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Voilà la philosophie de la religion, et Bossuet y rattache tout de suite la philosophie de la politique. «* N'en doutons pas, chrétiens; Dieu a › préparé dans son conseil éternel les premières » familles, qui sont la source des nations; et dans » toutes les nations, les qualités dominantes qui » doivent en faire la fortune. Il a aussi ordonné » dans les nations des familles particulières, dont >> elles sont composées, mais principalement » celles qui doivent gouverner ces nations, et en particulier dans ces familles tous les hommes » par lesquels elles devoient ou s'élever, ou se » soutenir, ou s'abattre. »

>>

Mais où Bossuet veut-il porter la pensée de ses auditeurs par ces réflexions générales? On va le voir.

<<* C'est par la suite de ces conseils, que Dieu » a fait naître les deux puissantes maisons dont >> la reine devoit sortir, celle de France et celle » d'Autriche, dont il se sert pour balancer les » choses humaines; jusqu'à quel degré, et jusqu'à » quel temps? IL LE SAIT, ET NOUS L'IGNORONS. >>

»

Lorsqu'on lit quelques lignes plus bas : «< cette >> auguste maison d'Autriche où, durant l'espace » de quatre cents ans, on ne trouve que des rois » et des empereurs, et une si grande affluence de >> maisons royales, avec tant d'états et tant de >> royaumes, qu'on a prévu, il y a long-temps

* Ibid.

*Ibid.

» qu'elle en seroit surchargée. » On s'arrête involontairement, le livre tombe des mains, et tous les événemens dont on est contemporain viennent se représenter à la pensée, pour être un long sujet de méditation.

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En 1672 Bossuet, alors précepteur du dauphin avoit été chargé d'annoncer à Louis XIV et à la reine la mort du jeune duc d'Anjou, le second de leurs fils. Il rappelle cet événement avec un charme d'expression et de sensibilité, qui retrace les images les plus touchantes de Virgile. * Oraison «* Représentons-nous ce jeune prince, que les funèbre de grâces sembloient elles-mêmes avoir formé de RÈSE D'AU- » leurs mains (pardonnez-moi ces expressions), il » me semble que je vois encore tomber cette fleur. » Alors, triste messager d'un événement si fu» neste, je fus aussi le témoin de la douleur la » plus pénétrante et des plaintes les plus lamen-· » tables; et sous des formes différentes, je vis une affliction sans mesure. »

MARIE-THE

TRICHE.

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Bossuet ne néglige aucune occasion de soulever le voile qui couvroit les vertus simples et modestes d'une princesse qui avoit tous les honneurs du rang suprême sans en avoir la puissance, et la magnificence des expressions vient tromper l'imagination sur le peu d'influence qu'elle obtint à la Cour de Louis XIV, et sous un règne si fécond

en grands événemens. Il la représente «<* abaissant » devant la divinité cette tête auguste devant la

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quelle s'incline tout l'univers, et sachant pour» tant se prêter au monde avec toute la dignité » que demandoit sa grandeur. Les rois non plus » que le soleil, dit Bossuet, n'ont pas reçu en vain » l'éclat qui les environne. Il est nécessaire au » genre humain; et ils doivent pour le repos au» tant que pour la décoration de l'univers, sou» tenir une majesté qui n'est qu'un rayon de celle » de Dieu ».

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Dans l'oraison funèbre de MARIE-Thérèse, Bossuet ne s'élève pas sans doute à la même hauteur, que dans celles de la reine d'Angleterre et de MADAME HENRIETTE. Mais au lieu de lui en faire un reproche, on doit approuver son goût et sa réserve. Cette reine respectable par ses vertus et sa bonté, n'avoit aucune influence sur les affaires ni même sur l'opinion. Elle ne laissoit ni vide, ni regrets à aucune ambition, à aucun intérêt, à aucunes espérances. Elle décoroit le trône plutôt qu'elle ne l'occupoit; et on auroit été étonné d'entendre Bossuet parler avec pompe et fracas d'une vie et d'une mort à laquelle la génération qui en a été témoin a été aussi indifférente que celle qui l'a suivie. Mais on a vu que malgré l'espèce d'aridité du sujet, Bossuet a su

* Ibid.

* Oraison

funèbre de MARIE-THE

mêler un grand nombre de beautés à la simplicité du récit qu'on attendoit de lui; et que sans jamais exagérer la vérité, il a montré la femme de Louis XIV telle qu'elle étoit, et telle que devroit être pour son propre bonheur toute prin

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Bossuet prononça cette oraison funèbre à SaintDenis, le 1er septembre 1683, trente-deux jours après la mort de MARIE-THÉRÈSE d'Autriche.

On pourroit être étonné de voir Bossuet ramener dans l'oraison funèbre d'une princesse trèsétrangère aux affaires publiques, les querelles qui existoient alors entre la Cour de France et celle de Rome. Mais il faut se rappeler qu'à cette époque l'on étoit à Rome au plus haut degré d'irritation contre la France, et que tout faisoit craindre qu'INNOCENT XI ne s'abandonnât à quelque mesure inconsidérée. On croyoit qu'il étoit prudent et utile de prémunir l'opinion publique contre les impressions qui pouvoient en résulter. « Le nom même et l'ombre de division faisoit

*

>> horreur à la reine, dit Bossuet, comme à toute RÈSE D'AU- » ame pieuse. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Le » saint Siége ne put jamais oublier la France,

TRICHE.

» ni la France manquer au saint Siége; et ceux qui pour leurs intérêts particuliers, couverts, » selon les maximes de leur politique, du prétexte

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» de piété, semblent vouloir irriter le saint Siége >> contre un royaume qui en a toujours été le >> principal soutien sur la terre, doivent penser qu'une chaire si éminente à qui Jésus-Christ a >> tant donné, ne veut pas être flattée par les hom>> mes, mais honorée selon la règle avec une sou» mission profonde; qu'elle est faite pour attirer » tout l'univers à son unité, et y rappeler à la » fin tous les hérétiques; et que ce qui est exces» sif, loin d'être le plus attirant, n'est pas même » le plus solide, ni le plus durable. »

Une considération plus puissante que sa répugnance pour le genre des oraisons funèbres, força Bossuet de remonter encore dans la chaire, et nous devons à sa déférence pour la maison de CONDÉ l'un de ses plus étonnans ouvrages.

L'oraison funèbre de la princesse PALATINE est peut-être de toutes les oraisons funèbres de Bossuet, celle qui fait le mieux sentir combien ce génie si ferme et si hardi avoit de souplesse et de flexibilité pour donner à tous les sujets qu'il traitoit, le caractère et la couleur qui leur étoient propres. La princesse PALATINE mourut en 1685; elle avoit marié sa fille au fils du grand CONDÉ, et Bossuet n'avoit rien à refuser au grand CONDÉ. LATINE. De toutes les femmes célèbres qui jouèrent un rôle brillant ou singulier pendant la minorité

II.

Oraison funèbre de la

princesse PA

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