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jour. Les vétérans n'ont point été déportés pendant le danger, mais après que le danger a eu entièrement cessé; ils sont restes tranquilles dans leur camp pendant la tempête, et ce n'est qu'après la bataille de Waterloo, c'est seulement le 21 de juillet dernier que, sans motif legitime, ils ont été conduits en France!..

Quoi qu'il en soit, l'Europe entière a déposé les armes, tout est rentré dans l'ordre, le traité de Paris est respecté, par conséquent les vétérans sont encore fondés à réclamer l'exécution de l'art. XXVII, et à solliciter des Souverains alliés, la garantie qu'ils ont promise aux acquéreurs de biens nationaux.

Permettez donc, Sire, permettez que les vétérans français retournent dans leur camp, qu'ils rentrent dans leurs foyers, qu'ils soient réintégrés dans leurs propriétés.

GAJAL, commandant des vétérans.

ADIEUX A MA PATRIE !

Adieu France, adieu patrie adorée, si célèbre par tant de grandes actions, si malheureuse dans tes revers. Adieu terre chérie, si douce à tes enfans, si féconde en hommes confians, énergiques et braves, adieu!

C'est du fond d'un vaisseau, où la proscription l'a forcé de se jeter, et qui le transporte avec sa famille dans des contrées lointaines, que plein d'une douleur courageuse, fixant šes regards vers le ciel, et sa pensée vers l'avenir, l'un de tes plus zélés défenseurs s'éloigne et t'adresse encore les vœux qu'il forme pour toi; adieu donc patrie que j'idolâtrai toujours, et que j'idolâtrai pour elle-mème.

J'ai dû te quitter le jour où une troupe d'oppresseurs...

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se sont acharnés sur toi, comme le vautour sur la proie, et devenus maîtres de ton

sol par la perfidie, ont proscrit ceux qui les avaient si longtemps combattus, ceux qui avaient si noblement triomphé de leurs efforts, et ceux qui, en plaidant courageusement la cause des peuples, révélèrent à tout homme qui pense, sa puissance réelle et sa véritable dignité !.

Cette fatale ordonnance du 24 juillet 1815, qui me frappe moi et mes compagnons d'infortune, sans examen, sans jugement, sans pro ès, en nous imputant des actions auxquelles nous n'eûmes jamais de part; cette ordonnance est leur ouvrage. No contens de nous avoir arraché à nos familles, non contens de nous avoir privés du sol natal, ils nous poursuivent jusque dans notre exit, sans égard pour le malheur, contre le droit de toutes les nations, et par une suite de vexations et d'attentats inconnus jusqu'à cette époque.

Privés de tout refuge, on nous recherche, comme si quelques vertus nouvelles nous eussent valu de nouvelles condamnations. Pour moi, j'ai supporté avec courage les angoisses de la proscription; mais puisque l'Europe ne pourra bientôt plus montrer à l'univers un seul gouvernement dont elle ose s'honorer, je vais chercher ailleurs une serre hospitalière et libre, une terre habitée par des hommes dont l'administration indépendante de toute inquisition étrangère, soit fondée sur la nature, la raison et la justice.

Je quitte donc l'Europe, l'homme libre n'y a plus de patrie; mais je m'adresse encore au pays que j'ai tant aimé; je lui rappelle ces jours heureux où par l'influence des vertus nationales, de jeunes guerriers sans richesses et sans intérêt, n'ayant d'autre ambition que de défendre leur pays, effacèrent bientôt la gloire des généraux les plus célèbres... et cependant, généreux dans leurs triomphes, ils montrèrent aux vaincus, si fiers et si cruels aujourd'hui, une modération digne de la cause qui les avait appelés aux

armes!

J'étais soldat alors; en peu d'années, parvenu au grade de général, je continuai à faire la guerre de la liberté, guerre que la conduite et les attentats des cabinets, montre maintenant, plus que jamais, avoir été commandée par l'honneur, la justice et l'humanité! je la fis avec désintéressement, sans fanatisme, ni exaltation, sans haïr, ni mépriser aucun peuple. Je désirais la prospérité de mon pays, par la sagesse des lois, j'aurais gémi de le voir s'élever sur l'esclavage et le malheur d'aucune nation..

C'est ainsi qu'au milieu de la vie la plus errante, la plus agitée, soldat mais toujours citoyen, je te consacrai, ô mon pays des travaux pénibles, mes jours, mes veilles, mon sang, toutes mes facultés !

C'est ainsi que, sous le gouvernement d'un homme d'un génie puissant, mais indomptable dans son ambition, et absolu dans l'exercice de son pouvoir, comme sous l'administion de ses successeurs, mes sentimens me rendirent tourà-tour victime.

Sous Napoléon, combien n'ai-je pas gémi de le voir sacrifier à son ambition, la liberté de mon pays, le bonheur de l'Europe, peut-être celui du monde ; pendant cinq années j'eus le courage (le seul qui fut rare alors ) de braver la disgrâce et de tenter de faire entendre des vérités utiles.

L'empereur me rappela, il ne fut permis de servir de nouveau mon pays. Heureux de commander aux braves des rangs desquels j'étais sorti, j'eus quelque part à la gloire dont ma division se couvrit encore aux champs de Lutzen et de Bautzen.

Que pouvais-je ambitionner de plus? J'avais vu la grandeur nationale relevée; j'avais contribué à venger les allronts faits à l'honneur de nos armes. L'empereur m'accorda un titre, des décorations, mais c'était, dans ma pensée, la раtrie qui m'honorait de ces trophées distribués par la gloire. Mais qu'ils sont loin de nous ces temps mémorables, où

pleins d'égards pour nos ennemis vaincus, nous leur prod guions nos secours, et nos généreuses consolations. Le jour a lui pour eux de se montrer grands à leur tour, et c'est, depuis ce jour, que proscrit, fuyant avec ma famille, je n'ai trouvé chez eux que d'implacables persécuteurs, contre lesquels je me vois forcé d'appeler hautement la vengeance nationale et l'indignatiou de toute l'Europe (1).

Et quel scandale! une ligue impie poursuit dans l'infortune et jusques dans le sein de l'hospitalité, des exilés, caractère réputé sacré et inviolable, même chez les peuples les plus barbares ; et quels exilés ! des hommes contre lesquels on a cherché vainement à diriger une accusation fondée, contre lesquels, depuis deux années, on ne peut même articuler un seul fait.

Osons le prédire avec confiance, l'opinion flétrira ceux qui ont pu oublier: « que la victoire est glorieuse lorsquelle » se borne à dompter un ennemi, mais qu'elle devient odieuse » quand elle opprime des malheureux. »

Adieu France, adieu! reçois tous mes regrets, ils sont sincères et profonds; quel que soit le lieu où ma destinée me conduise, crois qu'un jour il ne dépendra pas de moi que la mort ne termine ma carrière au milieu d'un triomphe qui te fasse recouvrer ton indépendance et ta liberté!...

Le lieutenant-général FRESSINET.

(1) Je n'entends parler ici que de ces grands orgueilleux dont l'amour propre humilié pendant plus de vingt années, a fléchi devant nous ; car par-tout, j'ai trouvé des peuples obligeans, pleins de mouvemens généreux et indignés contre les furienx et les insensés qui croient, force de persécutions, abaisser à leur niveau, ce qu'il y a de grand et d'irréconciliable avec le despotime, l'ignorance et la cruauté.

à

En Belgique et dans le pays de Liége, j'ai par-tout été accueilli et traité comme si j'eusse appartenu aux familles chez lesquelles je m'étais réfugié. J'en conserverai toute ma vie le plus vif souvenir. C'est le seul hommage de ma reconnaissance que je puisse leur offrir et le seul aussi, je le sais, qu'elles veuillent recevoir.

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La Mission qui a commencé le 2 novembre dernier dans Arles vient d'être terminée; ses ouvriers évangéliques emportent les bénédictions et les regrets, non-seulement de cette ville, mais de toutes les communes des environs, qu'ils ont remplies d'édification, et dans lesquelles on recueillera, pendant long-tems, les fruits de leur éloquence et de leurs vertus.

Assurément, ceux auxquels, nous sommes redevables de ce bienfait, et principalement M. CONSTANT, chanoine, Curé de notre Métropole, qui, depuis deux ans, sollicitait l'arrivée des Missionnaires au nom du Clergé d'Aries, doivent en éprouver une grande satisfaction, puisque les résultats ont surpassé toutes les espérances.

L'impossibilité de rendre tout ce dont nous avons été témoins, de peindre le changement qui s'est opéré dans les maurs et la réforme chrétienne, qui a, en quelque sorte, fait un peuple nouveau du peuple de ce pays, nous force à nous borner aux faits généraux qui ont signalé un si mémorable événement.

Pendant vingt-cinq ans, accoutumés à des émotions fortes, à des crises violentes, tour-à-tour agités par des chagrins. cuisans, des catastrophes épouvantables, ou énivrés par des joies insensées, nous avions oublié, nous ignorions méme le charme des sensations délicieuses que procurent la paix de l'ame et le repos du cœur. L'égoisme, la corruption dans tous les genres, le philosophisme et l'esprit de libertinage, avaient fait, dans notre patrie, autant et peut-être de plus grands progrès qu'en aucune ville de France,

On l'avoue avec étonnement, on se le dit avec une satisfaction inexprimable: nous ne sommes plus les mêmes hommes;

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