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dans l'obscurité. La membrane muqueuse de l'estomac est rouge et enflammée, parsemée de taches noires et ardoisées, rarement perforée; mais la lésion la plus importante, après la congestion des reins, est la dégénérescence graineuse des organes (stéatose), particulièrement du foie. Lorsqu'on étudie au microscope les lésions de la stéatose, on trouve les cellules du foie remplies de granulations et de gouttelettes graisseuses très-abondantes (fig. 7). Les fibres musculaires striées sont granuleuses et ont perdu leur striation. Le rein subit également des altérations remarquables qui expliquent l'albuminurie; les cellules

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FIG. 8. 1, tube urinifère normal; 2 tube desquamé e graisseux.

épithéliales des tubuli et des glomérules de Malpighi se remplissent de graisse ou disparaissent complétement (fig. 8). Le sang est noir et ne donne au spectroscope que la rate unique de l'hémoglobine réduite.

Traitement. Faire vomir avec le sulfate de cuivre, qui est réduit en phosphure de cuivre (Martin-Damourette); purger avec de la magnésie; éviter le lait, les purgatifs huileux et les matières grasses, qui favorisent l'intoxication en dissolvant le phosphore.

Pour les recherches chimiques relatives au phosphore, Voyez page 488.

30 Mercure.

- Ingéré à l'état métallique et en grande quantité, le mercure ne produit d'autres accidents que ceux qui résultent de son poids; il n'agit comme poison

que lorsqu'il a été trituré avec des substances pulvérulentes, grasses ou visqueuses.

Tous les sels de mercure sont, au contraire, très-vénéneux; le plus connu d'entre eux et le plus employé dans l'empoisonnement criminel est le sublimé corrosif (deutochlorure de mercure); les autres (protoiodure, biiodure, cyanure et nitrate de mercure, précipité rouge, etc.) ne figurent guère que dans les empoisonnements accidentels. Quant au calomel (protochlorure de mercure), il ne devient toxique qu'autant qu'il trouve sur son passage des substances capables de le transformer, soit en sublimé corrosif, comme le sel de cuisine, soit en cyanure, comme les amandes amères.

Bien que toutes les préparations mercurielles n'aient pas les mêmes propriétés, elles déterminent des effets généraux qui diffèrent peu et qui se rapprochent de ceux produits par le sublimé, qui mérite d'être pris pour type de l'empoisonnement par le mercure.

Le sublimé et toutes les préparations mercurielles solubles sont vénéneuses à très-petites doses (10 à 20 centigrammes). Dans les cas d'homicide ou de suicide, le poison est généralement pris dans une solution aqueuse ou alcoolique, plus rarement avec les aliments. Quelle que soit la voie par laquelle il ait été introduit, il détermine des symptômes locaux et généraux d'une gravité exceptionnelle. Symptômes. D'après la marche des accidents, M. Tardieu distingue trois sortes de formes: suraiguë, subaiguë et lente.

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1° Forme suraiguë. Accidents rapides et violents, analogues à ceux qu'on observe dans l'empoisonnement par les irritants. Vomissements et évacuations alvines bilieuses accompagnées de violentes douleurs avec tension du ventre. Face rouge et vultueuse, gonflement des lèvres, des gencives et de la langue; peau froide, haleine fétide, salivation abondante; mort à la fin du premier jour.

2o Forme subaiguë. — On observe les mêmes accidents que dans la forme suraiguë, mais avec une violence moindre. Vers le cinquième ou le sixième jour s'opère une rémission apparente mais les malades restent dans un état de

prostration générale. La guérison est possible dans cette forme, mais il survient le plus souvent un état cachectique qui peut amener la mort au bout d'un temps plus ou moins long.

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3o Forme lente. Les accidents surviennent pendant le cours d'un traitement mercuriel, et chez les ouvriers exposés aux vapeurs de mercure. Ils constituent une forme d'intoxication professionnelle qui ne se rattache qu'indirectement à la médecine légale et dont on trouvera la description dans les traités de pathologie.

Lésions cadavériques.

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Les muqueuses de l'estomac et de l'intestin présentent des arborisations, des ecchymoses

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et des ulcérations. Ces lésions peuvent exister alors même que le poison n'a pas été ingéré. Le sublimé corrosif attaque. également la bouche, le pharynx et l'œsophage, dont la muqueuse est gonflée, ramollie, colorée en blanc ou grisbleuâtre.

Lorsque la mort n'est arrivée qu'au bout de quelques jours, on observe également la dégénérescence graisseuse du foie et des reins. Notre distingué confrère M. Hénocque a fort bien étudié cette stéatose dans un cas d'empoisonnement qu'il a communiqué à la Société anatomique (1). A (1) Hénocque, Société anatomique, juillet 1868.

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l'examen microscopique du foie, on voyait nager dans la préparation un grand nombre de gouttelettes et de granulations graisseuses (fig. 9). Dans le rein, on a trouvé le parenchyme complétement détruit et remplacé par des gouttelettes de graisse. Les tubuli qui existaient encore (fig. 10) étaient desquamés et infiltrés de granulations graisseuses.

Traitement. Le meilleur antidote est l'eau albumineuse, qui forme dans l'estomac un albuminate de mercure non corrosif et insoluble dans l'eau; puis la magnésie, qui transforme les sels de mercure en oxydes. A défaut de ces substances, on peut administrer des cendres délayées dans de l'eau tiède, qui formeraient dans l'estomac un carbonate de mercure insoluble. On a proposé divers métaux qui peuvent transformer le sublimé en calomel: la limaille de fer, la limaille de fer et d'or, la limaille de fer et d'argent. M. Bouchardat recommande le sulfure de fer hydraté comme antidote du précipité rouge.

On administrera ensuite, comme agent d'élimination, les purgatifs, les sudorifiques et les diurétiques.

Pour les recherches chimiques, voyez page 489.

4o Cuivre. Les sels de cuivre occupent le troisième rang dans la statistique de l'empoisonnement criminel. L'empoisonnement se produit accidentellement dans des cas nombreux, par suite de l'emploi d'ustensiles de cuivre. On observe également un empoisonnement professionnel par les sels de cuivre.

A l'état de métal pur, le cuivre n'a par lui-même aucune action sur l'économie. Les composés les plus employés comme poison sont le sulfate de cuivre (couperose bleue), le sous-carbonate et le sous-acétate (vert-degris).

L'action vénéneuse par les sels de cuivre ne se produit pas à très-petites doses. On a administréle sulfate de cuivre comme purgatif à la dose de 50 et 60 centigrammes. Il faut 2 ou 3 grammes d'un de ces sels pour déterminer des troubles graves et la mort (Tardieu).

Symptômes. Une demi-heure au plus après l'inges

tion du poison surviennent des vomissements violents accompagnés de coliques atroces, de cardialgie, d'évacuations alvines répétées, de ténesme. Le malade éprouve une violente céphalalgie, un sentiment de constriction à la gorge et une saveur cuivreuse extrêmement pénible. Le pouls est petit, fréquent, irrégulier; l'abolition de la fonction rénale constitue un symptôme constant à l'approche de la mort, qui survient après des mouvements convulsifs et tétaniques.

Ces symptômes appartiennent à la forme aiguë. L'intoxication lente se manifeste par les symptômes de dépression générale, qui appartiennent à tous les empoisonnements par des substances minérales administrées à dose faible et · répétées.

Lésions cadavériques.-Les signes fournis par l'autopsie ne sont pas constants. On observe généralement sur tout le trajet du tube digestif des rougeurs et des taches ecchymotiques noirâtres, et ces lésions sont d'autant plus prononcées que le poison se trouvait en solution plus concentrée. Les matières contenues dans l'estomac ont quelquefois une couleur verdâtre, et la peau présente souvent une teinte ictérique prononcée.

Traitement. Administrer une grande quantité d'eau albumineuse, qui forme, avec les sels de cuivre, un albuminate insoluble. On peut également employer la magnésie et les solutions alcalines, qui précipitent le cuivre à l'état d'oxyde. La limaille de fer a été conseillée dans le but de précipiter le cuivre à l'état métallique. Pour les recherches chimiques, voyez page 494.

5o Antimoine, Émétique. L'empoisonnement crimi-. nel par les préparations antimoniales est rare; mais quelques procès qui se sont déroulés en Angleterre dans ces dernières années ont montré l'emploi criminel qu'on peut faire de ces substances et les difficultés médico-légales que les empoisonnements peuvent soulever.

La préparation la plus employée est l'émétique (tartrate d'antimoine et de potasse), qui possède des propriétés toxiques très-énergiques, puisque, suivant M. Taylor, 10 à

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