Page images
PDF
EPUB

peut-être pour Fénélon, exprima son improba

tion sous une forme moins absolue, «* et c'est

*Notes ma

nuscrites de

» alors, écrit l'abbé Fleury, que M.me de Main- l'abbé Fleu

» tenon commença à se refroidir pour M. l'abbé "Y.

» de Fénélon, et à se méfier de ses maximes de >> spiritualité ».

Le duc de Chevreuse, de concert probablement avec Fénélon, vint alors proposer à Bossuet de se charger lui-même d'examiner la doctrine et les écrits de M.me Guyon. Bossuet eut beaucoup de peine à se rendre à cette invitation; cependant un sentiment de déférence pour le duc de Chevreuse, et le désir peut-être de connoître les mystères de cette nouvelle spiritualité, qui commençoit à attirer l'attention publique, triomphèrent de sa répugnance. M.me Guyon livra à Bossuet tous ses papiers et même sa vie manuscrite avec un abandon de confiance, qu'elle n'avoit pas eue pour Fénélon lui-même.

Bossuet fut aussi étonné que scandalisé de cet amas d'extravagances, d'illusions et de puérilités, dont elle avoit rempli toutes les pages de ses manuscrits. Cependant, comme une telle confiance pouvoit paroître un témoignage non équivoque de sa bonne foi, il se montra pour elle aussi indulgent qu'éclairé. Il ne se borna pas à lui donner des conseils, dont il eût été à désirer qu'elle eût

fait un meilleur usage; il eut avec elle une con

férence de sept heures en présence du duc de *Notes ma Chevreuse. «* Aidée par lui, elle parvint à le

nuscrites de

l'abbé Fleu- » satisfaire sur tous les points, à l'exception du

ry.

» pur amour, M. de Meaux ne voulant point >> admettre l'amour de Dieu pour lui-même sans » aucun rapport à notre béatitude, mais seule» ment qu'une ame pouvoit être assez parfaite » pour trouver son bonheur dans la considération » du bonheur de Dieu. »

Bossuet avoit été peut-être moins étonné des illusions de M.me Guyon, que de la confiance que ces illusions avoient pu inspirer à des esprits aussi éclairés, à des hommes d'un mérite aussi supérieur que Fénélon, les ducs de Beauvillier et de Chevreuse, et à M.me de Maintenon elle-même.

Quelque conformité que Bossuet crût apercevoir entre les opinions de M.me Guyon et celles de Molinos, il étoit bien loin de lui attribuer la même perversité de principes et la même dépravation de sentimens. La piété de Fénélon, celle des ducs de Beauvillier et de Chevreuse lui paroissoient des garans suffisans de la pureté et de la droiture de ses intentions.

Lorsque M.me Guyon fit la faute irréparable de sortir tout-à-coup du silence et de l'obscurité dans laquelle Bossuet l'avoit exhortée à se tenir

toujours renfermée, et qu'elle eut obtenu des commissaires pour l'examen de sa doctrine et de ses écrits, il se trouva naturellement à la tête de cette commission. « Par là, écrit l'abbé » Fleury, M. de Meaux rentra en commerce avec » M.me de Maintenon, qui étoit aliénée de lui depuis quelques années. »

[ocr errors]

VIII. Conféren

Pendant les conférences (d'Issy) Fénélon crut s'apercevoir que Bossuet lui montroit une ré- ces d'Issy. serve et une sorte de méfiance à laquelle il étoit loin de s'attendre. Les droits d'une ancienne amitié et l'empressement qu'il avoit mis à inviter M.me Guyon à s'abandonner entièrement à ses conseils et à lui livrer tous les secrets de sa conscience, et même tous les rêves de son imagination, lui avoient fait espérer de la part de Bossuet un retour d'intérêt qu'il s'affligea de ne pas retrouver dans l'homme qui jusqu'alors lui avoit servi de père, de guide et d'oracle dans la science de la religion.

Pendant le cours de ces conférences, Fénélon lui écrivit les lettres les plus humbles et les plus soumises, qui annonçoient la disposition sincère où il étoit d'adhérer à toutes ses décisions.

« Vous savez, écrivoit Fénélon à Bossuet, avec quelle confiance je me suis livré à vous, et » appliqué sans relâche à ne vous laisser rien

[ocr errors]

>>

ignorer de mes sentimens les plus forts, il ne >> me reste toujours qu'à obéir; car ce n'est pas » l'homme, ni le très-grand docteur que je re

[ocr errors]

garde en vous, c'est Dieu. Quand même vous » vous tromperiez, une obéissance simple et >> droite ne se tromperoit pas; et je ne compte » pour rien de me tromper en le faisant avec » droiture et politesse sous la main de ceux qui » ont autorité dans l'Eglise. Encore une fois, » Monseigneur, si peu que vous doutiez de ma » docilité sans réserve, essayez-là sans m'épar»gner. Quoique vous ayez l'esprit plus éclairé

qu'un autre, je prie Dieu qu'il vous ôte tout >> votre esprit, et qu'il ne vous laisse que le sien. »>

Bossuet n'avoit cru devoir répondre à aucune des lettres de Fénélon. Occupé jusqu'alors de travaux plus importans pour la religion, presque tous les auteurs mystiques, à l'exception de saint François de Sales et de sainte Thérèse, lui étoient inconnus. Engagé malgré lui dans l'examen des livres de M.me Guyon, il vouloit étudier cette matière avec attention; et il s'étoit interdit de rien écrire dans un sens, ou dans un autre, dont on pût tirer avantage, jusqu'à ce qu'il se jugeât fondé à s'expliquer avec la conviction nécessaire pour donner à son opinion toute l'autorité qu'elle devoit avoir.

L'article principal sur lequel Fénélon provoquoit sa décision, étoit celui de l'Amour désintéressé.

L'Eglise n'avoit encore prononcé aucun jugement sur cette question; et quoique Bossuet ne goûtât point ce sentiment, il étoit arrêté par l'exemple et l'autorité de plusieurs Pères, de quelques saints, dont l'Eglise a canonisé les vertus, et d'un grand nombre de théologiens qui s'étoient montrés favorables à la doctrine du pur

amour.

C'est ce que l'on croit reconnoître dans une lettre* de Fénélon à Bossuet lui-même. « Quoique

» mon opinion sur l'amour pur et sans intérêt » propre ne soit pas conforme à votre opinion

[ocr errors]

particulière, vous ne laissez pas de permettre » un sentiment qui est le plus commun dans toutes » les écoles, et qui est manifestement celui des » auteurs que je cite. »

Pendant les conférences d'Issy, Fénélon avoit été nommé à l'archevêché de Cambrai ; * et il fut alors admis à ces conférences. On sait comment elles se terminèrent. On présenta à Fénélon trente articles à signer. Il répondit * qu'il étoit prêt à » les souscrire par déférence, parce qu'il les croyoit véritables; qu'il les trouvoit seulement

[ocr errors]

» insuffisans pour lever certaines équivoques. Au

* Du 28 juil

let 1694.

* Le 8 février 1695.

* Réponse

à la relation

du quietisme.

« PreviousContinue »