Page images
PDF
EPUB

A M. L'AMBASSADEUR ALQUIER.

Du Palais Quirinal, le 2 Février 1808.

Le Cardinal, Secrétaire d'Etat, a reçu et mis sous les yeux de Sa Sainteté, la note de Votre Excellence, par laquelle vous témoignez le desir d'avoir une audience, pour présenter au Saint-Père le général Miollis.

Votre Excellence ne peut douter des sentimens de surprise et de douleur dont est pénétré le Saint Père. Plein de calme et de confiance d'après la parole que vous lui aviez donnée hier, que la troupe n'était que de passage, et n'avait aucune intention hostile, il était loin de s'attendre â voir cette même troupe, n'ayant aucun égard au dessein qu'il avait manifesté, entrer dans la ville, désarmer la garde à la porte du Peuple, s'emparer du Château, garnir les postes, entourer même son habitation d'une caserne, et placer l'artillerie contre l'entrée de son palais.

Il ne croyait pas que l'on pût prendre de telles mesures contre un Prince pacifique et sans armes, contre un Souverain qui n'est point en guerre avec l'Empereur des Français; en un mot, contre le Chef de l'Eglise Catholique.

Humble et doux par caractère et par prin cipes; pour vous prouver sa modération dans la douleur que lui causent d'aussi rudes traitemens, il a chargé le soussigné de répondre que demain, à midi, il recevra le gé

néral Miollis, accompagné de Votre Excel lence.

Le Cardinal PHILIPPE CASONI.

A. MM. LES MINISTRES ÉTRANGERS PRÈS
LE S. SIÉGE.

Du Palais Quirinal, le 2 Février 1808.

Le Cardinal, Secrétaire d'Etat, a reçu ordre de Sa Sainteté de communiquer à Votre Excellence, que, le 9 Janvier dernier, le Gouvernement Français a proposé à Monseigneur le Légat six articles, comme l'Ultimatum, avec intimation que si, cinq jours après l'arrivée de ses dépêches à Rome, le Saint Père n'avait pas déclaré à M. l'Ambassadeur de France une entière adhésion auxdits articles, toute la Légation serait obligée de partir; que le Saint Père perdrait définitivement, et pour toujours, non-seulement les provinces de la Marche, mais encore le Pérousin, pour être incorporés à la Toscane; la moitié de la Campagne de Rome, pour être réunie au Royaume de Naples; que l'on prendrait possession du reste des états du Pape, et qu'une garnison serait mise à Rome.

Le Saint Père a donné à M. l'Ambassadeur, après le terme des cinq jours, la déclaration demandée. C'est le dernier effort de sa condescendance, et un témoignage de sa loyauté. Il a donné son adhésion aux ar

ticles où sa conscience n'a point trouvé d'obstacle, quoiqu'ils fussent extrêmement onéreux, et a démontré l'impossibilité d'adhérer à ce qui lui était défendu par ses devoirs

sacrés.

M. l'Ambassadeur n'a pas trouvé cette déclaration satisfaisante, quoiqu'elle renfermât tout ce qu'il était possible de faire, et il a déclaré par sa note du 29 Janvier, qu'allant probablement recevoir des ordres, il serait dans la nécessité de les exécuter sous vingt-quatre heures. Le S. Père, fidèle à ses devoirs, et prêt à tout souffrir plutôt que de blesser sa conscience, voit avec une sainte résignation s'exécuter tout ce dont on l'a menacé. En effet, ce matin à une heure et demie, les troupes Françaises sont entrées; ont désarmé la garde qui était à la porte du Peuple, se sont emparées du Château Saint-Ange et se sont présentées en grand nombre devant la grande porte du Palais Quirinal, avec huit pièces d'artillerie.

Sa Sainteté mettant son sort entre les mains de Dieu, et protestant, comme ses devoirs le lui imposent, contre toute occupation de ses domaines, a ordonné à celui qui écrit, d'informer Votre Excellence de cet évènement afflgeant, afin qu'elle puisse en prévenir sa Cour.

Le Cardinal PHILIPPE CASONI.

A M. L'AMBASSADEUR ALQUIER.

Du Palais Quirinal, le 5 Février 1808.

LE Cardinal Secrétaire d'état doit à sa propre délicatesse, il doit même à la personne de Votre Exc. et à celle de M. le Général Miollis, une réponse franche et sincère à la note qu'il a eu l'honneur de recevoir de votre propre main. Le soussigné croit avoir acquis assez de droits à votre confiance pour que vous ne puissiez élever le moindre doute sur la véracité de ses asser. tions. Se flattant de porter jusqu'au scrupule l'exactitude dans ses devoirs, il n'a pas laissé ignorer à Sa Sainteté, que M. le Général avait paru affecté de l'erreur commise par l'Officier qui a conduit la troupe et l'artillerie contre le Palais Quirinal; et il n'a pas omis que M. le Général avait donné l'ordre comme le soussigné en a reçu l'assurance gracieuse, de faire sur-le-champ transporter ailleurs l'artillerie, et de faire éloigner la troupe. Non content de faire ce rapport à Sa Sainteté, il lui a donné aussi connaissance que M. le Général, en sortant de son appartement, avait ordonné à la troupe qui était sur la place, de l'évacuer.

Cependant, malgré ce rapport, Sa Sainteté vivement pénétrée d'un évènement si inattendu et aussi injurieux à sa personne sacrée, a ordonné expressément au soussigné de faire une relation exacte de tout ce qui

s'était passé, dans une note qui serait remise à Votre Excellence.

Fidèle exécuteur des volontés de son Prince, le soussigné ne pouvait se dispenser de faire mention d'un incident qui, plus que tout autre, avait blessé son cœur dans l'endroit le plus sensible. Il pouvait d'autant moins se dispenser de ce devoir, que, dans l'intervalle sensible qui s'est écoulé entre l'honorable entrevue qu'il a eue à une heure de nuit, et celui où il a fait passer sa notę à Votre Excellence, l'artillerie restait encore dirigée contre le Palais de Sa Sainteté, position qu'elle a gardée jusqu'après minuit.

Le soussigné a certainement assez d'estime et de confiance en M. le Général Miollis pour douter un moment qu'il ait donné l'ordre; lequel, au reste, n'a pas été promptement

exécuté.

D'après l'exposé de ces faits le soussigné prie Votre Excellence d'être convaincue qu'il aurait préféré omettre ces justes plaintes dans une réponse de pure formalité; mais que Sa Sainteté les a crues nécessaires, afin de donner, au milieu de sa douleur, les preuves de sa constante modération, et l'expression de son estime pour Votre Excellence et pour M. le Général,

Je me flatte que vous n'attribuerez ni à la malignité ni à l'injustice, ce qui serait certainement contre mon caractère, une juste plainte que j'ai dû vous porter d'après les or¬ dres exprès de mon Souverain.

Le Cardinal PHILIPPE CASONI,

« PreviousContinue »