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donc une femme d'origine française, après la mort de son mari, sujet italien, recouvre la nationalité française, il faut croire que ses enfants mineurs ne seront plus considérés en Italie comme sujets italiens, s'ils ont cessé de résider dans le

royaume.

Selon la loi française du 26 juin 1889, l'acquisition de la nationalité française par une femme étrangère peut produire sur la nationalité des enfants mineurs des effets différents, selon que la mère est devenue Française par naturalisation ou par réintégration. Si c'est par naturalisation, comme la loi française suit aussi dans ce cas le principe de l'unité de la famille, elle ne pourrait donner lieu à des conflits avec la loi italienne. Mais si c'est par réintégration, des conflits pourraient bien surgir. Le nouvel article 19 du Code français dispose: « Dans le cas où le mariage est dissous par la mort du mari, la qualité de Français peut être accordée par le même décret de réintégration aux enfants mineurs, sur la demande de la mère, ou par un décret ultérieur si la demande en est faite par le tuteur avec l'approbation du conseil de famille. » Il en résulte que si la mère ne demande pas que la nationalité française soit aussi accordée à ses enfants (ce qui probablement arrivera souvent dans le but de les soustraire au service militaire), ceux-ci resteront sans nationalité. Pour éviter cette déplorable conséquence, il serait à désirer que les enfants mineurs dussent suivre la nationalité de leur mère, même dans le cas où celle-ci, étant d'origine française, recouvre la nationalité française par réintégration. Il faudrait pourtant leur accorder, dans l'année qui suit leur majorité, le droit d'option, comme dans le cas où les parents ont acquis la nationalité française par naturalisation.

Si la mère qui a omis de demander la naturalisation de ses enfants mineurs lors du décret qui l'a réintégrée dans la qualité de Française, veut obtenir ensuite leur naturalisation par un décret ultérieur, il faut se demander, comme l'a fait fort à propos M. Audinet', comment on pourra suivre à la lettre l'art. 19, lorsque les mineurs seront Italiens. C'est que, suivant le Code italien, il n'y a pas de conseil de famille, puisque la loi italienne accorde à la mère, lors du décès du père,

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l'exercice de la puissance paternelle, au lieu d'une simple tutelle légale.

Mais il faut observer au surplus que, lorsque la mère sollicite dans la suite la naturalisation de ses enfants, elle est déjà Française et que la jurisprudence en France a fait prévaloir le principe qu'il faut régler la tutelle des mineurs plutôt suivant la loi de la mère que d'après la leur propre. En fait, un conseil de famille serait donc probablement déjà constitué au moment où la mère demanderait la naturalisation de ses enfants. Il serait sans doute préférable que la jurisprudence suivît un principe opposé en faisant prévaloir la loi des mineurs, comme l'ont soutenu plusieurs auteurs éminents 2.

En ce cas, il faudrait admettre que la mère, qui exerce le droit de puissance paternelle, peut en France demander la naturalisation pour ses enfants mineurs, sans que l'approbation du conseil de famille soit nécessaire.

La loi française du 26 juin 1889, tout en ne laissant plus subsister plusieurs conflits qui surgissaient entre les lois françaises antérieures sur la nationalité et le Code italien, ne les a donc pas fait disparaître tous. En attendant, même avant qu'une réforme soit apportée à la loi italienne ou à la loi française, de façon à faire cesser tout désaccord entre elles, il serait à désirer qu'une convention entre la France et l'Italie établisse un modus vivendi, surtout au point de vue du service militaire.

GIULIO DIENA,

Avocat à Venise.

De la situation juridique des aéronautes en droit international.

Le siège de Paris a posé pour la première fois en droit international la question de savoir quelle est la situation juri

1. Cour de Cassation, 13 janvier 1873, 14 mars 1877. V. Clunet 1878, p. 167-8. Tribunal de la Seine, 5 avril 1884. Homberg. - Consul d'Autriche, Clunet 1884, p. 521.

2. Laurent, Droit civil international, vol. VI, n° 21, p. 43. - Lehr, De la loi qui doit régir la tutelle des mineurs quand le tuteur est de nationalité différente. Revue de droit international, 1884, p. 247. — Fiore. Diritto Internazionale privato. Terza Edizione, t. I, no 462-3.

dique des aéronautes employés aux opérations militaires. L'histoire antérieure rapporte bien certains traits relatifs à l'usage des ballons; mais c'était là des faits isolés et presque sans portée pratique qui n'ont guère laissé d'autre trace que celles de simples anecdotes. Au contraire, l'année 1870 a vu les ballons employés pour la première fois comme mode régulier de correspondance entre la capitale assiégée et les armées de province. L'assiégeant, un instant déconcerté dans ses savantes prévisions par cette initiative hardie, perdit toute mesure et prétendit fixer dans ses proclamations les règles à suivre dans ce cas nouveau; mais la question est demeurée entière et attend encore une solution raisonnée, impartiale, exempte des violences de la lutte.

L'heure est venue d'étudier ce point: si une nouvelle guerre survenait entre la France et son ancienne adversaire, l'Allemagne, les ballons y joueraient assurément un rôle; il est même probable qu'en raison de l'essor considérable donné depuis quelques années à l'aérostation civile et militaire, ce rôle serait plus considérable qu'en 1870. L'armée de terre est munie dès maintenant d'un matériel que la marine cherche, elle aussi, à utiliser. La nécessité de mettre en mouvement des masses considérables, occupant une étendue inusitée jusqu'ici, impose, pour ainsi dire, au commandement l'usage de l'observatoire mobile d'un ballon captif pourvu d'un câble téléphonique. Toute grande place assiégée ne manquerait pas d'utiliser les aérostats comme moyen de communication, et l'expérience des aéronautes modernes leur permettrait évidemment d'accomplir leur rôle de messagers aériens avec une autre certitude de succès qu'au temps des équipes improvisées du siège de Paris.

Mais est-ce bien là le dernier mot du rôle militaire des ballons et n'est-il pas permis d'envisager, dès aujourd'hui, la possibilité de demander à ceux qui les montent un concours autrement efficace? Assurément ce serait devancer les faits que de considérer comme résolu le problème, si ardemment cherché, de la direction aérienne; pourtant, plusieurs des inconnues de cette géante équation semblent éliminées, et déjà l'on a pu voir un aéronef revenant un certain nombre de fois à son point de départ, grâce à la vitesse propre dont il était animé; encore un effort dans la construction du moteur, qu'il soit aussi puissant que léger, et un engin terrible entrera dans la lice.

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Se représente-t-on par la pensée l'effet destructeur et peutêtre plus encore l'effet moral que produirait sur une ville assiégée ou sur un camp ennemi la crainte de la survenance nocturne d'un ballon vraiment dirigeable? Celui-ci serait muni d'un ou plusieurs projectiles remplis de puissants explosifs, lesquels, à l'inverse des obus, acquerraient en se rapprochant du but une vitesse croissante et dont le choc représenterait une force immense; et cette attaque viendrait la nuit, d'un ennemi invisible et inaccessible: ce serait le torpilleur aérien. Telle n'est pas encore la vérité d'aujourd'hui ; telle sera peutêtre celle de demain; et ce jour-là verra fatalement la naissance des escadres aériennes, seules en état de combattre dans son élément ce nouvel et redoutable agresseur.

C'est pourquoi le moment est venu de déterminer dans le calme et l'impartialité la situation juridique de ces nouveaux combattants, ne fût-ce que pour épargner aux futurs belligėrants quelqu'une de ces solutions que la passion conseille et que l'histoire réprouve '.

La situation des aéronautes affectés à un service militaire peut être envisagée à plusieurs points de vue en temps de guerre, ils peuvent être employés comme porteurs de dépêches, comme observateurs ou comme combattants; en temps de paix, ils peuvent chercher à saisir le plan des places fortes et autres lieux fortifiés.

I

Le rôle de messagers est précisément celui qu'ont rempli les aérostiers du siège de Paris; 64 ballons emmenant 155 personnes, et des milliers de correspondances ont été successivement lancés du 23 septembre 1870 au 25 janvier 1871; c'est contre ces navigateurs aériens que le gouvernement allemand crut devoir édicter des mesures comminatoires, et qu'il fit ou laissa cruellement sévir lorsque le hasard les conduisit entre ses mains.

1. Le Congrés international d'aéronautique, tenu à Paris, en 1889, a chargé une commission élue sous le nom de Commission permanente civile d'aeronautique et présidée par M. Ianssen, de l'Institut, de préparer la solution de diverses questions au nombre desquelles figure celle qui fait l'objet de la présente étude.

Dans une lettre adressée le 19 novembre 1870 à M. Washburne, ministre des Etats-Unis, par le comte de Bismarck, ce dernier déclarait que tous ceux qui feraient partie de l'équipage d'un ballon capturé seraient jugés selon les lois de la guerre ; le chancelier entendait ainsi les assimiler à des espions. Dans la même lettre il était écrit:

« Toutes les personnes qui prendront cette voie pour franchir nos lignes sans autorisation ou pour entretenir des correspondances au préjudice de nos troupes s'exposeront, si elles tombent en notre pouvoir, au même traitement qui leur est tout aussi applicable qu'à ceux qui feraient des tentatives semblables par voie ordinaire. >>

Il y a dans ces quelques lignes toute une série de confusions. voulues, destinées à terroriser les aérostiers parisiens et qui, d'ailleurs, n'atteignirent guère le but poursuivi; mais il importe de bien dégager les principes de la question afin de prévenir toute erreur. Voici toutefois les principales applications pratiques qui furent faites par l'armée allemande des théories du chancelier de la Confédération :

« Il y a eu, écrit G. Tissandier dans ses Voyages dans les airs, 5 aérostats capturés par les Allemands sur 64 qui ont franchi les lignes ennemies pendant la durée du siège de Paris. L'un d'eux, la Bretagne, fut pris à sa descente à Verdun, le 27 octobre 1870, après un terrible trainage qui eut lieu par un fort vent. L'un des voyageurs, M. Manceau, avait la jambe cassée; il fut, comme ses compagnons, arrêté par des hommes du 4* uhlans qui le contraignirent à coups de crosse à se traîner par terre malgré sa blessure! »

M. Manceau fut conduit à Mayence et mis au cachot où il resta deux jours sans nourriture; il n'échappa à une condamnation à mort qu'en prouvant, par un contrat dont il était porteur, qu'il était simple négociant. Il fut cependant interné à Mayence jusqu'à la fin de la guerre.

M. Verrecke, aéronaute, parti de Paris sur le Général Chanzy, tomba en Bavière; quoique blessé, il fut pillé et brutalisé, lui et ses trois compagnons de voyage; tous les quatre furent internés dans une prison militaire et ce n'est que deux mois après la signature de la paix qu'on leur rendit la liberté. On lit dans le journal l'Aéronaute (avril 1890) :

Nobécourt (Ernest) était parti de Paris dans le ballon le Daguerre, le 3 novembre 1870, en compagnie de MM. Gubert

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