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prête de la partie saine du clergé à l'assemblée nationale, exposer, faire valoir ses réclamations, et cependant obtenir le vœu de la majorité et arriver à la présidence en des temps difficiles; et là, de la même bouche qui défendoit à la tribune les intérêts de la religion, parler, sans les offenser; aux étrangers sectateurs de l'anarchie accourus pour complimenter la révolte. Défenseur des droits de l'église Gallicane, il a su ménager la faveur de Rome, et après avoir été l'organe de la fidélité nationale au sacre du plus vertueux des rois, il a eu le courage de briser son cœur, et variant les expressions, sans doute, suivant les besoins des temps et des peuples, il a porté des paroles de paix et annoncé la providence d'un Dieu juste à l'usurpateur du trône des rois et de la puissance populaire; à cet égard il est sans rivaux comme sans modèle.

On verra dans la correspondance avec M. l'abbé Barruel, dont on a si étrangement abusé contre nous deux, et que luimême m'a prié de faire imprimer, combien j'étois loin de me cacher, combien mon nom étoit bien connu de ces messieurs. On y verra aussi qu'il n'est pas une objection dans le gros factum qu'on voudroit orner d'un nom respectable, qui n'ait été servilement copiée dans la troisième lettre de M. l'abbé Barruel. Les injures seules sont des auteurs et collaborateurs: les difficultés appartiennent à l'homme instruit, auteur de la lettre.

Je dis les auteurs et collaborateurs, car je les connois tous depuis le curé Theologien, Moraliste, Casuite, &c. jusqu'au malheureux qui oubliant son infirmité, alloit tout en boîtant porter et reporter les livres, venoit chez moi, retournoit aux assemblées, me montroit des lettres, n'obtenoit de réponse, que l'assurance ferme que je ne ferois point une cause de haine d'une opinion libre.

pour

Comment, après cela, concevoir l'obstination à me reprocher l'anonyme dont je me couvrois? On me connoissoit emprunter mes livres (je ne parle pas ici de M. Barruel, dont la conduite a été franche) et on ignoroit qui j'étois pour m'injurier.

Au reste, si flétri d'avance par les traits de l'avarice la plus hideuse, mon nom étoit encore souillé par une adhésion volontaire au régicide, si quelqu'un de mes parens étoit connu pour avoir, sous les drapeaux de la révolte, envahi, à l'ordre des factieux, le domaine d'un prince ami, si moi-même j'avois pu oublier jamais publiquement ce que je devois à l'amitié éprouvée, j'aurois craint que mon nom ne nuisît à la cause que je défendois; mais comme depuis plus de huit cents ans

transmis sans tache et sans souillure, mon nom n'a été porté dans cette révolution que par des martyrs de leur fidélité à leurs devoirs, péris ou sous la guillotine ou dans les combats, je n'avois point à en rougir, et je ne le cachois que parce que je croyois qu'il ne pouvoit ajouter aucun poids à la vérité. Aujourd'hui je me nomme, prêt à répondre au tribunal de l'église et à me soumettre à son jugement pour ma doctrine, prêt à répondre au tribunal de l'honneur pour mes principes, prêt à répondre à ma famille, à ma province, pour le ton de ma défense.

ter Juin,

1802.

J. M. DE CHASTEAUGIRON,
Prêtre du diocèse de Rennes.

Aussitôt que le gros volume in 8vo parut, je me disposai à répondre et j'envoyai quelques feuilles à l'impression. Les circonstances affligeantes qui sont survenues depuis, m'engagèrent à supprimer une besogne que je croyois désormais inutile; mais la calomnie m'a poursuivi jusques dans les foyers domestiques d'où la persécution m'avoit chassé : c'est peu d'avoir publiquement et scandaleusement insulté à l'honorable exil que je m'imposois; on a poussé des procédés que je ne qualifie pas, jusqu'à noircir dans ma famille mes motifs, mes intentions, jusqu'à travestir ma religion: ce n'est plus seulement la cause publique que j'ai à soutenir, c'est une défense personnelle qu'on m'impose. Heureux celui qui en défendant son caractère, rend, par là même, hommage à la religion, à la vérité. Nolo in suspicione hæreseos quemquam esse patientem. (S. Hyeron. epist. 61.)

OBSERVATIONS PAISIBLES

AUX

AUTEURS DES DIFFÉRENTES RÉPONSES, &c.

MESSIEURS,

UN des célèbres défenseurs de l'église naissante se plaignoit que, dès son temps, il y avoit des critiques inquiets, qui ne pou vant se déterminer à eux-mêmes sur quels objets ils devoient faire tomber leur censure, mais vexés par cette impuissance même, se fatiguoient, se tourmentoient péniblement pour découvrir quel aliment donner à leurs chagrins secrets. Cette conduite injuste, dit S. Justin (1), ne nous autorise pas à

(1) Jam nonnullos etiam novimus qui, quibus de rebus proximorum propter quos animi eis ægritudo accidit commoveantur, nesciunt; se ipsos autem adedunt atque dolore affligunt. Itaque contrà eum qui adversari nobis conatur, duri nihil proferendum: sed animo sedato et affectione tranquillâ, hoc duntaxat dicendum. Non tantùm violentia tua valebit, ut judicio cœptum consilium meum à statu suo dimoveas. Providendum verò etiam, ut pax nobis et gratia sit cum dissidentibus, et ne unà cum illis per iræ decretum transversim rapti, aliquando quidem dicamus: Ejusmodi sum naturæ et non possum non irasci aliquando autem à communione precum discedamus. Nam etiamsi secundùm naturam vivas, nondum tamen id credentis est. Æmulatione autem per invidiam duci, ejus est, qui longè à veritate abest. Objurgandus ergo ita quisque est ut memoria injuriarum non adsit et admonitio minimè affectata sit. Jam verò et quosdam scimus qui carnali profectu eo usque

B

nous permettre d'employer en leur répondant, aucune expression dure; au contraire, n'opposant que le sang-froid de l'innocence et la tranquillité d'une âme sans reproche, bornons-nous à déclarer que jamais la violence et l'aigreur ne pourront nous faire abandonner une opinion embrassée avec justice. Le seul parti à prendre, c'est de veiller avec exactitude pour entretenir la paix et l'union avec ceux-mêmes qui voudroient nous entraîner après eux dans des discussions pleines d'acrimonie, qui tiennent plus de la colère que de l'amour de la vérité. Dans la défense même la plus légitime, écartons jusqu'au soupçon d'injustice et d'outrage, et gardons-nous de laisser entrevoir aucune animosité.

Nous connoissons des hommes qui se laissent emporter à la chaleur de leur esprit, au désir de leur cœur, jusqu'à faire servir l'évangile à leur ressentiment, et ne craignent pas d'a juster les oracles même du Sauveur à leurs téméraires décisions, Si revêtus de la puissance, ils avoient le droit de torturer et de proscrire, ils auroient désolé l'univers, et déjà, autant qu'il est en eux, ils condamnent ceux qu'ils regardent comme leurs adversaires et allument les brasiers. Gardonsnous de cet excès et souvenons-nous qu'au milieu de ce choc d'opinions, de cette diversité d'intérêts qui influent si puissamment sur les hommes, ce ne peut être que par la conviction et les égards qu'on doit essayer de ramener ses adversaires à des opinions plus modérées, à un examen plus équitable.

Tout le plan de ma réponse, Messieurs, se trouve tracé dans

promoverint, ut ad iracundiam suam evangelium pertrahentes, ad sententiæ suæ præcipitium, oracula Servatoris nostri accommodare velint: quibus si potestas ea obtigisset, ut nonnullos gehennæ traderent, orbem quoque universum consumpsissent: quin illi, quantùm in eis est situm et condemnant et ignis caminos aperiunt. Quocircà nos istiusmodi ne simus. Atque insuper illud vobis do consilium, ut etiam atque etiam videatis, quæ penitùs perspicere conveniat et de quibus proximus acriùs sit admonendus, quod in primis ipsum monitorem identidem de co accuratiùs cogitare oporteat, quod in suspicionem venit, ne videlicet falsă ducatur opinione: ac si rectè arbitrari videatur ut tum demum tantisper illum hortetur et instituat, dum vel ipse consiliis suis quod vult persuadeat vel ille suâ spontè ad id feratur.

Justini Martyr, ad Jenam et Jeren. Epistol. p. 505.

le fragment de S. Justin, que je viens d'indiquer: me gar dant bien de me livrer aux personnalités que vous avez cru pouvoir vous permettre, je ne répondrai qu'aux objections. réelles, et pour mettre dans ma réplique un ordre qui ne se trouve pas dans votre attaque, je crois devoir rétablir, la marche que j'avois suivie dans les éclaircissemens demandés, &c. et avant tout, bien fixer le point de vue sous lequel j'avois envisagé la question. Je croyois l'avoir suffisamment déterminé. Comment se fait-il qu'aucun de vous n'ait voulu m'entendre et que perpétuellement vous vous soyez bornés à attaquer les détails, ou à combattre ce que je n'avois pas dit? Je ne parle point de cette tactique plus qu'adroite qui tantôt veut m'amener à défendre des assertions que je n'ai point avancées, tantôt veut m'embarrasser dans des questions que j'ai scrupuleusement évitées, que j'ai même annoncé ne vouloir pas examiner ; je ne parle point de cette ruse qui transforme en propositions générales, ce qui n'a été dit que relativement à une circonstance, et, d'une phrase incidente, forme une assertion précise. Je ne parle point de cette bonne foi qui m'impute une explication fausse, une falsification même de textes que je n'ai point cités; j'aurai occasion de marquer tous ces tours d'adresse dans le cours de ces observations: mais j'ai droit de me plaindre que des doutes aient été convertis en doctrine, qu'on ait supprimé constamment la proposition principale, pour en isoler les développemens et que par cette manœuvre on ait persévéramment détourné l'attention publique du véritable point en question, pour en substituer successivement différens autres qui paroissoient plus aisés à combattre.

Epuisé par les excès de toute espèce où l'ont entraîné des sophistes hasardeux, des factieux sanguinaires, des spoliateurs avides, des tyrans sans crédit, sans talens, sans moyens, tout un grand peuple se débattoit contre une déstruction qui sembloit inévitable: un homme tout à la fois réfléchi dans ses entreprises et hardi dans l'exécution, aperçoit dans la dépression générale les symptômes de cette indifférence apathique qui promet le succès à quiconque osera saisir l'administration et faire cesser l'état indéfinissable où l'on se trouve, quel que soit celui qu'on y substitue. Il espère le succès, et par la hardiesse et la constance il l'obtient. La nation semble revenir à la vie et l'enthousiasme de la délivrance appuye tous les essais de celui qu'on en regarde comme l'auteur. Tout cède à ses dispositions, soit bonheur ou génie, soit tous les deux à la fois, le caline intérieur et l'espoir naissent de ses opérations, mais l'esprit public est

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