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Moncey, Pérignon et Serrurier n'ayant plus combattu sous l'empire, on nous dispensera de nous étendre sur leur compte; les deux premiers avaient commandé en chef avec distinction aux Pyrénées, et leurs opérations en 1794 et 1795 annonçaient du talent. Placés dans les rangs des sénateurs, ils ne figurèrent plus à la tête des troupes, si ce n'est un instant dans la crise qui amena l'ennemi sous les murs de Paris.

Macdonald et Lecourbe ayant commandé des armées auraient eu des droits au bâton de maréchal; toutefois le premier avait si mal manœuvré à la Trebbia que je crus devoir ajourner sa promotion. Lecourbe aussi s'était laissé battre en 1799 vers Philipsbourg: néanmoins, il avait montré une si grande aptitude pour la guerre des montagnes en Suisse, et pris ensuite une si grande part aux victoires de Moreau en 1800, qu'il l'eût mieux mérité que bien d'autres. Quelques propos malveillants lui étaient échappés contre moi à l'époque du procès de Moreau, et je n'étais point en position d'employer mes en

nemis.

On voit par le portrait de ces généraux, qu'excepté Masséna, Soult, et peut-être Davoust, je confier le commandement d'une ar

n'aurais

II.

pu

5

Mon armée

mée à aucun d'eux (1). Cependant je croyais en avoir plus qu'il ne m'en fallait, voulant diriger moi-même tout l'ensemble des grandes opérations, et ayant plus besoin de vaillants lieutenants que d'habiles collègues.

Nonobstant les petits défauts que nous avons signalés, la constitution militaire de l'empire était la plus solide de l'Europe; car les autres puissances n'avaient pas encore fait les progrès qu'elles firent depuis en nous imitant et en nous surpassant même en plusieurs points.

e

Le premier corps occupait le Hanovre ; le 2o se se prépare trouvait en Hollande au camp de Zeist; les 3°, 4o, barque- 5e et 6o depuis Ambleteuse à Montreuil; le 7o à

pour l'em

ment.

e

Brest. 120 mille fantassins, 12 mille cavaliers,
8 mille dragons à pied qui se monteraient en
Angleterre. 4 mille artilleurs, 450 pièces de cam-
pagne, 7 mille chevaux, étaient prêts à s'embar-
quer, et s'embarquèrent même plusieurs fois.
2200 bateaux, chaloupes ou péniches, armés de
plus de 5 mille pièces de canon, répartis en au-
tant d'escadrilles qu'il y avait de sections dans
l'armée, étaient destinés au transport des trou-
pes, en profitant, pour tenter le passage,
du mo-

(1) Le Vice-Roi, Saint-Cyr, Suchet et Oudinot n'ont été nommés que postérieurement.

ment où nos flottes auraient sinon balayé la Manche, du moins éloigné pour quelque temps les forces ennemies du canal.

Tout le matériel de l'expédition était à bord, et il suffit de récapituler l'énormité de ces préparatifs (1) pour prouver que, si je ne fus point arrêté par les difficultés de cette gigantesque entreprise, je ne fus point au-dessous des devoirs qu'elle m'imposait. Le grand ordre qui régnait dans cette immense flotille, les exercices fréquents par lesquels j'habituai les troupes à embarquer et à débarquer en moins d'une heure au signal convenu, le soin avec lequel chacun fut instruit de ce qu'il aurait à faire, tout en un mot avait été prévu pour assurer le succès de cette grande opération.

mon projet

avec celui

Je ne m'attacherai point à réfuter ici le parallèle Parallèle de qu'on a voulu établir entre l'expédition de César et mon projet de descente; parallèle absurde, de César. puisqu'il n'y eut rien de semblable, si ce n'est le

(1) Cet embarquement se composait de 14 millions de cartouches, 90 mille coups de canon, 32 mille fusils de rechange, 1500 mille rations de biscuit, 1300 mille pierres à feu, 30 mille outils du génie, 11 mille selles et harnachements, 450 pièces de canon, 7400 chevaux à bord de bâtiments disposés pour écuries; enfin 160 mille hommes de

toutes armes.

lieu choisi pour l'embarquement; or le choix de ce lieu, dicté par les situations géographiques, ne dépendait point des combinaisons du gé

néral.

César, vainqueur des Gaules, attaquait avec des légions romaines les peuplades sauvages et divisées de la Bretagne; il avait une flotte supérieure aux mauvaises barques des Bretons en nombre, en force de bâtiments et en manoeuvre. Il était sûr d'arriver et sûr de sa retraite; bien mieux, il allait à une victoire certaine.

J'allais, au contraire, m'attaquer à la nation la plus industrieuse, la plus fière du globe; à une nation reine des mers, qu'elle dominait avec 140 vaisseaux de haut bord, armés de 15 mille pièces de canon; à une nation qui présentait une population de 15 millions d'habitants; et pour peu que la guerre traînât en longueur, je devais compter, même en déduisant l'Irlande, qu'on m'opposerait au moins 200 mille hommes sans expérience, peu aguerris, mais animés de l'amour de la patrie. L'expédition de César était un jeu d'enfant, la mienne était l'entreprise des Titans, voilà la seule comparaison qu'on puisse faire. A la vérité, je n'allais pas soumettre et occuper comme lui la fière Albion; j'allais ruiner ses chantiers, ses arsenaux, ses manufactures, puis revenir en France et me présenter à l'Europe

dans l'attitude victorieuse qui me permettrait de lui dicter la paix.

Quelques craintes que mes démêlés avec la Russie pussent me donner sur le parti que prendrait le continent, j'avoue que je fus trompé par l'attitude pacifique de l'Autriche, surtout après la reconnaissance formelle de mon empire, qu'elle venait de faire tout récemment. Si elle persistait dans ce système et la Prusse dans une neutralité qui lui était si profitable, rien ne s'opposait à l'exécution de mon projet. Dans le cas contraire, je calculais que l'Autriche, n'étant pas sur le pied de guerre, ne s'exposerait pas à agir avant d'avoir fait de longs préparatifs et sans attendre l'arrivée des Russes. Or, il ne me fallait que trois semaines pour opérer la descente, entrer dans Londres, ruiner les chantiers et détruire les arsenaux de Portsmouth et de Plimouth. Si je réussissais, le bruit de cet exploit ne suffirait-il pas pour empêcher la guerre continentale? Et au pis aller, ne pourrais-je pas en levant une double conscription remplacer les troupes embarquées, reporter mon armée au complet, et tenir tête à l'orage sur le Rhin et l'Adige?

La promptitude avec laquelle j'espérais frapper le grand coup, et revenir ensuite, était la principale chance sur laquelle je fondais l'espoir d'un succès; et je ne me dissimulais ni la té

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