Page images
PDF
EPUB

?

provoqués par ceux qui voteront contre la seule différence d'opinion , pourra former l'esprit de parti, et établir une lutte sanglante entre les individus, les communes, les districts, les départemens. La république qui ne doit être qu'une, va infailliblement 'se diviser; la France, ce vaste et superbe pays, qui semble être l'enfant de prédilection de la nature, se déchirera, se perdra par elle-même; et si le systême désastreux du fédéralisme qu'on ne perd pas un instant de vue, ne prévaut pas, la France deviendra, par notre faute, la proie du premier brigand qui saura nous enchaîner.

Voilà, citoyens, voilà la responsabilité qui doit sérieusement nous effrayer; ce n'est pas nous seulement qu'elle expose, c'est la nation entière; et qui de nous useroit balancer un instant ses intérêts personnels avec ceux de la nation?

Ne vous le dissimulez pas, citoyens, les amis, les conseillers, les défenseurs officieux de Louis et de la royauté, les intrigans de tous les genres, seront en majorité dans les assemblées primaires comme ils le sont ailleurs. C'est, l'effet inévitable des circonstances malheureuses dans lesquelles nous nous trouvons: l'opinion préparée de long-temps de tant de manières, égarée par tant de moyens, achetée, corrompue à si grands frais, suivra par-tout les ennemis de la liberté. Elle leur servira d'égidé, et attachera à leur faction tous les hommes sans caractère qui ne voient bien que là où est le plus grand nombre. Les séances seront prolongées, on les éternisera par mille incidens, tout exprès pour en bannir le paisible cultivateur, le vertueux artisan et tous les citoyens bien intentionnés qui ont besoin de leur journée pour vivre, afin que les ci-devant nobles, les prêtres, les gros négocians, les gens de palais, les bourgeois, les riches propriétaires et tous les autres malveillans, ou imbéciles adorateurs de l'idole que vous avez abattue se trouvent seuls à la délibération qui absoudra le tyran.

Ces deux décrets sublimes d'abolition de la royauté et d'établis sement de la république qui vous avoient rendus si grands aux yeux de l'Univers, qui avoient ébranlés tous les trônes, épouvantés tous les despotes et consolés les peuples de tant de siècles d'oppressions, seront, je le garantirois, mis en question; les calomnies les plus atroces seront répétées contre les hommes les plus purs qu'on affectera de confondre sous une même désignation avec des individus malfamés pour avoir le droit de les perdre dans l'opinion publique, et de les outrager impunément.

Les propositions de force armée, d'ambulance de la convention nationale, d'anéantissement de la libre communication des pensées et tant d'autres qui ont déja été mises en avant, seront reproduites, discutées et délibérées.

Citoyens, à Dieu ne plaise que je veuille prétendre ou même insinuer que le despotisme ait ici des agens; mais ce que je sais bien, ce qui m'afflige, ce qui me désespère, ce qui me tue, c'est que la mesure du renvoi aux assemblées primaires ou de l'appel au peuple est, de toutes celles que la politique la plus profonde, la plus subtile, la plus rafinée des despotes put concevoir, la plus certaine

pour

la

reconnois

( 121,). (No. 16.) pour nous perdre. Ils savent bien les scélérats que nulle puissance au monde ne pourra nous vaincre si nous restons unis; c'est donc à nous armer les uns contre les autres qu'ils doivent s'attacher, c'est donc par nos propres mains qu'ils doivent chercher à nous déchirer et à opérer notre ruine; prenez-la, citoyens, cette mesure, et vous servez les ennemis de la France mieux que ne les serviroient toutes leurs armées, vous devenez la providence des tyrans, et vous perdez en un jour tous les droits que vous aviez acquis à sance des peuples, vous vous avilissez, vous vous anéantissez sans ressource; je ne vois plus ici de convention nationale, je n'y vois plus qu'un assemblage d'hommes pusillanimes sans force, sans caractère, sans énergie, que bientôt la confiance, et la considération publiques abandonneront, et qui cesseront dès-lors de former dans l'état ce centre, ce point de ralliement politique si nécessaire à l'existence du corps social, et au bonheur des individus. Et je le déclare, citoyens, avec le courage et la franchise d'un républicain qui jouit de tout le calme de sa conscience, si je n'avois pas juré de mourir plutôt que de quitter mon poste, le jour où ce décret de renvoi aux assemblées primaires ou d'appel au peuple seroit porté, je cesserois d'appartenir à cette assemblée qui, sous le rapport de sa foiblesse, ne seroit plus à mes yeux qu'un fléau pour ma patrie.

Conclusion.

J'invoque la question préalable sur toutes propositions de renvoi aux assemblées primaires, d'appel au peuple, et autres qui tendroient à dépouiller la convention nationale du droit de prononcer exclusivement, et en dernier ressort, sur le procès de Louis. Et je demande qu'on mette successivement aux voix les deux questions

suivantes :

1o. Louis Capet est-il coupable de haute trahison envers la patrie?

2o. Si Louis est coupable quelle peine a-t-il mérité ?

Suite de l'opinion de PIERRE-FLORENT LOUVET, député du département de la Somme, sur l'affaire du ci-devant roi; imprimée par ordre de la convention nationale.

Représentans du peuple, vous avez prononcé que la convention jugeroit Louis; et ce qui vous a sur-tout déterminés à le prononcer, c'est que, sous les rapports du droit naturel, de la politique et de la sûreté de l'état, il n'appartient qu'à vous seuls de prendre dans cetté circonstance, le parti le plus conforme à l'intérêt de la liberté et de la république.

Ainsi, ce n'est pas tant comme juges, que comme chargés de la sûreté de l'état, que nous devons nous décider ; or sous ce double rapport, voici les réflexions que m'inspirent sur le point de prononcer, et ma conscience, et mon devoir de représentant. Procès de Louis XVI. Tome III.

Q

Louis est coupable, j'en ai la conviction intime; j'ai cette conviction, non pas tant sur tels ou tels faits qu'on lui impute, que sur la masse entière de sa conduite qui ne me permet pas de douter un instant qu'il n'ait voulu perdre la liberté publique, et recouvier son ancienne puissance.

Si donc j'étois simplement juge, je n'aurois qu'à ouvrir la loi, et qu'à prononcer. Il me seroit interdit de rien voir au-delà.

Mais je suis en même-temps législateur, obligé de voir les conséquences ultérieures, et de combiner toutes mes démarches sur le salut public, cette grande base de la conduite des législateurs et des hommes d'état.

Dans cette double position, je commence par jeter les yeux sur l'époque où nous sommes, et je vois une république naissante contre laquelle il ne peut manquer de s'élever beaucoup de prétentions, et des prétentions d'autant plus à craindre, que la république n'a point encore acquis les forces avec lesquelles elle sera bientôt en état de résister à toutes les attaques des ambitieux.

Or, le plus sûr moyen de rendre ces prétentions impuissantes et de donner à la république le temps de se consolider, quel est-il ? C'est, selon moi, de laisser reposer ces prétentions sur un personnage incapable de les faire valoir, et par son ineptie, et par le mépris universel où il est tombé, et par les mesures de sûreté que nous pouvons prendre contre lui. Or, ce personnage que tout devroit nous faire désirer d'avoir, si nous ne l'avions pas, nous le possédons, il est au pouvoir des Français, il est au Temple; et quand je vois les prétendans qu'il laisseroit après lui, s'il n'étoit plus, et que d'un autre part je considère l'emportement avec lequel on demande la mort de cet ôtage de notre liberté, je ne puis rien concevoir, je l'avoue, à cet aveuglement; car il m'est impossible de soupçonner d'arrières pensées, de vues perfides, à ceux qui demandent si fortement cette mort.

Vous parlez de justice; et ne voyez-vous pas que la justice pour nous consiste uniquement à sauver l'Etat

Vous parlez de vengeance nationale; mais oubliez-vous qu'une nation, quand elle est réduite à la nécessité de punir, ne le fait pas pour se venger, mais pour effrayer par des exemples, et asSurer par-là sa tranquillité?

Vous parlez de vengeance; mais quel est celui de nous qui voudroit compromettre la liberté de la république, pour tirer une vengeance qui ne sauroit rien réparer ?

Et puis, n'avez-vous pas un plus grand et plus noble exemple à donner, une vengeance plus effrayante et plus durable à tirer, que par une mort qui à l'instant, feroit tout oublier et succéder peutêtre la pitié à cette indignation que l'intérêt de notre pays nous commande de nourrir sans cesse contre la royauté ?

Vous parlez de prétentions à la royauté qu'il faut détruire; eh bien faites périr Louis; et au moment même ces prétentions qui sont absolument sans danger et nulles sur sa tête, vous les placez en des mains plus actives, plus habiles, moins couvertes de défaveur et de mépris, qui sauront bien les mettre à profit.

[ocr errors]

La mort du tyran n'a jamais donné la liberté à son pays, tandis qu'il n'est, que je sache, jamais arrivé de voir un tyran exilé ou réclu, remonter sur son trône. J'ai pour garant de ce que j'avance l'histoire des temps modernes comme celle des temps anciens.

Tel despote banni ou réclu a été et pour sa nation, et pour les nations contemporaines, un objet de mépris' général, qui, s'il eût été mis à mort, auroit peut-être, comme beaucoup d'autres, excité la pitié et les regrets de son siècle et de la postérité.

Ces réflexions, puisées dans ma conscience et dans l'ardent amour que je porte à mon pays et à la liberté me font croire que le seul parti qu'il convienne non-seulement à la magnanimité de la république, mais encore à ses intérêts, c'est de prononcer la réclusion des prisonniers du Temple, tant que durera la guerre; leur bannissement à perpétuité après la paix; la peine de mort contre eux en cas d'infraction du bannissement; l'injonction de les mettre à mort, à tout Français qui les trouveroit sur notre territoire; et encore la peine de mort contre quiconque entretiendroit, en quel que temps que ce soit, des intelligences avec eux. Et je voterai avec d'autant plus d'empressement pour cette mesure, que par elle le recours au peuple, sur lequel nous paroissons divisés, deviendra inutile, tandis que, comme on l'a prouvé, ce recours seroit indispensable dans le systême d'une condamnation à mort, dont l'exé cution seroit irréparable.

J'ignore le parti qui prévaudra dans la convention; mais je viens d'exposer celui qui me paroît le plus utile aux intérêts de la nation, à ceux de la liberté, et le plus digne, j'ose le dire, du sen timent de sa grandeur et de sa force.

L'appel au peuple est un paradoxe; par le citoyen LAVICOMTERIE, député de Paris; imprimé par ordre de la convention nationale.

Citoyens, je vais répondre en peu de mots, aux partisans de l'appel au peuple, du jugement de Louis Capet. Je vais examiner rapidement si nous devons renvoyer aux assemblées primaires à prononcer définitivement sur le lâche tyran, que ses forfaits, que se's parjures, que ses assassinats ont précipité du trône de la

nation.

Aujourd'hui renfermé dans la tour du Temple, pour moi, je jure qu'il n'en doit plus sortir que pour marcher au supplice; ou la loi n'est qu'un vain simulacre, qui ne frappe que sur le mal

heureux.

Il est étrange, il est affreux, de voir les plus grands ennemis du peuple se couvrir, s'envelopper de son manteau. Car, si j'ai rencontré quelques hommes trompés adopter, de bonne-foi, cette mesure anarchique ; j'en ai vu beaucoup davantage de notoirement signalés, par leur incivisme, la proposer et la défendre.

Cette ruse, cruellement réfléchie, indignement combinée, est le dernier coup de désespoir des ennemis de la république.

Je les ai entendu dire que si le tyran fut tombé, le 10 août sous la hache populaire, ils auroient applaudi au bras qui l'auroit abattu; mais que ce qui eût été juste alors, dans cet instant fugitif, seroit aujourd'hui un froid assassinat; si du moins le peuple, entier ne l'approuvoit explicitement.

Je les ai entendu dire, que si les représentans de la nation avoient fait leur devoir, avoient eu de l'énergie, loin de le recevoir, de lui donner un a asyle dans le sanctuaire des lois, ils l'en auroient repoussé comme l'Hyerophante repoussoit les parricides des temples de la Grèce.

[ocr errors]

Peuple bon, peuple laborieux, pauvre et respectable, tu n'es pas dupe de leur perfidie. Sans doute, que si dans ta masse indiguée, sanglante et vertueuse, il se fût trouvé un Brutus, la patrie lui devroit une couronne civique ; mais ils tenteroient de la flétrir de leur souffle impur; à en juger par les calomnies dont ils t'accablent, ils appelleroient sur toi la vengeance des départemens, de l'Europe entière; ils diroient que le tyran appartenoit à toute la France, qu'il n'y avoit que la volonté générale qui eût le droit de l'exterminer.

D

Ces oppresseurs connus des droits sacrés du peuple, osent s'en dire aujourd'hui les défenseurs et les soutiens. Eh! le tyran, luimême s'en disoit, et s'en est dit, devant vous, le défenseur et l'appui; portons le jour dans les ténèbres dont ils s'environnent; déjouons, s'il se peut, leurs manoeuvres; éclairons du moins leurs forfaits.

[ocr errors]

A.

Citoyens, si jamais cette proposition est adoptée par la convention nationale ressouvenez-vous que le moment où vous la consacrez, où vous consacrez ce désaveu des principes éternels, vous décrétez l'anarchie, la guerre civile et les malbeurs épouvantables du peuple; ressouvenez-vous que la discorde est là, qui vous attend; ressouvenez-vous que la discorde est là, qui tient unis ensemble, ce projet de décret, ses torches et ses serpens.

Mais, sans m'arrêter plus long-temps à ces considérations qui vous ont déja été présentées, développées par plusieurs, orateurs, avec un sentiment douloureux, énergique et profond, je vais attaquer dans leurs fondemens, je vais combattre, anéantir les sophismes renverser les paradoxes sur lesquels sont appuyés tous les enneinis de la nation; il ne sera pas difficile de vous prouver la fausseté, la perfidie de leurs principes.

Il faut voir ces prétendus amis de l'ordre et de la paix, ces prétendus défenseurs du peuple, soutenir que vous ne pouvez, sans. attenter à ses droits, ne pas prononcer cet appel.

Quelle ignorance ou quelle perfidie!

Quoi! un tyran de la nation pourroit avoir le droit, qui ne seroit accordé qu'à lui, d'appeler à cette même nation, qu'il vouloit enchaîner ou égorger! Quoi, un lâche assassin du peuple auroit seul le privilége affreux d'appeler à la masse totale du peuple, quand c'est le peuple entier qui l'accuse! Il auroit seul le privilége, de se

[ocr errors]
« PreviousContinue »