Page images
PDF
EPUB

tique, d'une question de morale, d'un point de discipline générale, il s'agit d'une œuvre de charité à consommer, et de la mesure ou du moyen à adopter pour y parvenir. Ici point d'infaillibilité à alléguer: c'est un fait, et un fait qui dépend des circonstances, du temps, des personnes et des besoins, tous objets sur lesquels on ne peut prononcer que d'après le rapport d'hommes trompeurs ou trompés. Pour procéder sûrement, cherchons dans l'histoire les circonstances qui ont quelque analogie, étudions les faits et les hommes actuels dans ceux qui nous ont précédés. Cette méthode sembloit sûre. J'ai eu pour résultats que les Souverains Pontifes dans des circonstances pareilles avoient toujours cru être obligés, au moins par prudence, de consulter leurs vénérables frères les évêques, et de les écouter avant de déployer l'autorité qu'ils avoient reçue de leur instituteur même, et j'ai conclu ultérieurement que le bref du Souverain Pontife adressé aux évêques de France ne portant le caractère ni de jugement doctrinal, ni d'un décret, puisqu'on n'y trouve aucun des mots qui les caractérisent (statuimus, decernimus, &c.), il ne pouvoit être regardé que comme une proposition préparatoire à une disposition générale, que comme un avis que donnoit le chef de l'église à ses coopérateurs, que comme une annonce de la situation réelle des affaires sur lesquelles il requéroit de leur part une réponse qui décideroit ses démarches ultérieures, et le parti qu'il prendroit conformément à leur opinion connue.-Qu'avez-vous répondu, MM.?

Les auteurs de la 3ème réponse, après s'être perdus en pré. tendues explications, après avoir accumulé tout ce qui pouvoit disgracier, non-seulement mon opinion, mais ma personne, ont enfin semblé vouloir attaquer cette proposition: avec quelle justice avec quel succès l'ont-ils fait? Variant sans cesse d'assertion, suivant qu'ils en ont besoin, ils essayent, non de me répondre, mais d'embrouiller, ou de pervertir ce que j'ai dit, et ce n'est qu'avec un travail pénible qu'on parvient à réduire à une espèce de raisonnement ce qu'ils ont voulu énoncer.

Ils semblent d'abord soutenir que le bref du S. Père ne renferme rien de comminatoire, rien qui annonce un pouvoir absolu, ni intention d'en user, p. 19-ils insistent, ainsi que l'avoit fait M. Milner, sur les formes paternelles du bref, sur les tendres supplications que le S. Père adressoit aux évéques. Ce qui étoit, en d'autres termes, dire avec moi, c'est un père qui propose le plus doux moyen qu'il ait trouvé pour obtenir le but qu'il désire (a gentle expedient for restoring the benefits of

H

religion); mais bientôt, abandonnant cette concession, ils éta blissent avec Mgr. l'Archev. de Bordeaux que ces prières ne sont qu'un ménagement extérieur, et posent pour démontré que la prière d'un supérieur est un ordre, qu'on ne peut refuser d'y condescendre sans manquer à un devoir, que par conséquent il est aussi clair que la lumière, du jour que le 'S. Père ne s'est pas borné à proposer une mesure (1) de

(1) Cette expression mesure de charité paroît étonnamment choquer ces MM. Veulent-ils bien dire ce qu'ils mettoient à la place? Le respectable M. Milner n'a pas trouvé une autre expression, gentle expedient; par conséquent une mesure de circonstances, le moyen le plus doux que les temps pouvoient permettre. Pourquoi donc tant de clameurs? On vouloit pervertir mes expressions, et pour cela on en est venu jusqu'à confondre toutes les idées; et on a dit que le mauvais riche de l'évangile étoit perdu pour n'avoir pas rempli un devoir de charité. Mais, MM., n'y a-t-il donc point de différence entre le devoir et l'étendue du devoir, ou la manière de s'en acquitter? L'aumône est un devoir, et Lazare abandonné à la pitié des animaux domestiques, périssant de douleur et de besoin à la porte du riche, l'accusoit d'injustice, d'une violation de devoir; mais le précepte indispensable de l'aumône obligeoit-il le riche d'aller lui-même panser les plaies du Lazare, au lieu d'envoyer un chirurgien, de le mettre à sa table, et de l'y servir comme on a vu des saints le pratiquer? Ne satisfaisoit-il pas au devoir dès qu'il avoit, suivant ses moyens, secouru l'infortuné ? Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis: voilà le précepte. Nous ne sommes pas pasteurs pour nous-mêmes, mais pour notre troupeau: voilà l'étendue, la nature du devoir. Mais .ce devoir nous oblige-t-il d'en remettre le soin à d'autres, et d'abandonner le troupeau dont nous sommes chargés? Ne devons-nous pas plutôt en réserver la conduite lorsque les temps deviennent plus difficiles? Les circonstances sontelles de nature à autoriser notre retraite? Avons-nous des lumières suffisantes pour excuser notre condescendance à cet égard? Le précepte divin de notre institution doit-il céder devant l'avis, à la prière du chef méme de l'église? Nous ne tenons nos pouvoirs que de Dieu, nous lui en rendrons compte à lui seul. Est-il bon? est-il juste? est-il utile de les remettre à un autre? L'obligation de pourvoir aux besoins du troupeau nous presse, mais jusqu'où la démarche

"

charité, mais qu'il a prescrit un devoir; et, changeant encore une fois l'état de la question, ils font dire au S. Père: “l'état "actuel de l'église et votre devoir exigent que vous donniez "volontairement vos démissions," quoique le bref porte seulement, "puisque nous sommes arrivés à des temps où la libre abdi"cation de vos siégeŝ est absolument nécessaire au bien de la re"ligion catholique, nous ne pouvons douter que vous n'offriez à "Dieu cette nouvelle preuve de dévouement, ce nouveau sacrifice que vous savez être obligés de lui offrir." (1) Mais cette altération avoit un but, on vouloit faire contraster directement la réponse des évêques, et on l'a falsifiée : "Les évêques," diton, lui répondent "l'état actuel de l'église et notre devoir n'exigent pas que nous donnions volontairement nos démis"sions. Fut-il jamais permis, MM. de travestir ainsi une vérité que l'on connoît mieux que personne? N'est-ce pas là ce qu'on appelle une ruse? Car vous m'avez appris ce mot que je ne croyois pas plus usité que la chose même en théologie, et que vous m'appliquez vingt fois, en vérité sans que j'aie jamais cru le mériter. Mais de cette fois la ruse est-elle délicate? La réponse de MM. les évêques est la contradictoire exacte de celle que vous leur attribuez. Ils ont répondu : "Nous connoissons l'importance des devoirs qui nous sont "imposés, nous sommes accoutumés aux sacrifices, et, avec "le secours de Dieu, nous croyons qu'il n'en est aucun au"quel nous ne soyons disposés à nous soumettre; mais, Très "S. Père, il ne nous est pas assez connu si l'abdication de nos siéges est absolument nécessaire pour la religion catholique, `" et nous demandons à être instruits des circonstances extra"ordinaires et impérieuses qui vous forcent de nous faire une proposition à laquelle votre cœur répugne, et qui ne nous pressant pas aussi durement nous laissent la liberté d'exa

66

[ocr errors]

qu'on nous propose s'accorde-t-elle avec cette obligation? Voilà, MM., ce que tout l'univers raisonnable et vrai appellera avec moi une mesure dont la convenance et l'utilité dépendent des circonstances qu'il faut juger, et par conséquent connoître, non-seulement dans le présent, mais pour les conséquences qui peuvent en résulter à l'avenir. Autrement on n'est plus juge, on n'est plus qu'un agent passif d'une autorité indéfinie.

(1) A peine est-il nécessaire d'avertir ici que la traduction que l'on donne de ce passage, 3ème Rép. p. 21. est une véritable falsification du texte: c'est au lecteur de comparer.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

66

[ocr errors]

"miner avant de prononcer sur une démarche qui doit être la "suite d'un examen réfléchi, d'un jugement approfondi, dont nous devons rendre compte un jour à celui de qui nous "tenons notre mission, nos pouvoirs, et qui par conséquent ne peut être le fruit seul de l'acquiescement respectueux qu'en toute autre circonstance nous commanderoient vos vertus personnelles, votre dévouement au bien de l'église, et "la confiance sans bornes que nous témoignerons toujours au père commun des fidèles. Nous ne refusons pas: nous de"mandons à être instruits. Nous sommes juges, et nous devons prononcer, non de confiance, mais en connoissance de 66 cause." Vous avez sous les yeux, MM. les deux lettres que MM. les évêques ont adressées au Souverain Pontife, y trouvez-vous autre chose? Mais, MM. quand MM. les évêques auroient répondu ce que vous leur prêtez, eussent-ils été en contradiction avec le S. Père? eussent ils manqué à un devoir? Accordons que le Souverain Pontife ait porté un jugement, transformons son bref en décret, ce qu'il est impossible de faire avec vérité. Malgré tant de concessions, qu'en résulte-t-il ? Sur quoi le jugement du S. Père porte-t-il? Sur l'état actuel de l'église de France, sur le besoin de la secourir? Il n'est pas un catholique François qui n'en convienne, qui n'appelle ce secours. Sur la manière de la secourir la plus avantageuse? Mais ce jugement alors dépend d'une infinité de connoissances locales, d'instructions approfondies, et très-difficiles, que le S. Père n'a pu acquérir que par l'intermédiaire de ceux qu'il emploie, et à ce titre les pasteurs chargés directement, et par Dieu même, de la conduite du troupeau, les pasteurs qui n'ont laissé manquer aucun secours ne sont-ils pas au moins aussi bien instruits et des besoins et des dispositions locales? Et lors même qu'on ne considéreroit pas leur caractère essentiel de juges, n'ont-ils pas droit de demander à être entendus? Leur témoignage, leur rapport est-il de nulle valeur? Mais, MM. ils sont juges de droit divin dans l'église, de droit naturel, et de droit positif dans cette circonstance, et alors un jugement rendu sans les entendre, sans les consulter sur un objet de leur compétence directe, et de leur attribution nécessaire, peut-il être regardé comme jugement définitif tant qu'ils n'y ont pas accédé, et peut-il en résulter pour eux un devoir? Ils ne voyent entre leur troupeau et le S. Père que le rapport de quelques intrigans sans mission, ou les demandes de ceux qui se sont eux-mêmes créés les souverains d'un peuple opprimé: n'en résulte-t-il pas pour eux une nouvelle obligation de vigilance? Ferez-vous du bref un décret? Tout répugne

à cette supposition; on n'y voit aucun des termes consacrés: et d'ailleurs un décret ne se prononce que pour des choses qui intéressent directement toute l'église. Il n'obtient sa qualité obligatoire que par l'acceptation: et le refus motivé de cette acceptation a toujours et dans toutes les circonstances paru nécessiter un nouvel examen. Il est donc vrai qu'en vous accordant même deux suppositions impossibles, en admettant, telle que vous l'avez donnée, la réponse des évêques à l'époque où M. de Boisgelin avoit écrit, et où je répondois: ces prélats n'avoient manqué à aucun devoir, et n'étoient en contradiction avec personne, mais au contraire exerçoient une fonction avouée, reconnue de tous les temps, celle de pasteurs chargés de veiller aux intérêts du troupeau qui leur est confié, et obligés de redoubler de fermeté et de surveillance en proportion des efforts que l'ennemi peut essayer.

En vain, MM. entasserez-vous les textes des livres sacrés dans lesquels le Sauveur, ou les ministres de sa parole, les in terprètes de sa volonté employent les formes déprécatoires pour inculquer un devoir, et engager à le remplir, il n'en résulte rien en votre faveur : le precepte étoit établi dans la loi avant que les auteurs sacrés engageassent à le pratiquer, et comparer les tendres ménagemens d'un Dieu de clémence et de bonté pour recommander un précepte de droit naturel et de droit divin, à des dispositions purement humaines (1), c'est vé

(2) Des dispositions purement humaines-c'est ce mot qui détruit tout le faux étalage que les auteurs de la Séme Réponse ont voulu opposer. La convention entre le Souverain Pontife et Bonaparte ne peut jamais, dans aucune opinion, être regardée comme une de ces décisions auxquelles le Seigneur a promis son secours, son as istance directe. Le but certainement est la gloire de Dieu, dans le cœur, dans les intentions du Souverain Pontife. Dans ma conviction personnelle je me tiens pour assuré que dans cette circonstance, Dieu aidant de sa grâce le chef de son église, il n'arrivera pas que dans les dispositions avouées du Souverain Pontife il se glisse rien qui attaque les dogmes sacrés, mais pour la décision il ne peut s'appuyer que sur des rapports humains. Que d'intermédiaires à employer! Sont-ils tous purs, tous désintéressés? Il faut s'en rapporter aux témoignages. Sont-ils tous suivant la conscience et la vérité? Les avis, les renseignemens viennent d'un pays où tout est fraude et mensonge d'une part, oppression et timidité de

« PreviousContinue »