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CHAPITRE IX.

Retour de Napoléon à Paris. Démêlés avec la Prusse. Nouveau traité imposé à Haugwitz. Mort de Pitt : il est remplacé par Fox. Système de Napoléon pour une puissance fédérative. Joseph, roi de Naples. Louis, roi de Hollande. Traités pour l'établissement de la confédération du Rhin. Négociations avec la Russie et l'Angleterre. Rupture avec la Prusse. Batailles d'Iéna, d'Auerstedt. Destruction de l'armée prussienne. Les Français s'emparent de la Hesse, du Hanovre et de tout le pays jusqu'à la Vistule.

Dès que la double paix avec l'Autriche et la Prusse eut rétabli le calme en Europe, du moins pour quelque temps, je me hâtai de retourner en France, où des soins non moins importants réclamaient ma présence.

à Munich.

varois.

Mon retour à Munich fut un vrai triomphe: Mon retour depuis les guerres du brave Charles Théodore, Enthousias allié de Louis XIV, et depuis le projet que l'Au- me des Batriche forma pour s'emparer de leur pays en 1778, les bons Bavarois nourrissaient une haine invétérée contre l'ambition du cabinet de Vienne : ils me reçurent avec des acclamations si sincères et si touchantes, que jamais je n'éprouvai un sentiment de reconnaissance plus prononcé. La nation, appréciant ce qu'elle allait gagner

en puissance et en considération par la couronne royale que je posais sur le front d'un prince dont elle chérissait les vertus, jugeait combien de pareils bienfaits différaient des procédés de l'Autriche envers elle.

Quelques vieux canons pris sur les troupes électorales en 1703, et que nous retrouvâmes dans l'arsenal de Vienne, renvoyés par mes soins à Munich avec un bon nombre de pièces autrichiennes conquises en expiation, y furent reconduits avec toute la pompe militaire. Un élan patriotique électrisa les Bavarois d'un bout du royaume à l'autre. Les couleurs nationales furent arborées par tous les citoyens avec un enthousiasme qui me rappela les premiers beaux jours de 1790.

Je profitai de ces dispositions pour resserrer nos liens par une alliance de famille. Le prince Eugène, vice-roi d'Italie, épousa la princesse Amélie, fille aînée du roi de Bavière, et Berthier, que je venais de placer au rang des souverains en lui donnant la principauté de Neufchâtel, épousa une nièce du roi.

Mon séjour à Munich fut célébré par de grandes fêtes; l'allégresse publique était à son comble. Je ne me promettais pas une réception aussi affectueuse à la cour de Wurtemberg dont l'électeur, prince d'un grand caractère, ne pro

fessait pas les mêmes sentiments pour nous. Il n'avait cédé qu'à la force en se réunissant à moi au commencement de la campagne; mais il était l'oncle maternel de l'empereur Alexandre, la position de ses états m'imposait l'obligation de le traiter à l'égal de la Bavière : c'en était assez pour m'y résoudre, et j'espérais avec raison qu'en l'élevant sur le trône, je me l'attacherais irrévocablement. Je ne fus point trompé dans ce calcul.

à Paris.

Mon retour à Paris n'offrit qu'une suite non Je reviens interrompue de triomphes; le spectacle du pont de Kehl surtout parut extraordinaire par la réunion d'une foule immense d'habitants des deux rives du Rhin, accourus sur mon passage. Louis XIV prétendait qu'il n'y avait plus de Pyrénées; j'aurais pu dire avec plus de raison. qu'il n'existait plus de barrière du Rhin entre la France et l'Allemagne. J'avais été précédé dans la capitale par la députation du sénat venue jusqu'à Vienne, pour me féliciter de deux victoires sans égales dans les annales de la France, et qui lavaient d'une manière si glorieuse l'affront sanglant que notre marine venait d'essuyer à Trafalgar. On m'apprêtait à Paris la réception la plus brillante; j'y rentrai de nuit pour me soustraire à des solennités qui m'obsédaient, et

Crise de la banque.

dont je savais si bien donner l'exemple quand elles pouvaient être utiles à mes projets.

De nouveaux soins m'attendaient aux Tuileries. Le premier dont j'eus à m'occuper résultait d'un événement auquel j'étais loin de m'attendre : à l'instant où je fondais la puissance et la gloire de la France d'une manière qui semblait inébranlable, l'état faillit être troublé par une banqueroute inconcevable. Barbé-Marbois s'était mis en tête de faire valoir les fonds du trésor en plaçant 140 millions contre des délégations espagnoles sur la Vera-Cruz qui ne purent se réaliser. I fut forcé d'avoir recours à la banque pour assurer le service; celle-ci se trouva gênée à son tour, et ses billets, qui avaient bravé toutes les tempêtes révolutionnaires, furent discrédités au point qu'une multitude effrayée assiégeait les portes pour se faire rembourser. Jamais crise financière ne fut plus inopportune et plus bizarre. Arrivé à 9 heures du soir aux Tuileries, je passai la nuit à vérifier la situation du trésor, et dès II heures du matin un conseil de finance convoqué dut aviser aux moyens de remédier au mal. Je n'avais pas encore de trésor secret dans les caves des Tuileries, il fallut trouver des ressources pour faire face aux premiers besoins: nous y parvînmes heureusement; la confiance

reprit peu à peu, et tout Paris en fut quitte pour la peur. Ceci me prouva que la grandeur politique d'un état n'est pas toujours la mesure de son crédit, et me fit sentir la nécessité d'un trésor particulier pour parer aux événements.

Nouvelles sons de ma

combinai

position avec l'An

A cette crise succédèrent de nouvelles complications politiques : les grands événements qui avaient signalé cette campagne de 1805 sur terre comme sur mer, changeaient de fond en comble gleterre. la situation respective des deux rivales qui se disputaient le commerce et l'influence du monde. La journée de Trafalgar achevait de donner l'empire de la mer aux Anglais; il fallait adopter un nouveau système pour en contre-balancer les déplorables effets.

Un vieil adage avait dit : « Qui est maître de « la mer l'est aussi de la terre. » Quelque paradoxale que semble une telle assertion, on ne saurait nier qu'elle ne soit du moins spécieuse, lorsqu'on réfléchit sur l'importance des plus petits états qui parvinrent successivement à briller par la marine, et sur la grande extension que prit la domination des Romains aussitôt qu'ils furent débarrassés de la rivalité de Carthage. La découverte de l'Amérique et l'invention de la boussole durent encore doubler l'importance de la marine; et la puissance qu'elle procura successivement aux Hollandais, aux

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