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rentre dans le droit commun, et le plus jeune est l'héritier du plus âgé, quel que soit d'ailleurs le sexe de l'un ou de l'autre (art. 722).

Maintenant, il arrive souvent que les comourants ne sont pas tous dans la même période. Examinons comment il faut décider chacun des cas qui peuvent se présenter.

Si un comourant a moins de quinze ans révolus, et l'autre plus de quinze et moins de soixante, ce dernier est évidemment présumé avoir survécu ; car de quinze à soixante ans l'homme a plus de forces qu'au-dessous de cet âge.

Si un comourant a moins de quinze ans, et l'autre plus de soixante, leurs forces respectives sont également faibles, et dès lors il n'y a aucune raison de changer l'ordre de la nature. Le plus jeune succédera donc au plus âgé.

Si enfin l'un des comourants a plus de quinze ans révolus et moins de soixante, lorsque l'autre en a plus de soixante, le premier est présumé avoir survécu, puisque ses forces sont supérieures à celles du second.

Les présomptions précédentes sont exclusivement appliquées par le Code aux personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre ; par exemple, à deux frères qui périssent dans un même événement, sans laisser de parents plus proches. Quelques auteurs ont voulu les étendre aux personnes qui ne seraient pas respectivement appelées à la succession l'une de l'autre. Ainsi on devrait les appliquer à trois frères périssant dans le même événement, lors même que l'un d'entre eux aurait des enfants, ce qui ne l'empêcherait pas d'être appelé à la succession des autres, mais ce qui empêcherait les autres d'être appelés à sa propre succession. Ce système doit être rejeté : d'abord, parce qu'il est contraire au texte de l'art. 720; ensuite, parce que les présomptions de la loi auraient peu d'utilité dans l'hypothèse où il n'y a pas de vocation réciproque des comourants à la succession l'un de l'autre ; en effet, lorsque les comourants sont tous héritiers les uns des autres, les présomptions du Code ont pour résultat

de réunir toutes les successions en une seule, et de simplifier ainsi leur liquidation. Lorsqu'au contraire un ou plusieurs des comourants ont des parents plus proches que ne le sont les autres comourants, il est toujours nécessaire de liquider séparément leur succession, puisque chacun d'eux a des héritiers différents, et l'on comprend que le Code n'ait pas voulu étendre ses présomptions à des cas où elles auraient si peu d'utilité 1.

Signalons en passant une disposition particulière du droit intermédiaire, dont l'application est heureusement fort rare aujourd'hui. Une loi du 20 prairial an IV décide que si plusieurs personnes, respectivement appelées à la succession l'une de l'autre, sont exécutées le même jour, la plus jeune est présumée avoir survécu.

On admet généralement que les présomptions précédentes, spécialement écrites pour les successions ab intestat, ne s'appliquent jamais aux successions testamentaires 2. L'on comprend en effet que le législateur ne facilite point, par ses présomptions, l'exécution de testaments dont le but est toujours de bouleverser plus ou moins l'ordre qu'il a lui-même établi dans la dévolution des successions. Conséquemment, quiconque alléguera l'existence d'un legs devra prouver la survivance du légataire, et, s'il ne peut la prouver, la dévolution des biens aura lieu, comme si le testateur et le légataire comourants n'avaient jamais eu ces qualités respectives; telle est la décision formelle de l'art. 135. Mais les présomptions du Code s'appliqueraient sans aucun doute aux successeurs irréguliers, car alors l'hérédité est dévolue conformément à la volonté même du législateur.

Les héritiers ab in

Des DIFFÉRENTES SORTES d'héritiers. testat se divisent, comme nous l'avons dit plus haut, en héritiers légitimes et en successeurs irréguliers. Les premiers

1 Massé et Vergé, t. II, § 352, note 1, p. 236. Demolombe, Succfel,

n. 112 et 113.

n.

2 Aubry et Rau, t. I, § 53, p. 167. - Demolombe, Succ., t. 117.

représentent la personne du défunt; les seconds recueillent simplement ses biens, sans représenter sa personne. Nous avons signalé une première conséquence de cette distinction ; les héritiers légitimes sont tenus ultra vires des dettes et charges de la succession; les successeurs irréguliers n'en sont tenus que jusqu'à concurrence des biens par eux recueillis. Ajoutons que les héritiers légitimes ne pourraient pas, en renonçant à la succession par eux acceptée, se soustraire au payement des dettes héréditaires, qui sont désormais leurs dettes personnelles ; et que, au contraire, les successeurs irréguliers peuvent se mettre à l'abri de toute poursuite en abandonnant les biens par eux recueillis, puisqu'ils sont tenus à raison de ces biens seulement.

De la SAISINE. La différence existant entre les héritiers légitimes et les successeurs irréguliers trouve son expression la plus saillante dans la saisine qui est accordée aux premiers et refusée aux seconds. On appelle saisine l'investiture de la succession donnée par la loi aux héritiers légitimes. Mais quelle est la nature et la portée de cette investiture? Le voici : non-seulement l'héritier légitime devient par la mort du de cujus (successione agitur) propriétaire de la succession, mais il en reçoit encore de plein droit, et sans l'accomplissement d'aucune formalité préalable, la pleine et entière possession. En conséquence, il peut immédiatement exercer tous les droits du défunt, poursuivre ses débiteurs, revendiquer ses biens contre les tiers détenteurs, aliéner les meubles et les immeubles dépendants de la succession, de telle sorte, qu'au point de vue juridique, le défunt semble revivre dans son héritier. Il n'en est pas de même pour les successeurs irréguliers ; ils ont bien la propriété de la succession à dater du décès 1, mais la loi ne leur en accorde point la possession, et, par suite, ils ne peuvent exercer les droits qui appartenaient au défunt, qu'après avoir obtenu cette possession, soit des héritiers légi

1 Demolombe, Succ., t. II, n. 38 et 39. Paris, 30 juin 1851.

times avec lesquels ils concourent, soit de la justice. Au surplus, la mise en possession des successeurs irréguliers doit rétroagir au jour de l'ouverture de la succession, car autrement la prescription se trouverait n'avoir pas couru au profit de la succession contre les tiers pendant l'intervalle, lorsqu'elle a couru au profit des tiers contre la succession (art. 2258, 2259); résultat injuste et inadmissible. Certains auteurs contestent cependant cette rétroactivité, en se fondant sur ce que l'on ne peut en droit supprimer une lacune de possession, qui en fait a existé. Mais on peut répondre que, dans l'intervalle, la succession sustinebat personam defuncti et ne cessait pas de posséder contre les tiers, comme les tiers contre elle. La seule différence qui sépare les héritiers ayant la saisine de ceux qui ne l'ont pas consiste donc en ce que les premiers peuvent de plein droit, et à l'instant, s'emparer des biens et des actions laissés par le défunt, tandis que les seconds ne le peuvent point avant leur envoi en possession.

CHAPITRE II

DES QUALITÉS REQUISES POUR SUCCÉDER.

ART. 725. Pour succéder, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture de la succession.

céder :

Ainsi, sont incapables de suc

1o celui qui n'est pas encore conçu; – 2o l'enfant qui n'est né viable; pas

3o celui qui est mort civilement.

726. (Abrogé par la loi du 14 juillet 1819 *.) Un étranger n'est ad

*

Loi du 14 juillet 1819, relative à l'abolition du droit d'aubaine
et de détraction.

1. Les art. 726 et 912 du Code civil sont abrogés en conséquence, les étrangers auront droit de succéder, de disposer et de recevoir de la même manière que les Français, dans toute l'étendue du royaume.

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2. Dans le cas de partage d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et Français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France ure portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales.

mis à succéder aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le territoire de l'Empire, que dans les cas et de la manière dont un Français succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet étranger, conformément aux dispositions de l'article 14, au titre de la Jouissance et de la Privation des droits civils. 727. Sont indignes de succéder, et, comme tels, exclus des successions::- 1° celui qui sera condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt; — 2o celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse; 3o l'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice. 728. Le défaut de dénonciation ne peut être opposé aux ascendants et descendants du meurtrier, ni à ses alliés au même degré, ni à son époux ou à son épouse, ni à ses frères ou sœurs, ni à ses oncles et tantes, ni à ses neveux et nièces.

729. L'héritier exclu de la succession pour cause d'indignité est tenu de rendre tous les fruits et les revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

730. Les enfants de l'indigne, venant à la succession de leur chef, et sans le secours de la représentation, ne sont pas exclus pour la faute de leur père; mais celui-ci ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, l'usufruit que la loi accorde aux pères et mères sur les biens de leurs enfants.

De la CAPACITÉ requise pour succéder. - En principe, est capable de succéder tout héritier présomptif qui a survécu au défunt. Cette règle reçoit cependant plusieurs exceptions. Ainsi l'art. 725 déclare incapables:

1° Celui qui n'est pas encore conçu. — Pourquoi cette disposition? Car l'enfant qui n'est pas conçu n'a pas existé, et quiconque n'a pas existé ne peut avoir survécu au défunt.La disposition du Code a pour but d'exclure, dans les successions ab intestat, la possibilité de succéder avant d'être conçu, que l'on admettait autrefois dans les substitutions. Ainsi nous verrons que le petit-fils, par exemple, pouvait, quoique conçu postérieurement à la mort de son aïeul, recevoir les biens par lui grevés de substitution à son profit, de la même manière que s'il avait existé à l'époque de l'ouverture de la succession de cet aïeul. Certaines substitutions sont encore permises aujourd'hui, et, comme dans l'ancien droit

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