls petit et fréquent. La mort survient au bout de quelques heures.

Dans le second cas, les vomissements sont moins intenses et finissent par se calmer; mais les fonctions digestives restent profondément troublées, et le malade succombe dans le marasme au bout de quelques semaines ou de quelques mois. La guérison peut quelquefois être obtenue, mais il reste toujours une dyspepsie rebelle.

On trouve comme lésions des taches et eschares de couleur variable dans la bouche et des traces d'une inflammation violente de l'estomac, de l'intestin et particulièrement du rectum. Ces lésions peuvent aller jusqu'à l'ulcération et la perforation. Dans les cas où l'empoisonnement a revêtu la forme subaiguë, on trouve un rétrécissement de l'œsophage, de l'estomac et de l'intestin, et les parois de ces organes sont épaissies et plissées.

Les principaux poisons à étudier dans cette classe, au point de vue médico-légal, sont les acides concentrés (sulfurique, chlorhydrique, tartrique, azotique, acétique, oxalique), les sels acides (alun, nitrate, acide de mercure), les alcalis (potasse et soude caustique, eau de Javelle, am:noniaque) et les irritants drastiques.

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1° Acide sulfurique.

L'empoisonnement criminel par cet acide n'est pas très-commun, et c'est principalement dans les cas de suicide et d'empoisonnement accidentel qu'on a l'occasion de constater ses effets. Il est quelquefois employé par les femmes jalouses pour défigurer leur amant ou leur rivale, et il produit dans ce cas des lésions locales qui se rapprochent des brûlures (voy. p. 199). L'empoisonnement a lieu par l'acide du commerce ou par le bleu de teinture, qui est une solution d'indigo dans l'acide sulfurique. Symptômes.

L'acide sulfurique détermine au plus haut degré les symptômes qui appartiennent aux poisons irritants irritation très-vive du tube digestif, sensation atroce de brûlure dans la bouche, la gorge, jusqu'à l'estomac; dysphagie, contraction de la gorge, vomissements bilieux et sanguinolents, quelquefois de la diarrhée. Il y a petitesse du pouls et tendance à la syncope. Les matières vomies ont le caractère fortement acide avec le tournesol et font effervescence avec les carbonates. On observe des eschares aux lèvres, à la bouche, sur le menton. L'eschare a souvent la forme du vase; elle est noire parce que l'acide sulfurique s'empare de l'eau et met, le charbon en liberté. Le rétrécissement de l'œsophage est une des suites les plus graves de l'ingestion de cet acide et des poisons corrosifs en général; le siége de ces rétrécissements est constamment à la partie supérieure de l'œsophage.

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Lésions cadavériques. Eschares noires depuis la bouche jusqu'à l'estomac, quelquefois perforation de la partie supérieure de l'œsophage. Ecchymoses et liquide acide dans l'estomac. Les lésions consécutives à l'empoisonnement subaigu occupent l'oesophage, l'estomac et l'intestin, et sont caractérisées par des ulcérations, des cicatrices et un épaississement des parois.

M. Laboulbène a récemment observé un cas d'empoisonnement par l'acide sulfurique dans lequelles eschares présentaient une coloration blanchâtre. Quinze jours après

l'ingestion du poison, le malade a rejeté par le vomissement une masse noirâtre qui n'était autre chose que la totalité des membranes muqueuse et fibreuse de l'estomac (1). Traitement. Faire vomir le malade et lui donner une grande quantité d'eau albumineuse; administrer la magnésie à haute dose, pour saturer l'acide, et l'opium contre les douleurs.

2o Acide chlorhydrique. Cet acide, moins employé que les acides sulfurique et nitrique, est également un poison énergique. A la dose de 15 grammes, il peut donner la mort à un adulte.

Les symptômes et les lésions sont à peu près les mêmes que pour l'acide sulfurique. Les vomissements ont généralement une coloration couleur de café analogue à celle que l'on observe chez les individus atteints de cancer stomacal. L'haleine des malades est extrêmement acide; elle est parfois fumante, et, dans ce cas, elle donne des vapeurs blanches abondantes au contact de l'ammoniaque. Les eschares sont blanches, et on n'observe pas de perforations de l'estomac, comme cela arrive quelquefois avec l'acide sulfurique.

Le traitement est le même que pour l'acide sulfurique.

3o Acide azotique. L'acide azotique du commerce (acide à 26 degrés), appelé vulgairement eau-forte, est la cause de fréquents empoisonnements.

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Symptômes. - Les mêmes que pour l'acide sulfurique. Lingestion de cet acide détermine sur les lèvres des taches jaunes caractéristiques, et les vomissements sont quelquefois mélangés de débris de muqueuse gastrique et œsophagienne, ce qui tient à la grande énergie du poison.

Les lésions présentent la plus grande analogie avec celles que produit l'acide sulfurique. La muqueuse de l'œsophage offre l'aspect d'un tissu graisseux de couleur orangée; la muqueuse intestinale est boursouflée, parsemée de corps

(1) Bulletin de l'Académie de médecine, 1876, 2o série, t. V;

LUTAUD, Méd. Iég.

p. 1145. 24

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