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Bossuet: « M. de Meaux me paroissoit encore » touché, Monseigneur, de ce que vous lui aviez >> renvoyé son livre des Etats d'oraison sans lui >> en dire votre sentiment. M. de Cambrai, me >> dit-il un jour avec émotion, n'avoit qu'à m'indiquer seulement ce qu'il improuvoit dans cet » ouvrage; j'y aurois volontiers changé plusieurs >> choses pour avoir l'approbation d'un homme >> comme lui ».

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Le cardinal de Noailles alloit encore plus loin. Sincèrement attaché à Fénélon, il prévoyoit avec douleur toutes les suites fâcheuses du démêlé prêt à éclater entre l'archevêque de Cambrai et l'évêque de Meaux; il fit long-temps tout ce qui étoit en son pouvoir pour les prévenir, et Bossuet *Mts. de rapportoit: «Que d'abord la prévention de

Ledieu.

» M. de Noailles alloit jusqu'à lui proposer de

>>

supprimer son Instruction sur les états d'orai»son, qu'on achevoit d'imprimer lentement au >> commencement de 1697; à quoi M. de Meaux » n'avoit pu consentir pour la considération de » l'importance de la matière, si nécessaire alors » dans le besoin pressant de l'Eglise: que pour le » publier, il n'avoit besoin de personne, et qu'il » étoit résolu de le faire ».

Fénélon n'étoit parvenu à faire agréer à M.me de Maintenon, au cardinal de Noailles et à l'évêque

de Chartres son refus d'approuver l'ouvrage de Bossuet, qu'en prenant l'engagement de s'expliquer lui-même d'une manière assez exacte et assez satisfaisante pour ne laisser aucun nuage sur la pureté de sa doctrine.

Cet engagement, si l'on en juge par l'événement, fut la cause malheureuse de toutes les controverses qui s'agitèrent depuis entre Bossuet et Fénélon avec un état si affligeant.

Cependant Fénélon paroît avoir été convaincu de si bonne foi qu'il n'existoit aucune différence essentielle d'opinion entre Bossuet et lui, qu'il écrivoit à M.me de Maintenon: « On ne doit >> pas craindre que je contredise M. l'évêque de » Meaux. J'aimerois mieux mourir, que de don»ner au public une scène si scandaleuse. Je ne

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parlerai de lui que pour le louer et que pour » me servir de ses paroles. Je sais parfaitement » ses pensées, et je puis répondre qu'il sera con» tent de mon ouvrage, quand il le verra avec le >> public ».

On doit même convenir que Fénélon paroît avoir rempli tout ce que le devoir et la sagesse lui prescrivoient, pour ne rien exprimer dans l'exposé de ses sentimens, qui ne fût conforme à la doctrine de l'Eglise. Il soumit l'examen du ma

fort et Boi

leau.

*MM. Beau- nuscrit de son ouvrage au cardinal de Noailles et à ses théologiens *; à M. Pirot, particulièrement attaché à Bossuet, et qui étoit le censeur habituel de tous les ouvrages de doctrine; à M. Tronson, généralement estimé pour sa vertu, sa sagesse et son expérience dans les matières de spiritualité.

XII. Fénélon publie le livre des Maximes des saints. 1697.

Se confiant en l'approbation verbale que ces différens théologiens avoient paru donner à son ouvrage, Fénélon partit pour Cambrai, et se reposa sur le duc de Chevreuse, son ami, du soin de le faire imprimer.

Le livre des Maximes des saints parut à la fin de janvier 1697. Le duc de Beauvillier en fit remettre un exemplaire à Bossuet le jour même qu'il venoit de le présenter au roi au nom de Fénélon, qui étoit encore dans son diocèse.

Il étoit assez naturel que Bossuet portât dans l'examen de cet ouvrage l'attention la plus sévère. Quoique Fénélon eût déclaré qu'il n'avoit refusé son approbation au livre de M. de Meaux, qu'à cause de l'atteinte qu'il paroissoit porter à la réputation de M.me Guyon, dont il estimoit la vertu et la piété, Bossuet se croyoit fondé à penser que la conformité des opinions étoit le véritable motif de son refus.

Ce fut dans cette disposition qu'il lut le livre des

Maximes des saints. Les rêveries de M.me Guyon n'avoient excité que sa pitié; les principes de Fénélon alarmèrent sa religion.

Le livre des Maximes des saints étoit un ouvrage dogmatique. Le nom, le caractère et la réputation de son auteur pouvoient lui donner une grande autorité. Plus Fénélon avoit apporté d'attention à écarter tout ce que la doctrine de Molinos avoit d'odieux et de révoltant, plus les maximes qu'il en avoit conservées, quelque adoucies qu'elles parussent, pouvoient avoir des conséquences dangereuses par la piété même dont elles étoient empreintes.

Bossuet resta encore deux jours à Versailles après avoir reçu le livre de l'archevêque de Cambrai, sans voir personne, sans en parler à personne, pour éviter de prévenir le jugement du public.

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Il revint ensuite à Paris; il persista encore quinze jours entiers dans le même silence à l'égard du roi et de tous ses meilleurs amis, et >> affecta de demeurer à Paris, lisant cependant » le livre avec une grande attention. Dès les >> premières lectures, il en avoit chargé les mar>> ges de coups de crayon, aux mêmes endroits » qu'il en a depuis repris avec tant de raison. » J'écrivois sous lui, continue l'abbé Ledieu,

* Mts. de

Ledieu.

» quatre ou cinq matinées, deux heures chaque » séance, l'extrait des propositions citées par >> pages et par lignes avec les raisons sommaires » de réfutation. C'est le premier essai et le fon>> dement de tous les écrits de M. de Meaux qui » ont suivi depuis.

>>

Pendant cette espèce de retraite de Bossuet à Paris, M. de Pont-Chartrain, depuis chancelier de France, alors ministre et secrétaire d'état, crut devoir parler au roi de la réclamation qui s'élevoit de toutes parts contre le livre des Maximes des saints.

L'archevêque de Reims, plus emporté dans ses manières et dans ses sentimens (1), remplissoit Versailles de ses déclamations contre le livre et contre l'auteur, pour lequel il avoit autant d'éloignement, qu'il avoit d'estime et de vénération pour Bossuet.

Louis XIV ignoroit tout ce qui s'étoit passé depuis les conférences d'Issy. M.me de Maintenon avoit cru devoir lui en faire un mystère, dans l'espérance qu'elle avoit toujours conservée de voir les évêques qui avoient le plus de part à sa

(1) « M. de Reims fit un grand éclat; il avoit une grande pas»sion d'être chargé de poursuivre la censure de M. de Cam>> brai, avec lequel d'ailleurs il ne gardoit aucune mesure ». Mts. de Ledieu.

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