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Mystici in

tuto.

» tout, comme dit saint Augustin, cessons de » nous étonner qu'ils imputent à des hommes des défauts humains. »

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Bossuet n'ignoroit pas que son opinion, si fortement prononcée contre la charité désintéressée, pouvoit blesser le sentiment de quelques personnes estimables, qui aimoient à nourrir leur piété des plus sublimes idées de la perfection chrétienne, et qui, sans partager les opinions dangereuses des quiétistes modernes, auroient vu avec peine qu'on eût dévoué au mépris les auteurs mystiques approuvés dans l'Eglise.

Il savoit également que, parmi les corps réguliers, il en étoit qui n'auroient jamais consenti qu'on eût porté la plus légère atteinte à la doctrine de sainte Thérèse, et du bienheureux Jean de la Croix. Ce fut pour dissiper leurs inquiétudes qu'il composa son traité Mystici in tuto, où il professoit le plus grand respect pour les maximes de la bonne et saine spiritualité.

Un motif du même genre l'invita à rassurer les scholastiques, qui se refusoient à admettre la partie de sa doctrine, où on lui reprochoit de confondre le motif spécifique de l'espérance avec celui de la charité. Ce fut l'objet de son traité Schola in Schola in tuto, où il établit que tous les théologiens de l'école pensent absolument comme lui,

tuto.

sur l'espérance et la charité; qu'aucun d'eux n'exclut de l'amour pur le motif de la récompense, et qu'ils enseignent au contraire que les suppositions impossibles de Moïse et de saint Paul, que l'archevêque de Cambrai faisoit tant valoir en sa faveur, n'excluoient jamais le désir de la béatitude.

Quietismus Enfin, dans son Quietismus redivivus, Bossuet redivivus. se propose de démontrer que la doctrine de M.me Guyon et des quiétistes modernes avoit une entière analogie avec les erreurs de Molinos, si récemment proscrites par le saint Siège, et que le livre des Maximes des saints, et même l'instruction pastorale de l'archevêque de Cambrai, du 15 septembre 1697, n'en étoient qu'une apologie déguisée, et conduisoient aux mêmes conséquences.

Quæstinu

cula de acti

A ces trois traités, Bossuet en joignit un quatrième intitulé: Quæstiuncula de actibus à caritate bus à caritate imperatis. C'étoit un précis des erreurs de Fénélon imperatis. sur les actions faites par le motif de la charité.

Il composa ces différens écrits en latin, parce qu'ils étoient principalement destinés à l'instruction des cardinaux, des prélats et des examinateurs chargés par le pape d'émettre leur opinion sur le livre des Maximes des saints.

XVI.

Apologies

Mais à peine Bossuet faisoit-il paroître un de Fénélon.

écrit, que Fénélon s'efforçoit d'en détruire tout l'effet par les réponses les plus spécieuses. Il sembloit reprendre dans ses apologies la faveur que l'ouvrage qu'il défendoit lui avoit fait perdre. Autant le livre des Maximes des saints étoit sec et obscur dans un grand nombre de ses propositions, autant les explications que Fénélon présentoit, paroissoient claires, favorables et satisfaisantes. Il adoucissoit avec beaucoup d'art tout ce qui avoit d'abord effarouché les théologiens exacts et attentifs. Il atténuoit la hardiesse de ses principes par des modifications qui rentroient dans le cercle de ces opinions pieuses et de cette édifiante spiritualité, que l'Eglise a autorisées et admirées dans un grand nombre de saints. Le style simple, facile et élégant de Fénélon, contribuoit à répandre une grande clarté sur des questions qui en paroissoient peu susceptibles; et les lecteurs de toutes les classes se sentoient flattés en quelque sorte d'être initiés à un langage et à des mystères, qui avoient été jusqu'alors renfermés dans le sanctuaire de la plus sublime piété. On finissoit par se persuader que si Fénélon s'étoit mépris dans les expressions de son livre, c'étoit dans ses apologies qu'il falloit aller chercher les véritables pensées de son esprit et les sentimens si purs de son cœur.

Tel fut le sujet de quatre lettres qu'il adressa à Bossuet, et qui donnèrent pendant quelque temps une nouvelle direction à l'opinion publique.

Il paroît que Bossuet ne s'étoit pas attendu à rencontrer dans Fénélon un adversaire qui osât lutter contre lui sur une controverse de théologie, en présence de toute la France et de toute l'Europe; il a même laissé apercevoir son étonnement, lorsqu'il a écrit: « Que ses partisans

(de Fénélon) cessent de vanter son bel esprit >> et son éloquence. On lui accorde sans peine » qu'il a fait une vigoureuse et opiniâtre défense. Qui lui conteste l'esprit? il en a jusqu'à faire » peur, et son malheur est de s'être chargé d'une » cause où il en faut tant. »

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de M. de

Il est facile en effet d'observer dans sa réponse Réponse de M. de aux quatre lettres de Fénélon, qu'il se crut obligé Meaux aux de déployer avec une nouvelle vigueur tous les quatre lettres ressorts de l'éloquence et de la logique, pour Cambrai. vaincre la résistance inattendue qu'on lui opposoit.

Cette réponse est un chef-d'œuvre de raison, de force et de génie. Elle montre toute la hauteur de l'ame de Bossuet, et toute la fierté de son caractère. On voit qu'armé de toute la supériorité que lui donnoit tant de gloire, de triomphes

et de services rendus à l'Eglise et à la religion, il se croit en droit de se montrer sévère et inflexible, parce qu'il doit l'être, et de s'affranchir des vaines complaisances du monde. C'est de ce ton qu'il parle à Fénélon :

« Je le dis avec douleur, Dieu le sait; vous avez » voulu raffiner sur la piété; vous n'avez trouvé digne de vous que Dieu, beau en soi. La bonté » par laquelle il descend à nous, vous a paru un

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objet peu convenable aux parfaits. Sous le nom » d'amour pur, vous avez établi le désespoir » comme le plus parfait des sacrifices.

» C'est du moins de cette erreur qu'on vous >> accuse.... Et vous venez me dire : Prouvez-moi » que je suis un insensé; prouvez-moi que je suis » de mauvaise foi; sinon ma seule réputation » me met à couvert. Non, Monseigneur, la vé» rité ne le souffre pas; vous serez en votre cœur » ce que vous voudrez; mais nous ne pouvons » vous juger que par vos paroles. >>

Fénélon, en ne faisant qu'obéir au sentiment habituel de son caractère et de son langage, savoit mettre plus d'art que Bossuet dans ses procédés, et se donner tous les avantages qu'une sensibilité touchante et une vertueuse résignation assurent presque toujours à ceux que l'autorité paroît opprimer.

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