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» ensemble, ce ne fut pas une dispense de la loi » naturelle qui défend le mariage des frères et » des sœurs; mais l'effet de la subordination de >> cette loi à une autre loi plus essentielle, et si >> on peut ainsi parler, plus fondamentale, qui » étoit celle de continuer le genre humain. >>

Cette loi fondamentale avoit été déclarée à Adam et à Eve par le suprême législateur luimême, par le créateur du genre humain, lorsqu'il leur avoit dit: Croissez et multipliez, et remplissez la terre.

La voix même de la nature, qui veut être multipliée et qui ne veut pas périr, parce que son auteur l'a faite pour durer, se faisoit entendre dans ce précepte divin.

C'est aussi par cette raison que Dieu a créé les deux sexes; ce qui fait que leur union est autant de droit naturel, que leur distinction. C'étoit donc en méconnoissant l'essence même du mariage, que Jurieu fondoit sur des lois positives ce qui est fondé sur la nature même. Les lois positives peuvent bien régler les conditions du mariage pour les effets qu'il doit produire dans l'ordre de la société; mais la nature avoit fait les mariages avant l'existence d'aucunes lois positives.

« Au reste, comme dit Bossuet, lorsque s'éle>> vant au-dessus de Moïse et des patriarches, BOSSUET. Tome III.

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>> Jésus-Christ proscrivit à jamais la polygamie, >> il ne fit que rendre au mariage la forme que >> Dieului avoit donnée dans son origine. Car alors » en bénissant l'amour conjugal comme la source » du genre humain, Dieu ne lui permit pas de » s'épancher sur plusieurs objets comme il arriva >> dans la suite, lorsqu'un même homme eut plu>> sieurs femmes; mais réduit à l'unité de part et » d'autre, il en fit le lien sacré de deux cœurs >> unis. C'est sur cette idée primitive que Jésus» Christ réforma le mariage; et comme disent les » Pères, il se montra le digne fils du Créateur » en rappelant les choses au point où elles étoient » à la création. C'est sur cet immuable fonde» ment qu'il a établi la sainteté du mariage chré» tien et le repos des familles. La pluralité des » femmes, autrefois permise ou tolérée pour un » temps et pour des raisons particulières, fut ôtée » à jamais, et tout ensemble les divisions et les » jalousies qu'elle introduisoit dans les mariages » les plus saints. Une femme qui donne son cœur » tout entier et à jamais, reçoit d'un époux fidèle » un pareil présent et ne craint point d'être mépri»sée, ni délaissée pour une autre; toute la fa» mille est unie par ce moyen. Les enfans sont » élevés par des soins communs; et un père qui >> les voit tous naître d'une même source, leur

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partage également son amour; c'est l'ordre de » Jésus-Christ, et la règle que les chrétiens » n'ont jamais violée par aucun attentat. »

Bossuet ne croit pas dans cet avertissement devoir traiter la question du divorce. Il s'agissoit de la polygamie et du landgrave de Hesse, et non pas du divorce. Il se borne à exposer les étranges excès ou Jurieu portoit la faculté du divorce, excès qui firent rougir les ministres protestans eux-mêmes, et que Basnage se crut en droit de désavouer en les reprochant à Jurieu.

Bossuet oppose aux licences honteuses de Jurieu la sainte inflexibilité de la discipline de l'Eglise catholique. « C'est une règle inviolable parmi »> nous, de ne point permettre les secondes noces » à l'une des parties, qu'après que les preuves de » la mort de l'autre sont constantes. On n'a point égard aux captivités ni aux absences les plus » longues. Les papes, que la réforme veut regar>> der comme les auteurs du relâchement, n'ont » jamais laissé affoiblir cette discipline. >>

>>

Et donnant tout à coup à son style cette majesté que le génie de Bossuet imprimoit toujours aux oracles de la religion, il dit: l'Eglise parle toujours pour l'absent, et ne permet pas qu'on l'oublie, ni qu'on mette au rang des morts celui pour qui le soleil se lève encore.

XVI.

Du 5.e aver

protestans.

Le cinquième avertissement aux protestans est tissementaux le plus beau traité de politique qui ait peut-être jamais été offert à la méditation des philosophes, des hommes d'Etat et de tous ceux qui, sans aspirer à cette prééminence d'opinion et de renommée, aiment à écouter dans le silence des passions la voix de la raison, et ces maximes éternelles que l'expérience des siècles a consacrées pour le repos de la société.

Il s'agit dans cet avertissement d'une des plus grandes questions qui aient été agitées parmi les hommes, sous quelque forme de gouvernement que la providence les ait destinés à vivre. Bossuet entreprend d'examiner si le fondement des empires repose sur l'autorité des rois, ou sur la volonté du peuple dans lequel on prétend placer l'origine et le droit de toutes les souverainetés.

Il avoit établi dans son Histoire des variations, que les réformés du seizième siècle avoient consacré la révolte à main armée contre les souverains légitimes par principe de religion, par des délibérations expresses et solennelles de leurs synodes nationaux et provinciaux, par des consultations raisonnées de leurs plus célèbres théologiens. Il avoit mis sous les yeux de toute l'Europe les preuves authentiques d'une accusation si grave; et il les avoit puisées dans les actes mêmes

des synodes nationaux et provinciaux, dans les registres publics de leurs assemblées, dans les historiens mêmes de la réforme, tels que Théodore de Bèze, d'Aubigné et un grand nombre d'autres.

Bossuet avoit opposé à cette conduite si contraire à celle des premiers chrétiens la doctrine et les exemples de Jésus-Christ et des apôtres. Il avoit rappelé ces célèbres oracles qui prononcent en ces termes si formels, que ni la religion, ni les plus violentes persécutions ne peuvent et ne doivent jamais servir de motif ou de prétexte, pour se soustraire à l'obéissance due aux puissances que Dieu a établies sur la terre. Lorsque l'Histoire des variations parut, protestans les plus habiles, tels que Bayle (1), Basnage et Jurieu lui-même, évitèrent de contre

les

(1) C'est ce que fit Bayle dans sa critique du Père Maimbourg. Mais il est curieux d'observer comment Bayle se montra dans la suite bien plus sincère dans son avis aux réfugiés. On est surtout étonné d'y voir Bossuet et Bayle se rencontrer dans l'exposé des mêmes faits, sans s'être concertés, et sans avoir jamais eu la moindre relation ensemble. Bayle se montra même plus sévère encore que Bossuet, pour reprocher aux protestans leurs variations dans la doctrine, et les contradictions politiques où ils s'étoient laissés entraîner.

Bayle dans son avis aux réfugiés, enchérit encore sur tout ce que Bossuet a écrit dans son Histoire des variations. Nous l'avons déjà dit, ce petit ouvrage de Bayle est un des plus piquans qui soient jamais sortis de sa plume.

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