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* Histoire

» tredît; et leur éloquence n'a été en rien plus fé» conde qu'en injures.

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» Ceux qui ont rougi des injures que l'arro» gance de Luther lui a fait écrire, ne seroient » pas moins étonnés des excès de Calvin. » La plume se refuse à transcrire celles dont il a souillé chaque page de ses écrits polémiques. « Catholi» ques et luthériens, rien n'est épargné; auprès » de cette violence, Luther étoit la douceur même; » et s'il faut faire la comparaison de ces deux hom» mes, il n'y a personne qui n'aimât mieux es>> suyer la colère impétueuse et insolente de l'un, » que la profonde malignité et l'amertume de l'au» tre, qui se vante d'être de sang-froid, quand >> il répand tant de poison dans ses discours. >> La mémoire de Calvin est restée chargée parmi ses disciples mêmes du reproche ineffaçable d'avoir préparé, conduit et déterminé le jugement terrible qui condamna Servet à mourir sur un bûcher.

Bossuet, en parlant de la mort de Calvin, fait une réflexion non moins accablante sur la triste célébrité qui est son partage par les sanglantes tragédies dont la France fut le théâtre pendant cinquante ans.

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*Calvin, dit Bossuet, mourut au commentions, liv. x. » cement des troubles. C'est une foiblesse de vou

des varia

>> loir trouver quelque chose d'extraordinaire dans
» la mort de telles gens; Dieu ne donne
pas tou-
» jours de ces exemples; et sans m'informer da-
»vantage de la vie et de la mort de Calvin, c'en
» est assez d'avoir allumé dans sa patrie une flam-
» me que tant de sang répandu n'a pu éteindre,
» et d'être allé comparoître devant le jugement
>> de Dieu sans aucun remords d'un si grand crime. >>

IX.

*Histoire

des varia

Mais parmi les premiers réformateurs, il en est De Mélanchun dont Bossuet ne parle jamais qu'avec l'intérêt ton. le plus sensible, et une affection, pour ainsi dire, paternelle: c'est Mélanchton, et c'est Bossuet luimême qu'il faut entendre parler de Mélanchton. «*Luther prêchant la réforme des abus, et par» lant de la grâce de Jésus-Christ d'une ma- tions, liv. v. » nière nouvelle, parut le seul prédicateur de » l'évangile à Mélanchton, jeune encore (1), et » plus versé dans les belles - lettres que dans les » matières de théologie. La nouveauté de la >> doctrine et des pensées de Luther fut un charme » pour les beaux esprits. Mélanchton en étoit >> le chef en Allemagne ; il joignoit à l'érudi» tion, à la politesse, et à l'élégance du style » une singulière modération. On le regardoit » comme seul capable de succéder dans la litté» rature à la réputation d'Erasme; et Erasme (1) Il n'avoit alors que vingt ans.

>> lui-même l'eût élevé par son suffrage aux pre>> miers honneurs parmi les gens de lettres, s'il ne » l'eût vu engagé dans un parti contre l'Eglise.... >> On voit Mélanchton ravi d'un sermon qu'avoit >> fait Luther sur le jour du sabbat; il y avoit prê

ché le repos, où Dieu faisoit tout, où l'homme » ne faisoit rien. Un jeune professeur de la langue » grecque entendoit débiter de si nouvelles pen>>sées au plus véhément et au plus vif orateur de » son siècle, avec tous les ornemens de sa langue » naturelle, et un applaudissement inoui. C'étoit. » de quoi être transporté; Luther lui parut le plus grand de tous les hommes, un homme en

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voyé de Dieu, un prophète. Le succès inespéré » de la nouvelle réforme le confirma dans ses pen»sées. Mélanchton étoit simple et crédule; les » bons esprits le sont souvent : le voilà pris. Tous » les jeunes professeurs de belles - lettres suivent » son exemple, et Luther devient leur idole. On l'attaque, et peut-être avec trop d'aigreur. L'ar» deur de Mélanchton s'échauffe, la confiance » de Luther l'engage de plus en plus; et il se laisse >> entraîner à la tentation de réformer avec son » maître, et les évêques et les papes, et les prin»ces, et les rois et les empereurs.

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» Il est vrai, Luther s'emportoit à des excès » inouis, c'étoit un sujet de douleur à son disci

» ple modéré........ Mais enfin l'arrogance de ce maî» tre impérieux se déclara; tout le monde se sou» levoit contre lui, et même ceux qui vouloient » avec lui réformer l'Eglise. Mille sectes impies » s'élevoient sous ses étendards; et sous le nom de >> réformation, les armes, les séditions, les guer>> res civiles ravageoient la chrétienté. Cependant » Luther poussoit tout à bout; et ses discours » ne faisoient qu'aigrir les esprits, au lieu de » les calmer. Il parut tant de foiblesse dans są » conduite, et ses excès furent si étranges, que » Mélanchton ne pouvoit plus ni les excuser, ni » les supporter. Depuis ce temps ses agitations fu >> rent immenses. A chaque moment on lui voyoit » souhaiter la mort. Ses larmes ne tarirent point » durant trente ans, et l'Elbe, disoit-il luimême, avec tous ses flots, ne lui auroit pu four»nir assez d'eau pour pleurer les malheurs de la » réforme divisée.

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>>

* Ce que Mélanchton avoit le plus espéré * Histoire » dans la réforme de Luther, c'étoit la liberté des varia

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chrétienne, et l'affranchissement de tout joug

» humain; mais il se trouva bien déçu dans ses

>> espérances; il a vu près de cinquante ans l'E

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glise luthérienne, toujours sous la tyrannie

» ou dans la confusion. Elle porta long-temps la peine d'avoir méprisé l'autorité légitime. Il n'y

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tions, liv. v.

>> eut jamais de maître plus rigoureux que Lu»ther, ni de tyrannie plus insupportable que » celle qu'il exerçoit dans les matières de doc» trine. Son arrogance étoit si connue, qu'elle » faisoit dire qu'il y avoit deux papes; l'un celui » de Rome, et l'autre Luther, et ce dernier le » plus dur.»

Calvin, le sombre Calvin « osoit à peine pous» sér un gémissement libre » dans ses lettres, et c'est à Mélanchton lui-même qu'il l'écrit.

Mélanchton étoit la victime la plus malheureuse de la tyrannie de Luther, parce qu'il étoit le plus doux de tous les hommes. Il rapporte que Luther s'emporta si violemment contre lui, qu'il conçut la pensée de se retirer éternellement de sa présence; et c'étoit chez les Turcs qu'il se proposoit d'aller chercher la liberté.

L'espérance de la réforme des abus avoit contribué à séduire Mélanchton, dont les mœurs pures et honnêtes attestoient la candeur et la bonne foi. Il fallut encore renoncer à cet espoir; et il écrit lui-même que la discipline étoit entièrement ruinée dans les Eglises luthériennes, et qu'on y doutoit des plus grandes choses.

C'est ce qui auroit fait vivement désirer à Mélanchton qu'on en fût revenu à reconnoître l'autorité du pape et la hiérarchie de l'ordre sacré,

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