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ADMINISTRATION INTÉRIEURE.

Paris, le 24 février 1818.

A MM. les Rédacteurs de la Bibliothèque Historique.

Messieurs,

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J'ai l'honneur de vous adresser ci-jointe, copie d'une pétition que j'ai adressée à la Chambre des Députés et à celle des Pairs. Comme il pourrait n'en être fait qu'une simple analyse dans le rapport des commissions, je vous prie Messieurs, de vouloir bien l'insérer en entier dans la Bibliothèque Historique. Il importe que les anciens militaires soient bien convaincus qu'ils ne sont pas oubliés des chefs avec lesquels ils ont marché, pendant vingt-cinq ans, à la victoire, et qui, tous sortis de leurs rangs, ne peuvent jamais avoir d'autres intérêts que les leurs.

Recevez, Messieurs, l'assurance de la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être,

Messieurs,

Le général, comte PAJOL.

L'article 69 de la Charte, porte: « les militaires en activité de service, les officiers et soldats en retraite, les 、veuves, les officiers et soldats pensionnés conserveront leurs grades, honneurs et pensions. »

L'art. 72. « La Légion d'Honneur est maintenue; le Roi déterminera les réglemens intérieurs et la décoration. »

La Charte donne aux militaires admis dans la Légion d'Honneur antérieurement à sa publication, la garantie du traitement affecté à chaque grade dans la Légion.

Cette garantie est d'autant plus juste, elle doit être d'autant plus sacrée, qu'un grand nombre de ces militaires, ayant le choix d'une récompense, ont préféré un grade

dans la Légion d'Honneur, à un grade dans l'armée; que beaucoup d'autres, usés par les blessures et les fatigues de la guerre, se sont retirés du service avec une modique pension de retraite, parce qu'ils comptaient sur le traitement du grade de la Légion d'Honneur dont ils étaient pourvus Il y a plus, c'est que les retraites étaient fixées d'après le traitement que ces militaires recevraient de la Légion d'Honneur.

Toute diminution dans les traitemens de la Légion d'Honneur, reconnue par la loi d'institution, ne peut donc que froisser d'une manière sensible l'existence des anciens militaires, et la retenue de moitié qu'on leur fait depuis quatre ans, est repoussée à-la-fois et par l'équité et par les principes du droit acquis, et donne à la nation française une apparence d'ingratitude, qu'assurément elle démentirait, si elle pouvait exprimer librement sa pensée à cet égard, particulièrement pour les officiers en non activité et les sous-officiers et soldats en retraite.

D'après une décision de M. le Grand Chancelier de la Légion d'Honneur, qui probablement est appuyée d'une ordonnance du Roi, mais qui n'a point été publiée, les traitemens de la Légion d'Honneur ont été réduits à moitié pour 1814, 1815, 1816 et 1817, et sur le restant il est encore fait une retenue pour les invalides.

Cette réduction est motivée, dit-on, sur la perte que la Légion d'Honneur a faite d'une partie de ses dotations. Il peut être vrai que certaines circonstances aient privé la Légion d'Honneur de quelques revenus, mais il y a eu sans doute des compensations.

1o. Par les extinctions de chaque année, qui de droit doivent tourner au profit des légionnaires survivants. Et combien ces extinctions n'ont-elles pas été considérables depuis quatre ans?

2. Par l'affranchissement de toute obligation envers des étrangers admis dans la Légion d'Honneur, lorsque la majeure partie de l'Europe obéissait à la voix du chef de la France, et qui depuis, par leur défection, nous ont affranchis de toute reconnaissance et libérés de tous engagemens.

3°. Par les sommes que l'on assure que plusieurs souverains étrangers ont payé dans le tems au gouvernement français pour le rachat de certains majorats établis dans leur état au profit de la Légion d'Honneur, sommes qui n'ont pu être valablement versées ailleurs que dans la caisse de la Légion d'Honneur, de laquelle dépendaient les biens constitutifs de ces majorats.

Il est donc présumable que toutes ces reprises comblent le déficit. L'avoir de la Légion d'Honneur doit donc suffire au paiement intégral du traitement primitivement affecté aux légionnaires. On doit d'autant plus le penser, que les promotions faites depuis la publication de la Charte, ne donnent droit à aucun traitement d'après la déclaration royale faite depuis cette publication, et qu'on ne regardera sûrement pas comme abrogée par l'ordonnance rendue. dans le courant de mars 1815, qui ne doit être considérée que comme une mesure de circonstances, rapportée par les circonstances mêmes.

S'il en était autrement, combien n'aurait-on pás à regretter la facilité, la profusion et les abus avec lesquels les croix de la Légion d'Honneur ont été données en 1814 et 1815.

Dans cet état d'incertitude on se demande quels sont les revenus de la Légion d'Honneur ? quelle est sa dette? Mais tout est mystère pour les intéressés. C'est ici le cas de répéter les paroles de monsieur le Ministre des finances en présentant le budjet : Une telle discussion n'est pas compatible avec le systéme représentatif dont l'énergie est

fondée sur la franchise des communications entre le Prince et les sujets.

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Toute administration de finances qui n'a rien à se reprocher, ne peut craindre la publicité de ses comptes : cette publicité est même un devoir pour elle celle de la Légion d'Honneur ne peut donc en être exempte. Elle nous doit des comptes de sa gestion, de l'emploi des fonds qui lui sont confiés, et je pense que ce serait à tort qu'elle prétendrait n'en devoir compte qu'au Roi.

Rappelez-vous, Messieurs, que la Légion d'Honneur a été instituée par une loi, que cette institution est garantie par la Charte, et qu'une loi seule peut apporter à la première les changemens nécessités par les circonstances. C'est sous ce rapport que je sollicite l'intervention de Messieurs les Pairs et Députés, qui n'ont point été indifférents à la gloire des armées françaises et qui savent apprécier les services des anciens militaires, afin qu'il soit rendu une loi qui ordonne:

1. Qué l'état du personnel de la Légion d'Honneur lors. de la publication de la Charte, sera constaté.

2°. Que l'état général des biens fonds et revenus qui lui appartenaient à cette époque, sera dressé et publié avec indication des objets qui en ont été distraits depuis, et des causes de cette distraction.

3. La somme qui serait nécessaire à l'acquittement des traitemens reconnus par la Charte aux titulaires survivans.

4°. La suppression de l'administration de la grande Chancellerie de la Légion d'Honneur, dont les dépenses immenses sont faites au détriment des pauvres Légionnaires, pour la réunir au Ministère de la Guerre, ou à la Caisse d'Amortissement, en transformant en dotation viagère les traitemens des Légionnaires, ce qui assurerait aux anciens, militaires le prix de leurs services et de leur sang, et ce qui serait un très-grand avantage et une économie pour l'Etat.

3°. La réforme de la maison de St.-Denis, dont le but est totalement contraire à son principe d'institution, dont les dépenses d'entretien sont considérables, et qui ne peuvent plus par conséquent être à la charge des Légionnaires (1).

6o. Enfin, un almanach de la Légion qui fera connaître à la France l'état nominatif de tous les Légionnaires, avec la date de leur promotion dans chaque grade, et les raisons qui y ont donné lieu. Cette publicité préviendra l'effronterie de certains individus qui se parent de décorations qu'ils n'ont jamais méritées, et qu'ils n'ont peut-être jamais été autorisés à porter.

L'Ex-Général en Chef, Comte PAJOL.

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Le jeune MARCHAND, condamné, en 1816, à dix ans de bannissement, par la Cour d'assises du département de l'Orne, pour proposition de complot contre le gouvernement, est décédé le 15 février dans la prison de PierreChâtel où il avait été conduit, comme d'autres bannis, en vertu de l'ordonnance du Roi du 2 avril 1817. Il était âgé de 22 ans et avait servi dansles voltigeurs de l'ex-garde. A 19 ans, il avait fait les campagnes de 1814 et 1815.

Voici la lettre adressée, à l'occasion de sa mort, à M. Lainé, ministre de l'intérieur, par M. Ch.-Ph. Marchand, son frère.

Paris, le 25 février 1818.

A Monsieur LAINE, Ministre de l'Intérieur.

>> Monsieur,

En 1816, J. J. Marchand, mon frère, fut accusé de

(1) Au lieu de ne placer dans cette maison que les filles des officiers morts sur le champ de bataille, et qui sont sans fortune, on y met aujourd'hui les filles des Commissaires des guerres; il y en a un qui a eu l'adresse d'y faire placer deux de ses filles.

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