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qu'au profit d'un évêque étranger, qui, par le droit de la nature et des gens, n'était pas plus autorisé à recevoir la première année du revenu d'un bénéfice en France que la première année d'un revenu de la Chine et des Indes.

Cet accord alors si révoltant se fit dans le temps qui précéda la rupture du Nord entier, de l'Angleterre et de la moitié de l'Allemagne avec le siége de Rome. Ce siége en devint bientôt plus odieux à la France, et la religion pouvait souffrir de la haine que Rome inspirait.

Tel fut long-temps le cri de tous les magistrats, de tous les chapitres, de toutes les universités. Ces plaintes s'aggravèrent encore, quand on vit la bulle dans laquelle le voluptueux Léon X appelle la pragmatique sanction, la dépravavation du royaume de France.

Cette insulte faite à toute une nation, dans une bulle où l'on citait St.-Paul, et où l'on demandait de l'argent, excite encore aujourd'hui l'indignation publique.

Les premières années qui suivirent le concordat furent des temps de troubles dans plusieurs diocèses. Le roi nommait un évêque, les chanoines un autre; le parlement, en vertu des appels comme d'abus, jugeait en faveur du clergé. Ces disputes eussent fait naître des guerres civiles du temps du gouvernement féodal. Enfin François Ier. ôta au ́parlement la connaissance de ce qui concerne les évêchés et les abbayes, et l'attribua au grand conseil. Avec le temps tout fut tranquille : on s'accoutuma au concordat comme s'il avait toujours existé ; et les plaintes du parlement cessèrent entièrement, lorsque le roi obtint du pape Paul III l'indult du chancelier et des membres du parlement; indult par lequel ils peuvent eux-mêmes faire en petit ce que le roi fait en grand, conférer un bénéfice dans leur vie. Les maîtres des requêtes eurent le même privilége.

Dans toute cette affaire qui fit tant de peine à François Ier.

il était nécessaire qu'il fût obéi, s'il voulait que Léon X remplit avec lui ses engagemens politiques, et l'aidât à recouvrer le duché de Milan.

Extrait du résumé général et exact des Cahiers et Pouvoirs des Députés aux Etats-Généraux (1).

Art. 1er. Que le concordat soit aboli; en conséquence, les élections aux bénéfices rétablies, l'usage des résignations consenti, et toutes les institutions canoniques et dispenses données par les évêques diocésains, sans recours au Saint-Siége. (Lyon, page 33.)

Art. 2. S. M. sera suppliée de rétablir le conseil de conscience, qui a eu lieu sous ses prédécesseurs, pour la disposition de tous les bénéfices qui sont à sa disposition. ( Vicomte de Paris, fol. 104, Auxerre.)

Art. 3. S. M. sera suppliée de créer un comité qui puisse éclairer son choix dans la dispensation des bénéfices (1).

Art. 33. Que le concordat entre François Ier. et Léon X soit aboli, et la liberté des élections rétablies. (Saintes, par les trois Ordres) (2).

Art. 12. La noblesse, croyant qu'il est de la plus haute importance de conserver tout l'argent du royaume, demande que les tributs envoyés à Rome, sous le nom d'annates et de dispenses, soient supprimés, et que le produit en soit appliqué à la construction ou réparation des églises, presbytères, ou soulagement des pauvres. (Troies, p. 42.) Art. 13. Que conformément à l'ordonnance d'Orléans,

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mai 1760, art. 2, il ne soit plus porté d'argent à Rome, sous le titre d'annates (1), dispenses, etc., etc. ( Beauvais, p. 5.)

EPITRE DÉDICATOIRE des Enores d'ARNAULT.

Albe! mon seul pays et mon premier amour!

A MA PATRIE.

France! c'est du fond de son exil, de sa retraite, de să prison même, qu'un de tes enfans te salue.

Je te dédie ce recueil, fruit des travaux qui tour à tour ont fait les délices et la consolation de ma vie. Au temps de mon bonheur, il l'ont accru quelquefois; dans ces jours d'infortune, ils m'empêchent souvent de le sentir.

Elle n'est pas légère, cependant; dépouillé de mes emplois, de mes honneurs, frappé non seulement en moi, mais dans ma famille, mais dans ce qui m'est plus cher que moi; chassé de ma patrie naturelle, poursuivi dans ma patrie adoptive, repoussé de tous les pays, excepté de ceux où la captivité m'attend ; je n'ai pas une pierre pour reposer ma tête; L'hospitalité que les nations offrent au malheur, le refuge qu'elles accordent même au crime, m'est refusé : proscrit en France, je le suis dans le monde entier! Et pourquoi ?

Partagé entre mes goûts et mes devoirs, entre les arts et entre l'amour de ma famille et celui de mon pays, pendant

(1) Les annates ne sont pas approuvées par le concordat fait entre le Pape et François Ier. Bien y a une bulle expédiée par Léon X; mais elle n'est pas contenue au concordat, ni passée au parlement; ains seu¬ lement par une dissimulation qui coûte au roi et à ses sujets une infinité de deniers. (Observations sur le Concordat, Actes du Clerg L. To, p. 16 cr

einquante ans, je n'ai pas fait une action, je n'ai pas e une pensée qui ne soit d'un honnête homme et d'un bon citoyen.

Cependant, ô France! les troubles qui, trop souvent ong agité ton sein; les désastres qui, plus d'une fois ont menacé la fortune publique, bouleversent, pour la seconde fois toute mon existence.

Mais est-ce dans ma ruine, qu'est mon malheur? Il est dans la cause que l'opinion trompée peut lui donner, il consiste en ce qu'elle peut paraître d'autant plus méritée qu'elle en est plus grande. En effet, le commun des hommes n'estil pas plus porté à douter de l'innocence du persécuté que de la justice du persécuteur, et à calomnier les faibles qu'à condamner les puissans? Déplorables conséquences des révolutions au milieu desquelles s'est écoulée ma vie! dans ces temps de convulsions, toutes les bases sur lesquelles se fondent le jugement des hommes, sont ébranlées; bien que ce qui est vertu ne cesse plus d'être réputé vertu, les actes qui en émanent sont souvent réputés crimes. Ce n'est plus d'après les règles de la morale que ces actes sont jugés; mais d'après les intérêts de la politique, d'après les intérêts privés qu'ils servent où qu'ils blessent, d'après les circonstances où l'on prononce, d'après la situation momentanée de la faction ou de l'homme auquel les actes se rattachent. Ainsi, les actes de la reconnaissance et de la fidélité peuvent, du jour au lendemain, être punis comme crimes, au gré de la fortune, dont le caprice peut tour à tour changer en révolte, pour chacun, l'attachement au devoir même, suivant le côté vers lequel son souffle a fait passer la puissance, flottante entre tant d'ambitions.

Alors le citoyen qui n'a voulu que le bien de la patrie, autrement qu'il s'est opéré, est dénoncé comme ayant conspiré la perte de la patrie; alors son accusation est dans les

bouches même qui, la veille, lui prodiguaient des encou ragemens; alors, loin de le protéger, les représentans des peuples s'mpressent de légitimer les fureurs d'un' parti, et d'en faire le crime d'une nation et renouvellent les horreurs de ces jours où, dans le temple de la loi, la parole était un glaive et la tribune un échafaud.

Mais encore dans ces jours affreux, la proscription n'atteignait pas le proscrit hors de France. Sorti de son pays par des troubles civils, un refuge lui était destiné chez les nations civilisées, où l'appelait cette compassion mêlée d'estime, que les bons cœurs offrent si volontiers à de pareils malheurs, et que les hommes justes leur accordent.

Les torts d'un semblable fugitif, s'il en a, sont-ils autres, en effet, que les torts des circonstances? Le crime de ce vaincu, hors du territoire, livré par le sort au vainqueur, est-il autre chose qu'un malheur qui, suivant les facultés dont on a fait preuve, et la nature de la cause embrassée, peut même donner droit, non-seulement à l'estime, au respect,. mais à l'admiration?

Ne les réclamons plus aujourd'hui ces droits du malheur imprescriptibles depuis les premiers jours du monde, ils ont cessé de l'être.

:

Une ligue a été signée contre le malheur. Dès-lors, plus de pitié; dès-lors, avoir été persécuté en France a été un motif pour être persécuté partout; dès-lors, renonçant à tout discernement, on n'a pas examiné si la première persécution était juste; pour qu'elle fût continuée, il a suffi qu' lle eût été commencée. Tous les rois se sont fait un devoir de perpétuer l'effet d'une proscription, qui semble voulue par un roi, parce qu'une signature royale a été surprise par un proscripteur, depuis proscrit lui-même.

Brise-t-on cel instrument du mal? Le mal qu'il a fait n'en subsiste pas moins. L'Etat se déclare-t-il son ennemi? ceux

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