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» de netteté dans son discours, et aucun des pré» tendus réformateurs n'a expliqué ses pensées » d'une manière plus précise, plus uniforme et

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plus suivie; mais aussi aucun ne les a poussées plus loin, ni avec plus de hardiesse. »

Tels furent les deux chefs qui, dès l'origine, partagèrent la réforme naissante en deux grandes branches; «<* gens d'esprit à la vérité, et qui n'é» toient pas sans littérature, mais hardis, témé» raires dans leurs décisions, et enflés de leur vain >> savoir; qui se plaisoient dans des opinions ex» traordinaires et particulières, et par là croyoient » s'élever, non-seulement au-dessus des hommes » de leur siècle, mais encore au-dessus de l'antiquité la plus sainte ».

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Luther défendoit la présence réelle dans l'eucharistie; Zuingle la proscrivoit: Luther s'emporta contre Zuingle avec la même violence que contre le pape; et il profitoit avec toute l'impétuosité de son caractère de tous les avantages que lui donnoient dans cette controverse les expressions littérales de l'Ecriture et toute l'antiquité chrétienne.

«* Il faut avouer, dit Bossuet, qu'il avoit beau» coup de force dans l'esprit. Rien ne lui manquoit que la règle, qu'on ne peut jamais avoir

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» que dans l'Eglise et sous le joug d'une autorité

* Ibid.

* Ibid.

VIII.
De Calvin.

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légitime. Si Luther se fût tenu sous ce joug si

» nécessaire à toute sorte d'esprit, et surtout aux

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esprits bouillans et impétueux comme le sien; » s'il eût retrancher de ses discours ses emporpu >> temens, ses plaisanteries, ses arrogances bru>> tales, ses excès, ou pour mieux dire, ses extra» vagances, la force avec laquelle il manie la vé

rité, n'auroit pas servi à la séduction. C'est » pourquoi on le voit encore invincible, quand il >> traite les dogmes anciens qu'il avoit pris dans » le sein de l'Eglise; mais l'orgueil suivoit de près » ses victoires. »

Bossuet paroît douter que si Calvin fût venu avant Luther, il eût pu opérer la grande révolution qui ébranla l'Europe chrétienne au commen*Histoire des cement du seizième siècle. « Je ne sais, dit-il, » si le génie de Calvin se seroit trouvé aussi pro» pre à échauffer les esprits et à émouvoir les

variations,

liv. ix.

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*

peuples, que le fut celui de Luther. Mais, après » les mouvemens excités, il s'éleva en beaucoup » de pays, principalement en France, au-dessus » de Luther même; et se fit le chef d'un parti,

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qui ne cède guères à celui des Luthériens. Par » son esprit pénétrant et par ses décisions hardies, » il raffina sur tous ceux qui avoient voulu en ce » siècle là faire une Eglise nouvelle, et donna un » nouveau tour à la réforme prétendue. »

Calvin

Calvin s'étoit fait un grand nom par son livre de l'Institution, qu'il publia pour la première fois en 1535, et qu'il dédia à François I.; il en faisoit sans cesse de nouvelles éditions avec des additions considérables, ayant une peine extrême à se contenter, comme il le dit dans ses préfaces. Mais les yeux se tournèrent entièrement sur lui, quand on le vit, encore assez jeune, entreprendre en 1541, de condamner les chefs des deux partis de la réforme, Luther et Zuingle: et tout le monde fut attentif à ce qu'il apporteroit de

nouveau.

Nous avons déjà dit que ce nouveau systême de Calvin sur l'Eucharistie, qui sembloit tenir le milieu entre la doctrine de Luther et celle de Zuingle, n'étoit au fond que la doctrine même de Zuingle, et que tout ce qu'il voulut bien accorder à l'humeur impérieuse de Luther, se bornoit à des mots dont le véritable sens étoit détourné de l'acception ordinaire.

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«<* Mais il y eut un point qui lui donna un grand crédit parmi ceux qui se piquoient d'a» voir de l'esprit. C'est la hardiesse qu'il eut de >> rejeter les cérémonies beaucoup plus que n'a>> voient fait les luthériens. Calvin fut inexorable » sur ce point; il condamnoit Mélanchton, qui » attachoit assez d'indifférence à la question des BOSSUET. Tome III.

9

* Ibid.

>> cérémonies; et si le culte que Calvin introdui

sit, parut trop nu à quelques-uns, cela même >> fut un nouveau charme pour les beaux esprits, » qui crurent par ce moyen s'élever au-dessus des » sens, et sedistinguer du vulg aire....

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» Par ce moyen, Calvin raffina au- dessus des >> premiers auteurs de la nouvelle réforme. Le » parti qui porta son nom, fut extraordinaire» ment haï par tous les autres protestans, qui le regardèrent comme le plus fier et le plus inquiet qui eût encore paru... Calvin fit de grands » progrès en France; et ce grand royaume se vit » à la veille de périr par les entreprises de ses sec»tateurs, de sorte qu'il fut en France à-peuprès ce que Luther fut en Allemagne. Genève, qu'il gouverna, ne fut guères moins considérée » que Wittemberg, ou le nouvel évangile avoit >> commencé ; et il se rendit chef du second parti » de la nouvelle réformę. »

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On a parlé des jactances de Luther, mais rien n'est comparable à la vanité et à l'amour-propre de Calvin. Bossuet en rapporte de nombreux témoignages puisés dans ses propres lettres; ils peuvent seuls donner une idée du délire où l'orgueil peut des varia porter l'esprit humain. «< * Tout ce que les emtions, liv. 1x. » portemens de Luther lui ont tiré de la bouche, n'approche pas de ce que Calvin dit froidement

* Histoire

» de lui-même... Quoique Luther fût un des ora» teurs des plus vifs de son siècle, loin de faire jamais semblant de se piquer d'éloquence, il

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prenoit plaisir à dire qu'il étoit un pauvre moine >> nourri dans l'obscurité et dans l'école, qui ne » savoit point l'art de discourir. Mais Calvin blessé » sur ce point ne se peut taire; et aux dépens de » sa modestie, il faut qu'il dise que personne ne s'explique plus précisément, ni ne raisonne plus » fortement que lui.

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» Donnons-lui donc, puisqu'il le veut tant, cette

gloire d'avoir aussi bien écrit qu'homme de son » siècle. Mettons-le même si l'on veut au-dessus >> de Luther; car encore que Luther eût quelque >> chose de plus original et de plus vif, Calvin, » inférieur pour le génie, sembloit l'avoir emporté par l'étude. Luther triomphoit de vive » voix. Mais la plume de Calvin étoit plus cor>> recte, surtout en latin, et son style, qui étoit plus » triste, étoit aussi plus suivi et plus châtié. Ils » excelloient l'un et l'autre à parler la langue de leur pays. L'un et l'autre étoient d'une véhé>> mence extraordinaire; l'un et l'autre par leurs » talens se sont fait beaucoup de disciples et d'ad>> mirateurs; l'un et l'autre enflés de ces succès, » ont cru pouvoir s'élever au-dessus des Pères; >> l'un et l'autre n'ont pu souffrir qu'on les con

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