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» de Nestorius. Ce n'est pas qu'il ait rien appris » de nouveau; mais tant qu'on est entêté, on ne » veut pas voir ce qu'on voit. »

L'un des reproches les plus graves que Bossuet fait à l'abbé Dupin, c'est d'avoir supprimé, dans sa relation du concile d'Ephèse, tout ce qui devoit servir à établir de la manière la plus solennelle la primauté et la jurisdiction du saint Siége de droit divin; et on doit remarquer que dans le temps même où Bossuet dénonçoit au chef de la magistrature française la témérité de l'abbé Dupin contre le saint Siége, il étoit occupé à composer sa belle défense de la Déclaration du clergé de France; c'est ainsi que toujours fidèle à luimême, il sait réprimer avec la même fermeté «< ceux qui cherchent à étendre l'autorité et les >> droits du Siége apostolique au-delà des bornes » prescrites par les canons, et ceux qui entre» prennent de lui contester l'autorité légitime » qui lui appartient par l'institution divine».

Bossuet finit ce mémoire par conclure que la relation de l'abbé Dupin sur les conciles d'Ephèse et de Calcédoine, «< affoiblit la primauté du saint Siége, la dignité des conciles, l'autorité des

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» Pères, la majesté de la religion; et qu'on doit » tout craindre pour ceux qui veulent paroître » savans par des singularités ».

On voit par une lettre de Fénélon *,

, que Bossuet lui avoit communiqué ce mémoire. Il lui écrivoit avec cette familiarité et cette confiance que rien encore n'avoit altérées. « J'ai été ravi

» de voir la vigueur du vieux docteur et du vieux

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évêque. Je m'imaginois vous voir en calotte à oreilles, tenant M. Dupin comme un aigle tient » dans ses serres un toible épervier.

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Racine, parent et ami de l'abbé Dupin, et qui étoit lié de goût et d'estime avec Fénélon, eut recours à lui pour disposer Bossuet à accueillir avec indulgence les explications qu'il étoit prêt à donner. « M. Racine, écrivoit Fé» nélon à Bossuet, quoique son très-proche pa» rent, n'a pas voulu néanmoins entrer dans ses intérêts, supposant qu'il n'étoit pas à soutenir, puisque vous le condamniez. Il se borne à dé>> sirer de lui faire connoître son tort, et de tra» vailler à le ramener dans le bon chemin, >> quand vous aurez eu la charité de lui expliquer » les égaremens de son parent ».

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Ces différentes considérations engagèrent Bossuet à recevoir avec bonté l'abbé Dupin, qui lui fut présenté par Racine lui-même. L'abbé Dupin lui déclara, qu'il étoit prêt à donner toutes les explications qu'il croiroit devoir lui dicter. Bossuet se montra satisfait de sa sincérité; et il

* Du 3 mars

1692.

III.

Maximes de Bossuet sur la comédie. 1694.

se fit même un plaisir de l'encourager dans le dessein où il étoit de consacrer au service de l'Eglise ses heureuses dispositions, et cette passion pour l'étude qui se faisoit remarquer en lui.

Bossuet, que l'abbé Dupin avoit craint de trouver trop sévère, s'étoit contenté des explications, qu'il lui avoit demandées pour qu'il ne restât aucun nuage sur sa doctrine. Mais M. de Harlay, archevêque de Paris, dont il avoit peut-être espéré plus d'indulgence, ne se montra pas aussi facile. Ce prélat condamna la Bibliothèque des Auteurs ecclésiastiques par une censure publique, et obtint un arrêt du parlement pour en défendre le débit.

Une circonstance singulière offrit, quelque temps après, à Bossuet, l'occasion de manifester au public ses principes et ses sentimens sur une question qu'il regardoit comme essentiellement liée à la pureté de la morale chrétienne.

Le poète Boursault avoit fait imprimer en 1694, à la tête d'une édition de ses comédies, une espèce de dissertation qui étoit une véritable apologie des spectacles; et il l'avoit attribuée au Père Caffaro, religieux théatin de la maison de Paris, qui y exerçoit depuis un grand nombre d'années, avec l'édification publique, le ministère de la chaire et celui de la direction des

consciences. Cette dissertation, telle qu'elle parut en français, n'étoit point réellement du Père Caffaro. Il est vrai seulement qu'on y avoit inséré plusieurs fragmens d'un écrit latin que ce religieux avoit composé quelques années auparavant sur la matière de la comédie; il ne l'avoit même jamais destiné à voir le jour. Absolument étranger par sa profession à la connoissance des spectacles, peu familiarisé avec la lecture des auteurs dramatiques, il s'étoit fait, comme il le déclara lui-même (1), une idée métaphysique d'une bonne comédie; et n'envisageant la question que sous ce point de vue général, il s'étoit porté trop facilement à justifier les spectacles contre les censures dont un grand nombre des Pères de l'Eglise les ont frappés. Il avoit même cherché à appuyer une opinion qui lui paroissoit innocente, de quelques raisonnemens théologiques et de l'autorité de plusieurs Pères de l'Eglise et entr'autres de celle de saint Thomas.

Mais avant que ces détails fussent généralement connus, la dissertation, telle que Boursault l'avoit fait paroître en l'attribuant au Père Caffaro, avoit causé un grand scandale; et Bossuet se crut obligé le premier de prendre

(1) Voyez la lettre du Père Caffaro à Bossuet, OEuvres de Bossuet.

toutes les mesures nécessaires, pour en solliciter la réparation. N'ayant aucune jurisdiction sur un religieux étranger à son diocèse, il suivit la voie que l'évangile sembloit lui avoir tracée; celle d'une monition fraternelle, qui devoit concilier le maintien de la morale chrétienne avec les sentimens de la véritable charité ; et ce fut au Père Caffaro lui-même, qu'il prit le parti de s'adresser directement. Il lui écrivit dans le secret de la confiance une longue lettre en date du 9 mai 1694. Il l'invitoit à désavouer publiquement l'écrit qu'on lui attribuoit, s'il n'étoit pas réellement son ouvrage; ou à effacer par une rétractation authentique l'éclat du scandale qu'il avoit excité.

« C'est à vous-même, lui écrivit Bossuet, que je » me plains de vous-même, comme un chrétien » à un chrétien, et comme un frère à un frère. » Mais en même temps il ne lui dissimuloit pas, que s'il n'obtenoit pas la satisfaction qu'il désiroit et qu'il espéroit, il se verroit forcé de suivre le précepte de l'évangile, << en avertissant ses supérieurs; et même après avoir épuisé toutes

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>> les voies de la charité, de le dénoncer à l'E- ¡ » glise, et de parler en évêque contre une si per>> verse doctrine ».

Cette lettre de Bossuet au Père Caffaro ex

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