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AVERTISSEMENT.

les lieux mentionnés par Grégoire de Tours, et un mémoire sur l'état de l'administration sous les Mérovingiens. J'étais en droit d'avoir pleine confiance dans le savoir et l'exactitude de M. Alfred Jacobs. Il a fait, à l'École des Chartes, de solides études; il a été l'un des élèves les plus assidus de mon savant et regretté confrère, M. Guérard, dont les travaux ont jeté, sur l'état social de l'ancienne France, de si vives et si sûres lumières. Il s'était déjà distingué par ses recherches sur divers points d'archéologie et de géographie française. J'ai donné très-volontiers à M. Alfred Jacobs l'autorisation qu'il désirait, et depuis que j'ai vu son travail, je me félicite de la lui avoir donnée. Ses études géographiques et archéologiques, le soin avec lequel il a revu, en la réimprimant, ma traduction, et les notes qu'il y a ajoutées donnent, à l'édition nouvelle qu'il en publie aujourd'hui, un vrai mérite scientifique, et rendent la lec

AVERTISSEMENT.

ture du curieux ouvrage de l'évêque de Tours plus claire et plus facile pour le pu blic. Je prends plaisir à rendre à M. Alfred Jacobs ce témoignage.

Val-Richer.-Juin 1861.

GUIZOT.

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NOTICE

SUR

GREGOIRE DE TOURS

Du v au xn° siècle, le clergé presque seul a écrit l'histoire. C'est que seul il savait écrire, a-t-on dit. Il y en a encore une autre raison, et plus puissante peut-être. L'idéé même de l'histoire ne subsistait, à cette époque, que dans l'esprit des ecclésiastiques; eux seuls s'inquiétaient du passé et de l'avenir. Pour les barbares brutaux et ignorants, pour l'ancienne population désolée et avilie, le présent était tout; de grossiers plaisirs ou d'affreuses misères absorbaient le temps et les pensées; comment ces hommes auraient-ils songé à recueillir les souvenirs de leurs ancêtres, à transmettre les leurs à leurs descendants? Leur vue ne se portait point au delà de leur existence personnelle; ils vivaient concentrés dans la passion, l'intérêt, la souffrance ou le péril du moment. On a tort de croire que, dans les premiers temps surtout,

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le clergé seul sût écrire; la civilisation romaine n'avait pas disparu tout à coup; il restait, dans les cités, des laïques naguère riches, puissants, lettrés, d'illustres sénateurs, comme les appelle Grégoire de Tours. Mais ceux-là mêmes tombèrent bientôt dans le plus étroit, le plus apathique égoïsme. A l'aspect de leur pays ravagé, de leurs monuments détruits, de leurs propriétés enlevées, au milieu de cette instabilité violente et de cette dévastation sauvage, tout sentiment un peu élevé, toute idée un peu étendue s'évanouit; tout intérêt pour le passé ou l'avenir cessa: ceux qui étaient vieux et usés crurent à la fin du monde; ceux qui étaient jeunes et actifs prirent parti, les uns dans l'Église, les autres parmi les barbares eux-mêmes. Le clergé seul, confiant en ses croyances et investi de quelque force, continua de mettre un grand prix à ses souvenirs, à ses espérances; et comme seul il avait des pensées qui ne se renfermaient pas dans le présent, seul il prit plaisir à raconter à d'autres générations ce qui se passait sous ses yeux.

De tous les monuments qu'il nous a transmis sur ce long et sombre chaos, le plus important est, à coup sûr, l'Histoire ecclésiastique des Francs de Grégoire de Tours; titre singulier 1 et qui révèle le

1

Un assez grand nombre de manuscrits portent pour titre Historia Francorum, ou Gesta Francorum; quelques-uns même simplement Chronica; mais les plus anciens sont intitulés Historia ecclesiastica Francorum, et le début du second livre indique clairement que tel est en effet le titre que Grégoire de Tours a dû donner à son ouvrage.

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