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la minute de la lettre qu'il se proposoit d'adresser au souverain pontife.

Bossuet fit valoir cette démarche comme un nouveau motif qui devoit obliger le cardinal de Noailles et l'évêque de Chartres à se déclarer hautement contre la doctrine de l'archevêque de Cambrai. Il avoit déjà établi à l'archevêché des conférences avec ces deux prélats, dans lesquelles il leur exposoit toutes les erreurs du livre des Maximes des saints (1). Mais ce ne fut pas sans une peine extrême qu'ils consentirent enfin à se déclarer.

Louis XIV lui-même, dont l'esprit étoit toujours si juste et le caractère si modéré, sembloit se refuser à l'éclat que l'on vouloit donner à cette controverse.

Après la publication du livre des Maximes » des saints», écrit l'abbé Ledieu, qui ne fait que répéter ce qu'il tenoit de Bossuet lui-même,

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quelque bruit qui s'élevât contre cette nouvelle

doctrine, le roi demeura incertain et irrésolu » sur le parti qu'il avoit à prendre, et ce fut

(1) « Ces conférences avoient lieu à l'archevêché trois ou qua» tre fois par semaine, depuis trois heures jusqu'à six, en pré»sence de M. de Paris, de M. de Chartres, de M. de Meaux, » de M. Beaufort, de M. Pirot; elles durèrent plus de deux >> mois ». Mts. de Ledieu.

>> M. de Meaux qui détermina Sa Majesté à de>> mander et à poursuivre la condamnation de ce » livre, après qu'il lui eut expliqué en particu>>lier tous les faux principes de cet ouvrage, et >> les conséquences qu'il y en avoit à craindre ; » qu'il lui répondoit du succès, et que la con>> damnation étoit immanquable. >>

Quatre mois entiers s'étoient écoulés dans cette succession d'incertitudes et de négociations, et ce ne fut guères que vers la fin de juin ( 1697 ), qu'il fut convenu et arrêté entre les trois prélats de rédiger et de publier une déclaration contre le livre des Maximes des saints.

C'est alors que le cardinal de Noailles transmit à Fénélon les remarques de Bossuet sur son livre. Mais les expressions lui en parurent si dures, et les injonctions si impérieuses de la part d'un confrère, qu'elles achevèrent de l'aigrir.

Bossuet avoit à la vérité proposé quelque temps auparavant des conférences, où Fénélon seroit admis. Fénélon a fait connoître lui-même les motifs de son refus (1). On ne les lui proposa que long-temps après que l'examen et la censure de son livre avoient déjà été arrêtés entre les trois prélats dans les conférences tenues sans sa participation. Il prétendit que ce n'étoit plus des ex(1) Voyez sa réponse à la relation du quiétisme.

plications qu'on lui demandoit, mais une simple adhésion de sa part à un jugement déjà déterminé par des collègues, qui s'arrogeoient_un pouvoir qu'aucune loi ne leur attribuoit. Il parut également redouter la véhémence de Bossuet dans une discussion de vive voix sur des questions subtiles, qui avoient besoin d'être éclaircies et fixées avec une attention scrupuleuse. Ce fut par cette considération, que Fénélon, en consentant enfin à ces conférences, exigea, comme une condition indispensable, la présence et le concours des théologiens du cardinal de Noailles; et qu'on y tînt un procès-verbal fidèle de tout ce qui lui seroit objecté par son adversaire, et de tout ce qu'il croiroit devoir alléguer pour sa défense.

Ces conditions ne furent point acceptées; et les conférences continuèrent à avoir lieu à l'archevêché pendant tout le mois de juillet (1697) entre le cardinal de Noailles, Bossuet et l'évêque de Chartres, pour arrêter et rédiger définitivement le projet de leur déclaration.

Fénélon avoit annoncé dans l'avertissement du livre des Maximes des saints que la doctrine qu'il y professoit, étoit conforme à celle des trentequatre articles d'Issy. Les prélats qui avoient concouru à ces articles, étoient donc en droit de réclamer contre une conformité qu'ils désavouoient

vouoient hautement, et ce désaveu servit de fon

dement à leur déclaration.

XIV. Déclaration

Fénélon eut ordre le 1.er août 1697 de quitter du cardinal la Cour, et de se retirer dans son diocèse. Dès de Noailles, le 6 du même mois, les trois prélats remirent au de l'évêque roi la déclaration signée de leur main (1).

de Bossuet et

de Chartres,

vre des Maxi

mes des

saints.

Le 27 juillet précédent, Louis XIV avoit écrit contre le liau pape une lettre très-forte et très - pressante « pour le prier de prononcer le plus tôt qu'il » se pourroit sur le livre de l'archevêque de » Cambrai, et sur la doctrine qu'il conte>> noit ».

* De l'abbé

De simples motifs de curiosité, très-étrangers Bossuet. à l'affaire du quiétisme, avoient conduit à Rome, près d'un an avant la publication du livre des Maximes des saints, l'abbé Bossuet, neveu de l'évêque de Meaux, et l'abbé Phelipeaux qui lui avoit servi de docteur dans ses études de théologie. Aussitôt que Fénélon eut soumis son livre au jugement du pape, Bossuet écrivit à son neveu de suspendre son retour en France, sa présence pouvant devenir nécessaire à Rome. Ce fut donc sur son neveu que Bossuet jeta les yeux pour

(1) « Elle fut rendue publique de l'agrément du roi, pour qui » M. de Meaux la mit en français, et que Sa Majesté lut elle» même ». Mts. de Ledieu.

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lui transmettre ses instructions et solliciter la condamnation de l'archevêque de Cambrai.

Jamais choix plus malheureux n'eut des suites plus déplorables. La correspondance de l'abbé Bossuet accuse à chaque page son caractère, ses sentimens et ses procédés; et il est impossible de ne pas attribuer à sa fatale influence l'excès de véhémence et d'amertume, qui est venu se mêler aux controverses de deux grands hommes, et qui laisse encore tant de tristesse dans l'ame de leurs plus sincères admirateurs (1).

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Quelques amis de Bossuet parurent étonnés de ce qu'il avoit transporté à Rome, ou du moins consenti qu'on y transportât le jugement d'une affaire née en France. On sembloit lui reprocher cette démarche comme une contraven

(1) La passion avoit tellement aveuglé ce neveu si peu digne d'un tel oncle, qu'il a cru se recommander à la postérité, en lui transmettant ces tristes monumens de sa haine et de son emportement. L'abbé Ledieu rapporte dans son journal sous la date du 1er janvier 1705, « que peu de temps après la mort de » son oncle, l'abbé Bossuet lui parla fort de ses lettres de Rome » à M. de Meaux, et de celles que M. de Meaux lui avoit écrites » de Paris, où étoit toute la suite et la vraie histoire de cette » affaire, et qu'il espéroit bien un jour à venir mettre toutes ces » lettres en ordre, pour en faire un recueil propre à étre im» prime. » Mts, de Ledieu.

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