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La mention expresse de l'autorisation était même nécessaire. La simple présence du mari à l'acte n'aurait pas suffi (1).

Cette exigence était une subtilité que la loi nouvelle a rejetée, et que, même dans l'ancien droit, quelque coutumes n'admettaient pas; telles que celles de Bar, art. 170, de la Marche, 298, de Béarn, 13, de Saintonge, 74.

Mais dans aucune Coutume il n'était besoin d'exprimer l'autorisation pour les actes passés entre les deux époux. Pour ester en jugement l'autorisation était aussi indispensable à la femme.

929, Le Code civil a tracé les règles relatives à l'autorisation dans les articles 215 et suivants, jusques et compris l'article 226.

Ces règles s'appliquent :

1° Aux actions judiciaires ;

2° Aux contrats;

3° Aux formes de l'autorisation et aux moyens de suppléer au refus du mari d'autoriser sa femme, ou à son impossibilité;

4° Aux effets de l'autorisation et aux conséquences du défaut d'autorisation.

Nous les examinerons dans les quatre paragraphes suivants, en traitant aussi de leurs exceptions,

$ Ier.

De l'autorisation nécessaire à la femme pour ester en jugement.

SOMMAIRE.

930. La femme ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari. (Art. 215, Code civil.)

(1) V. le Recueil de la jurisprudence de Rousseau-Lacombe, au mot Autorisation, sect. 2; et Pothier, Traité de la puissance du mari, no 6.

Art. 215.

931. Le motif unique de la règle est sa soumission légale à la puissance

maritale.

932. Aucune circonstance de position ne peut l'en affranchir.

933. Si le mari est dans l'impossibilité de l'autoriser, l'autorisation du juge y supplée.

934. Une femme tutrice des enfants d'un premier lit ne peut agir en cette qualité sans autorisation.

935. Elle est nécessaire, même lorsqu'elle est poursuivie par saisieimmobilière, et que le mari refuse de procéder avec elle, ou s'il est mineur?

936. Si alors elle forme une demande incidente, lui faut-il une autorisation expresse du mari ou de la justice?

937. Peut-elle être forclose pour n'avoir pas contredit dans un ordre si elle n'est pas autorisée ?

938. Peut-elle être déclarée dans le même cas pour omission de produire?

939. Quid de la fille ou de la veuve qui se marie pendant une instance? 940. Sur un pourvoi en cassation une nouvelle autorisation est-elle nécessaire?

941. Ces règles s'appliquent même aux instances commencées sous les Lois antérieures au Code.

942. L'autorisation n'est pas nécessaire à la femme DÉFENDeresse au criminel ou à la police. (Art. 216.)

930. Cette autorisation est prescrite par l'article 215, ainsi conçu:

<< La femme ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari, quand même elle serait marchande publique, ou non commune ou séparée de biens. >>

931. Cette disposition n'a pas pour cause la faiblesse du sexe auquel la femme appartient. Les filles et les veuves partagent cette faiblesse, et cependant elles ne sont pas soumises à une règle semblable.

Elle est aussi étrangère au caractère légal que peuvent avoir les biens de la femme; que ces biens soient dotaux ou paraphernaux, que le mari en ait ou n'en ait pas l'administration, le devoir de la femme est le même, l'autorisation du mari est également nécessaire.

Elle n'a pas aussi pour base principale les conventions matrimoniales. Quelles que soient ces conventions, que la femme soit commune en biens ou séparée, elle doit être autorisée par le mari pour ester en justice ou pour contracter, comme nous le verrons dans l'article suivant.

La femme même séparée de corps est soumise à cette obligation quoique les nœuds du mariage aient été sinon romA pus au moins relâchés.

La marchande publique y est aussi astreinte pour paraître en jugement.

Quelle est dont la base de la règle? Cette base est l'obéissance due par la femme au mari, cette obéissance qui lui est prescrite par l'article 213.

L'autorisation est exigée comme caractérisant la supré*matie légale du mari, et comme acte de soumission de la femme, plutôt que comme acte de protection du mari.

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Quelques Cours d'appel voulaient la réduire à cette dernière condition, et ne considérer que l'intérêt matériel de la femme ou celui du mari.

« On ne voit pas, disait la Cour de Montpellier, pourquoi l'autorisation et le consentement du mari seraient nécessaires, même dans le cas où la femme est libre dans ses biens, les droits n'étant pas alors réciproques entr'elle et son mari.

» La séparation de biens prononcée en justice étant essentiellement fondée sur l'inconduite et la mauvaise administration du mari, disait la Cour de Bruxelles, ne seraitit pas plus simple de rendre à la femme l'exercice de tous les droits qui concernent ses biens, sans recours à l'assistance de son mari, soit pour ester en jugement, soit pour contracter? On préviendrait ainsi des formalités qui sont souvent des sujets de discussion entre les époux, et qui entraînent toujours des frais (1).

(1) Locré, Esprit du Code civil sur l'article 215.

Ces raisons eussent été exactes si des considérations d'intérêt matériel, d'intérêt privé eussent dicté la règle.

932. Mais leurs auteurs avaient oublié que le principe! était fondé sur un intérêt d'un ordre plus élevé, sur l'intérêt moral, sar l'intérêt public qui avait créé la puissance maritale, et qui ne pouvait permettre que le respect dû à cette puissance fût affaibli par les circonstances particulières de la position respective du mari et de la femme.

Ainsi, la séparation, même de corps, ne dispense, ni la femme ni les tiers qui agissent contr'elle, de l'obligation de demander l'autorisation du mari ou à son défaut celle de la justice. Tout jugement rendu contre la femme est nul si cette formalité d'ordre public a été omise (1).

Pourquoi ?

Parce que la séparation de corps n'affranchit pas la femme de la puissance maritale, quoiqu'elle en affaiblisse les effets.

Ainsi par sa faillite le mari ne perd pas le droit d'autoriser sa femme (2).

933. L'absence du mari, son interdiction, sa minorité ne détruisent pas la puissance maritale, n'en suspendent même pas les effets; et si elles empêchent le mari d'exprimer personnellement une volonté et de donner lui-même son autorisation, le juge est appelé à y suppléer; et pour obtenir cette autorisation qui lui est indispensable, la femme doit s'adresser au tribunal de son domicile comme nous le verrons dans le paragraphe 3. Cette obligation légale est un hommage rendu à la puissance maritale, sous laquelle malgré l'incapacité du mari elle est toujours placée.

La nécessité de l'autorisation est impérieuse, absolue, que la femme soit demanderesse ou défenderesse.

Même pour agir contre son mari la femme a besoin d'autorisation (Arrêt de la Cour de Bordeaux, du 18 mars 1828).

(1) Arrêt du 6 mars 1827, Cour de cassation, Dalloz, t. 27. 1. 163. (2) Arrêt de la Cour de Bordeaux, du 18 mars 1828; D., 28. 2. 125.

934. Elle en a besoin aussi lorsqu'elle agit comme tutrice des enfants d'un premier mariage. Car sa qualité d'épouse subissant toujours et étant réunie dans sa personne avec celle de tutrice, elle doit remplir les devoirs que lui impose chaque titre, et ne peut, par conséquent, paraître en justice sans l'autorisation de son mari, ou à son refus celle de la justice. (Arrêt de la Cour de Grenoble, du 17 août 1831.)

D'ailleurs son action, si elle est imprudemment intentée, peut compromettre ses biens personnels, et par conséquent ceux soumis à l'administration maritale (1).

935. On pourrait argumenter aussi des dispositions générales de l'article 215 pour soutenir que si une femme mariée est poursuivie en expropriation le poursuivant doit la faire autoriser par le juge à se défendre, au moins avant l'adjudication préparatoire. Car cette adjudication est un jugement où est partie la femme comme saisie. Or, l'article cité ne lui permet pas d'ester en jugement sans être autorisée.

Un arrêt de la Cour de Bordeaux, du 4 août 1829, parait l'avoir ainsi préjugé en décidant que la femme n'a pas besoin d'être autorisée pour les procédures antérieures à l'adjudication préparatoire.

Cependant ce préjugé n'est qu'indirect et ne peut avoir la force d'une décision formelle. Depuis, la question s'est présentée en thèse à la Cour d'Amiens d'abord, à la Cour de cassation ensuite sur un pourvoi. Et ces deux Cours ont résolu la question dans un sens opposé au préjugé qui résulterait de l'arrêt de Bordeaux.

La Cour d'Amiens considère « que la poursuite en expropriation ne constitue pas une instance judiciaire ; qu'elle n'a, en effet, aucun litige pour objet et qu'elle n'est que l'exécution forcée, et accomplie sous l'autorité de la justice,

(1) V. cet arrêt et le précédent dans le Journal de Dalloz jeune, t. 28. 2. 135; et t. 32..2. 47.

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