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DÉPARTEMENT DE L'ISÈRE. POLICE MUNICIPALE.

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Autorisation de manger, boire et prendre son café, sans payer.

Extrait des registres de délibérations de la commune de Lemps. Le maire du grand Lemps, vu les article 1131 et 1133, du code civil, portant que tout pacte illicite ne donne point lieu à l'action en payement; par ces motifs, arrête

«Que tous les buveurs qui se trouveront dans les cafés et auberges, les dimanches et les fêtes aux heures de la messe, paroissiale et à celles de vêpres, sont autorisés à se retirer sans payer les dépenses qu'ils auraient faites. >>

Fait en mairie, à Lemps, le 1er janvier 1817.

Signé FALATIEU, maire.

( Articles du code sur lesquels s'appuye M. le Maire.) Art. 1131. L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ue peut avoir aucun effet.

Art. 1133. La cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public.

(Titre 3. Des contrats et des obligations conventionelles en général. ) Nous soussignés, habitans de la commune de Lemps, certifions que l'extrait ci-dessus a été publié et affiché à Lemps, au lieu accoutumé à recevoir les affiches, le jour de sa date, et qu'il a été placardé jusqu'à la nuit.

(Suivent les signatures.)

Paris, ce 18 février 1818.

A Messieurs les Rédacteurs de la Bibliothèque historique.

Messieurs,

Je vous prie de vouloir bien insérer dans votre intéressant recueil, le discours que j'ai prononcé hier, à la Chambre des Députés, en comité secret, à l'appui de ma proposition sur la liberté de la presse.

Je ne me proposais pas de le faire imprimer, dans la supposition que les journaux le publieraient. J'étais fondé à

croire qu'on le leur permettrait, puisque toujours ils rapportent les discussions qui ont lieu dans les séances secrètes, soit à la Chambre des Députés, soit à celle des Pairs, et qu'hier encore, plusieurs ont publié un rapport de M. Mestadier, fait en comité secret.

Mais la Police générale qui, d'un mot, peut les suspendre ou les supprimer, n'a pas permis à ceux auxquels je me suis adressé, de publier le développement de ma proposition, alors même qu'elle souffrait ou ordonnait l'insertion du discours improvisé, par lequel M. BlanquartBailleul m'a combattu dans le même comité secret.

Si vous insérez mon discours dans la Bibliothèque historique, je vous prie d'y consigner aussi ma lettre. Elle pourra servir à prouver avec quelle impartialité la Police générale continue d'exercer le pouvoir extraordinaire qui lui est confié ; à quel point les journaux sont libres de publier les opinions de tous les Députés; et avec quelle facilité ceux-ci peuvent, dans certains cas se faire entendre de leurs

commettans.

Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentimens les plus distingués.

DUPONT (de l'Eure.)

DISCOURS.

MESSIEURS,

En ramenant votre attention sur la liberté de la presse, je ne me propose ni d'en retracer de nouveau les avantages, que personne n'ose plus contester aujourd'hui, ni de remonter jusqu'à la théorie du droit qu'a tout homme en société de publier sés opinions. Tout a été dit sur ces hautes questions, dans la discussion méniorable qui vient d'occuper les deux Chambres.

L'objet spécial de ma proposition est de réclamer une loi constitutionnelle et définitive qui, mettant un terme au

régime de la législation provisoire sous laquelle nous vivons, fasse enfin jouir la France de la liberté de la presse garantie par la Charte. Depuis long-temps l'opinion publique appelle de tous ses vœux la loi que je demande, et les Ministres eux-mêmes en ont reconnu l'urgence et la nécessité.

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<< Tous les bons esprits, (disait, à votre séance du 17 » novembre, M. le Garde-des-Sceaux,) ont reconnu que la » liberté de la presse ne serait entière, et qu'on n'en >> jouirait, avec une complette sécurité, que lorsqu'une » loi, difficile à faire sans doute, mais indispensable, assu»rerait la répression de ses abus ».

Il est donc vrai, de l'aveu même des Ministres, qu'une loi est indispensable, et que, tant qu'elle n'existera pas, la liberté de la presse ne sera pas entière, c'est-à-dire, que la Charte sera violée dans l'une de ses plus précieuses garanties.

Et si l'on disait qu'un projet de loi a été présenté aux deux Chambres au commencement de cette session, et qu'en le rejettant, elles ont voulu qu'on s'en tint aux lois actuellement existantes, je répondrai qu'attaqué de toutes parts, ce projet n'a été adopté qu'à la plus faible majorité, par l'une des Chambres et rejeté par l'autre, que parce qu'elles n'y ont vu qu'une législation incohérente, incomplette, et, comme on l'a dit, qu'une espèce d'acte additionnel à une foule de lois, d'ordonnances, de décrets, de réglemens plus ou moins contraires à l'article 8 de la Charte constitutionnelle.

Ici, Messieurs, qu'il me soit permis de rappeler à votre souvenir quelques-uns de ces actes précédens, notamment le fameux décret du 5 février 1810, créateur de la direction de la librairie, et qui, depuis, est devenu le type de la loi d'octobre 1814. Contemporain d'un autre décret qui couvrit la France de prisons d'état, cet acte organisa le plus dur esclavage de la presse; et ce fut alors que, sous le monopole de l'imprimerie, sons le régime de la cen

sure, tout Français fut condamné à n'écrire et à ne publier ses opinions que par ordre ou permission du plus ombrageux des gouvernemens, de ses ministres et de ses agens

divers.

Enfin, la Charte constitutionnelle parut, et il fut permis d'espérer que les libertés nationales seraient désormais respectées; que la liberté de la presse, sans laquelle il n'y a plus de véritable garantie pour les auteurs, serait préservée de toute nouvelle atteinte par la loi fondamentale.

Mais bientôt parut aussi la loi du 21 octobre 1814, armée de la censure pour les écrits de moins de vingt feuilles, et de la faculté de saisir tous les autres avant publication; hérissée de difficultés de toute espèce pour les écrivains et les imprimeurs, et ne présentant que la traduction presque littérale du décret du 5 février 1810, si contraire à toute liberté de la presse.

Vainement quelques voix généreuses se firent entendre contre une violation aussi manifeste de la Charte. Un ministre de ce temps-là eut le courage de soutenir que prévenir les abus de la presse ou les réprimer, c'était la même chose; et, à l'aide de cette étrange confusion de mots et d'idées, dont l'opinion publique fit dès-lors une justice éclatante, il obtint la censure préalable, qui, en effet, n'a rien à réprimer, parce qu'elle prévient tout, jusqu'à la liberté elle-même.

A la vérité, l'ordonnance du 20 juillet 1815 prononça l'abolition de cette censure; mais elle lui en substitua une plus dure encore, en soumettant tous les écrits indistinctement à la saisie autorisée par les articles 14 et 15 de la loi du 21 octobre 1814.

Et d'ailleurs, les effets de cette loi ne tardèrent pas à s'aggraver encore par celle du 9 novembre 1815, qui, enveloppant dans ses nombreuses cathégories de provocations directes et indirectes, et les écrits imprimés, et les

écrits livrés seulement à l'impression, les soumit tous aux poursuites les plus rigoureuses, et leurs auteurs à des peines à peu près inévitables.

Déjà, Messieurs, le jugement de la France est porté sur le zèle au moins excessif avec lequel certains tribunaux en ont fait l'application. Pent-être même serait-ce ici le lieu de dire quel en a été le funeste résultat pour la tranquillité de notre pays. Mais, s'il le faut, laissons ce soin à l'opinion publique, et qu'il nous suffise de faire remarquer qu'à cette époque, de triste mémoire, la liberté de la presse fut pour les écrivains, ce qu'était la liberté individuelle pour tant de personnes arrêtées comme suspectes, en vertu d'une autre loi d'exception, dont souvent on a fait un déplorable abus, mais qui, pour l'honneur de la France et la paix des familles, n'existe plus.

Cependant la loi du 9 novembre, qui n'était proposée, disait-on, qu'en attendant l'établissement des cours prévotales, que son préambule même qualifie de provisoire et de mesure momentanée, et que l'on s'efforçait de justifier encore par les circonstances, devait au moins disparaître avec elles. Vous savez, Messieurs, ce qui est arrivé : les Cours prévôtales vont heureusement cesser de peser sur la France; mais les circonstances, qui se prêtent toujours si complaisamment à l'usage qu'on en veut faire, ne se sont pas encore, à ce qu'il paraît, suffisamment améliorées, pour la liberté de la presse, car la même législation continue de la régir.

Ainsi, lorsque l'article 8 de la charte garantit à tout français le droit de faire imprimer et de publier ses opinions, sauf à répondre de l'abus de cette publication, les loix que je viens de signaler s'interposant entre cette garantie tutélaire et l'écrivain qui la réclame, ne respectent pas même l'écrit qui n'est encore que livré à l'impression, le simple dépôt de cet écrit continue d'être considéré comme un fait

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