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tion aux maximes qu'il avoit lui-même consacrées dans la célèbre assemblée de 1682.

M. Lepelletier, ancien ministre d'Etat (1), trèsattaché à Bossuet, étoit un de ceux qui disoient le plus hautement:

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*

Qu'il ne convenoit pas à un prélat de la » sagesse de M. de Meaux d'avoir porté cette >> affaire à Rome; que c'étoit contredire l'assem» blée de 1682; qu'il n'en verroit jamais la fin; qu'il y avoit de la témérité à s'embarquer au >> milieu de tant d'écueils dans une affaire de cette » nature. Pourquoi ne pas juger plutôt leur con» frère dans le concile de la province, ou dans >> l'assemblée du clergé de France? »

Bossuet répondoit « qu'il étoit bien triste de » se voir ainsi jugé par ses amis, sans être seu»lement entendu ; qu'on ne considéroit pas que » M. de Cambrai avoit le premier porté son livre » à Rome, et qu'il l'avoit soumis au jugement » du pape; qu'il y auroit eu bien plus d'impru

dence à exposer une matière si délicate à la » délibération, ou d'une assemblée, ou d'un >> concile susceptible de toutes les impressions. >> et de tant de divers intérêts, et qui par sa mul»titude seule seroit si difficile à manier; qu'il

(1) Il avoit succédé à Colbert en 1683 dans le ministère des finances, et il s'en étoit démis en 1689.

* Mts. de

Ledieu.

» en avoit l'expérience par les deux prélats si » bien intentionnés, qui lui étoient si étroite»ment unis, et qu'il n'avoit pu amener à la » vérité qu'avec tant de travail et de peine..... Qui pourroit après cela espérer de se rendre » maître de tant d'esprits remués par tant de

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»

passions; que le pire de tous les partis étoit » d'abandonner lâchement la cause de l'Eglise » dans l'incertitude du succès. Où seroit donc le » zèle et le courage des évêques, s'il leur manquoit en cette occasion? qu'au surplus il avoit >> une ferme espérance que l'erreur seroit con» damnée ».

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Aussitôt que le pape eut nommé des examinateurs pour émettre leur opinion sur le livre de l'archevêque de Cambrai, on vit commencer entre Bossuet et Fénélon ce combat d'écrits, qui se succédèrent pendant dix-huit mois avec la plus étonnante rapidité, mais qui, selon la * OEuvres sage réflexion du chancelier d'Aguesseau * afflilier d'Agues- gèrent l'Eglise par « la division de deux hommes tome >> dont l'union lui auroit été aussi glorieuse qu'u

du chance

seau

XIII.

» tile, s'ils avoient su tourner contre ses enne>> mis les armes qu'ils employoient l'un contre Des diffé- » l'autre ».

XV.

rends de Bos

suet.

Bossuet avoit été un peu géné dans la rédacSumma doc- tion de la déclaration par la déférence qu'il avoit

trina.

cru devoir à ses deux collégues. Devenu le maître d'exprimer avec plus de liberté ses sentimens, lorsqu'il parloit en son propre nom, il composa un écrit, sous le titre de Sommaire de la doctrine du livre de l'explication des maximes des saints. Il le publia en latin et en français; et il chargea son neveu de le présenter en son nom au pape et aux cardinaux.

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Son objet étoit de prouver « que les maximes » de ce livre, dans les endroits clairs et intelligibles, sont pour la plupart, fausses, dange>> reuses et mauvaises par leur fin; dans les >> endroits obscurs et embarrassés, elles sont sus>>pectes et induisantes à l'erreur; il le termine, >> en disant:

» Je supplie l'auteur de regarder cet écrit, tel »quel, avec un esprit d'équité, en considérant » ce que je dois dire, plutôt que ce qui lui seroit agréable. Je me réjouis de ce qu'il s'est soumis, » lui et son livre, au saint Siège apostolique; et

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j'espère que le souverain pontife tranchera les » nœuds, réprimera une sagesse, qui, en s'éle» vant, s'en va en fumée; et que pour achever » le triomphe de la vérité sur le quiétisme, déjà » abattu par l'autorité de ses prédécesseurs, il » effacera les couleurs et le fard sous lequel on » le déguise ».

Recueil de cinq écrits de Bossuet.

Ce premier ouvrage de Bossuet fut immédiatement suivi d'un recueil de divers écrits, ou mémoires concernant le livre de l'explication des maximes des saints.

Bossuet y exposoit les principales erreurs qu'il reprochoit à Fénélon, telles que celle de reconnoître comme le plus parfait amour de Dieu, celui où l'on détache lè motif du salut et le désir de sa

propre béatitude; de supposer qu'il est permis de se livrer au désespoir, et que c'est même une perfection d'être prêt à faire le sacrifice de son salut éternel.

Bossuet rendoit ensuite compte de ce qui s'étoit passé à l'archevêché au sujet des conférences. Il se justifioit de l'intention qu'on lui supposoit de vouloir détruire la véritable oraison, expliquoit le sens de différens passages de saint François de Sales, que Fénélon alléguoit en faveur de son systême; il établissoit enfin des principes pour l'intelligence des Pères, des scholastiques, et des auteurs mystiques.

A peine Bossuet eut-il fait paroître ce recueil d'écrits, qu'il publia un ouvrage encore plus

étendu sous le titre de Préface sur l'instruction Preface pastorale de M. l'archevêque de Cambrai du 15 sur l'instruc- septembre 1697.

tion pastora

le de M. de Il est impossible de méconnoître dans cet ou

Cambrai.

vrage, comme dans tous ceux de Bossuet, ce génie unique et inimitable, qui trouvoit toujours le moyen de répandre la chaleur et la vie sur les sujets qui paroissoient les plus étrangers aux grands mouvemens de l'éloquence.

Après avoir montré que Fénélon n'avoit pris que dans son esprit le systême de théologie qu'il proposoit, Bossuet finissoit par dire:

« Résistons donc de toutes nos forces à cette >> audacieuse théologie, qui, sans principes, » sans autorité, sans utilité, met en péril la sim» plicité de la foi. Ne nous laissons point éblouir >> par des paroles spécieuses. Ici les ménage» mens seroient dangereux. Plus on se cache, » plus il faut percer les ténèbres souvent affectées; plus l'erreur s'enveloppe et se replie, pour ainsi » parler, en elle-même, plus il la faut mettre au » jour. »>

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Et dédaignant les vaines imputations qu'on affectoit de répandre sur ses motifs et sur ses procédés, Bossuet dit avec une noble fierté.

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Quant à ceux qui ne peuvent se persuader » que le zèle de défendre la vérité soit pur et » sans vue humaine, ni qu'elle soit assez belle » pour l'exciter toute seule, ne nous fâchons » point contre eux. Ne croyons pas qu'ils nous

>>

jugent par une mauvaise volonté; et après

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