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été cassé par l'arrêt du Tribunal suprême de Vienne, en date du 8 janvier 1884 no 15.968, qui a décidé « que les demandes présentées, par un sujet ottoman contre un sujet autrichien, au consulat d'Autriche à Constantinople, sont présentées à un for incompétent et doivent être rejetées».

96. On peut ajouter à cette jurisprudence constante l'art. 81 de l'Order in Council de 1873, qui ne permet aux sujets ottomans de citer les sujets anglais par devant le consul d'Angleterre qu'après que les premiers ont obtenu de leur autorité. naturelle l'autorisation de se rendre justiciables du Tribunal consulaire. J'ai à peine besoin de le dire : les autorités turques se sont toujours obstinément refusées à accorder une telle autorisation.

De tout ce qui précède, il est permis de conclure que les contestations qui naissent entre les étrangers et les Ottomans, que ceux-ci soient demandeurs ou défendeurs, sont exclusivement portées par devant les tribunaux ottomans.

E.-R. SALEM, Avocat à Salonique.

(A suivre).

Des jeux prohibés tenus dans les cercles et les maisons particulières, selon la législation pénale anglaise.

De nouvelles poursuites exercées récemment en Angleterre contre les maisons de jeu et particulièrement contre des cercles, dont le jeu constitue la principale raison d'être, ont motivé, dans le Law Times, un article intéressant qui expose sommairement la législation anglaise sur cette question.

La décision classique, toujours invoquée en matière de jeu prohibé, est le jugement rendu par MM. Hawkins et Smith dans l'affaire du Park Club. Ce jugement met en lumière l'historique de la question et l'état de la jurisprudence, d'après laquelle certains points de droit sont définitivement fixés.

1. Voir Clunet 1888, p. 282.

La loi fondamentale en cette matière est celle de 1855 qui décide, au § 4 du chapitre 38, que « tout propriétaire ou possesseur d'une maison, d'un appartement ou d'un lieu quelconque qui s'en servira pour y établir un jeu prohibé, ou permettra sciemment à une autre personne d'y établir un jeu prohibé, sera passible d'une amende qui ne dépassera pas 500 liv. st. » La même pénalité est édictée contre ceux qui ayant la charge ou la direction d'une maison s'en servent dans le même but et contre ceux qui aident ce directeur dans sa gestion; enfin, contre ceux qui prêtent de l'argent pour jouer aux personnes qui fréquentent ces maisons.

Le premier point sur lequel une décision de principe est intervenue a rapport aux caractères de cercles qui doivent être considérés légalement comme des maisons de jeu. Le Park Club présentait les apparences d'un cercle ordinaire; ses membres payaient une entrée, une cotisation annuelle et paraissaient chercher dans ce cercle les avantages que l'on trouve habituellement dans ces établissements. Il n'y avait donc rien, au premier abord, qui pût le distinguer des cercles quelconques où le jeu tient d'ailleurs toujours une certaine place. Mais, en examinant les choses de plus près, on établit qu'au Park Club, les repas servis aux habitués, loin d'être une source de profits, donnaient une perte, que le vin et les cigares étaient vendus presque au prix coûtant et que le jeu fournissait au propriétaire du cercle la majeure partie de ses bénéfices provenant presque exclusivement de l'impôt perçu sur les joueurs de baccarat. En outre, pour faciliter le jeu, ce propriétaire escomptait, moyennant un droit de 1 0/0, tous les chèques des membres jusqu'à concurrence de 200 liv. st. Ces faits et d'autres établirent pour le Tribunal la preuve que le Park Club, en dépit de ses apparences, n'était qu'une simple maison de jeu. Le Tribunal ne tint pas compte d'ailleurs de ce que l'autorisation de jouer n'était pas donnée aux étrangers, mais uniquement aux membres du cercle, car la loi ne prohibe pas seulement les maisons de jeu publiques, mais toutes les maisons de jeu quelconques; et quand bien même un cercle serait honnêtement employé par la majorité de ses membres comme simple lieu de réunion, le fait que la minorité s'en sert habituellement pour jouer lui donnerait le caractère d'une maison de jeu. Ces considérations jointes à ce fait que le baccarat, qui a tous les caractères légaux du

jeu prohibé, était joué chaque soir au Park Club, firent condamner son propriétaire à 500 liv. st. d'amende.

Dans la poursuite étaient compris quatre membres du Conseil d'administration du cercle, considérés comme « ayant la direction du cercle et assistant le propriétaire », et, en outre, plusieurs membres, arrêtés au moment où ils jouaient au baccarat, et inculpés d'avoir, en jouant, aidé le propriétaire à donner au cercle le caractère d'une maison de jeu. Toutes ces personnes furent condamnées en première instance.

En appel, les condamnations prononcées contre le propriétaire et les administrateurs furent maintenues, mais les membres, simplement prévenus d'avoir joué, furent renvoyés des fins de la poursuite, le fait qui leur était reproché ne tombant pas sous l'application de la loi de 1855. Ils ne pouvaient, en effet, être considérés comme ayant aidé le propriétaire du cercle dans ses affaires, plus qu'un client qui entre dans une boutique pour y acheter un objet ne peut être considéré comme ayant participé à la direction des affaires du boutiquier. Le fait d'avoir joué restait donc en dehors des termes du chapitre 38, § 4, de la loi de 1855.

Mais les juges d'appel firent observer dans leur arrêt que les joueurs tombaient sous l'application d'autres textes. M. le juge Hawkins exhuma un curieux statut du temps de Henri VIII intitulé « Ordonnance pour la conservation de l'artillerie et l'interdiction des jeux prohibés. » L'article 11 défendait à toute personne de tenir des jeux de boules, de tennis, des tables de dés ou de cartes, ou tout autre jeu prohibé, sous une amende de 40 shillings par jour. D'après l'article 12, toute personne qui fréquentait ces endroits et y jouait était passible d'une amende de 6 shillings 8 deniers. par chaque contravention. Enfin, l'article 16 édictait des pénalités spéciales contre les artisans et apprentis qui jouaient à ces jeux prohibés, en dehors de Noël; ils devaient être, en outre, traduits devant le Tribunal pour y prendre l'engagement solennel de ne plus recommencer à l'avenir.

Dans les dernières poursuites exercées contre le Field Club et l'Adelphi Club, certains membres étaient poursuivis en vertu de ce statut de Henri VIII; mais le magistrat ne crut pas devoir appliquer cet ancien texte, ni faire promettre aux délinquants de ne plus fréquenter à l'avenir les maisons de jeu.

En France, les simples joueurs ne tombent plus, actuellement, sous aucun article du Code pénal qui punit seulement ceux qui auront tenu une maison de jeu, et tout banquier, administrateur, préposé ou agent de cette maison (art. 410, C. pén.).

Mais l'ancienne législation était plus sévère pour les joueurs et l'ordonnance du 15 janvier 1629 déclarait « ceux qui se prostitueraient à un si pernicieux exercice » infâmes, intestables et incapables de tenir jamais offices royaux. Ils devaient être, en outre, bannis à jamais des villes où ils avaient commis leurs délits. Une déclaration du 1er mars 1781 ajouta à ces peines une amende de 1000 livres.

Le Code pénal de 1791 laissa de côté les joueurs et n'édicta de peines que contre ceux qui tenaient les maisons de jeu, et contre les propriétaires ou principaux locataires de ces maisons qui, y demeurant, n'avertissaient pas la police.

Enfin, le Code pénal de 1810 est, aux termes de l'art. 410 cité plus haut, encore plus restrictif dans l'énumération des personnes punissables puisqu'il ne vise que ceux qui tiennent les maisons de jeu et leurs agents.

Mais l'art. 410 ordonne la confiscation de « tous les fonds ou effets qui seront trouvés exposés au jeu », et il peut atteindre par là les simples joueurs dont l'enjeu sera confisqué s'il se trouve engagé au moment de l'arrivée des agents de la police, mais qui, dans tous les cas, demeureront indemnes de toutes poursuites, car on ne pourra plus, dans notre législation, faire revivre contre eux, à l'exemple de M. le juge Hawkins, la vieille ordonnance de 1629.

N. B.

Alfred MICHEl,

Juge suppléant au Tribunal civil de Reims

Une main pieuse a retrouvé dans les papiers de notre cher et regretté Alfred Michel cette étude posthume. Nous nous empressons de lui faire accueil, autant à cause de l'intérêt qu'elle présente que pour nous donner l'illusion que son vaillant auteur se trouve encore dans nos rangs, où nous étions si heureux de le compter.

(N. de la Réd.)

CHRONIQUE

Extradition.

Application des traités aux colonies, aux possessions d'outre-mer de l'État requérant. Délit commis en territoire occupé par les troupes dudit Etat. Limitation du droit d'examen de

taire.

Homicide, péculat, concussion, calomnie.

Juridiction mili

l'Etat requis. Traité italo-suisse.

Aff. de l'extradition du lieutenant italien Livraghi, réfugié en Suisse.

Dans les premiers jours de mars 1891, l'opinion publique en Italie et en Europe a été très vivement préoccupée par des révélations sur des scandales de la plus haute gravité qui se seraient produits dans le courant de 1890 à Massaouah.

Ces révélations, survenant peu de temps après celles dont le voyage de Stanley « in the darkest Africa » avait été l'occasion, frappèrent d'autant plus fortement les esprits.

« C'est là, disait l'organe le plus autorisé de la presse suisse1, un témoignage de plus du danger que court notre civilisation, en apparence si sûre d'elle-même, toutes les fois qu'elle se trouve en contact avec des populations qui sont vis à vis d'elle sur un pied d'infériorité.

« Presque aussitôt le phénomène darwinien du retour au type, c'est-à-dire à la barbarie primitive, se manifeste avec une rapidité effrayante, et l'on est confondu de recevoir des récits où l'on voit des gentlemen se conduire comme des sauvages.

« C'est le spectacle instructif, mais peu édifiant que nous a offert le voyage de Stanley, sous la forme d'une indifférence pour la vie humaine et d'un dilettantisme poussé jusqu'à la férocité; c'est un phénomène de ce genre que va nous offrir très probablement l'histoire de la colonisation militaire italienne à la côte d'Afrique. Nous y verrons avec quelle facilité les notions du bien et du mal, acquises et fortifiées par une longue sélection, s'effacent et disparaissent dans un milieu où elles ne sont plus soutenues et encouragées par l'opinion.

1. Journal de Genève, 12 mars 1891.

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