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mais demander l'interprétation de votre mandat, quand vous avez interprèté et exécuté vous-même, ce seroit afficher une pusillanimité indigne de votre caractère et destructive de votre propre décret; ce seroit montrer une versalité deshonorante pour une convention nationale; ce seroit enfin rappeler l'hommage d'une nation sur un homme que vous avez décidé, en vous en chargeant, qu'elle a repoussé, qu'elle a proscrit, elle qui a dû au contraire s'étonner vous perdiez un temps précieux à le juger. (Et je crois que si la. nation eût élé consultée dans l'origine, son vœu auroit été que Louis fût renvoyé devers un tribunal ordinaire ).

que

On a dit que ce n'est pas un jugement que la convention nationale va prononcer, mais une loi de sûreté générale ; que cette loi exige la sanction du souverain, parce que le souverain doit sanctionner toutes les lois par sa volonté expresse ou présumée: je réponds:

1o. Que quelque dénomination qu'on donne à la décision que va prononcer la convention nationale, je ne puis y voir que le jugement d'un prévenu, un simple acte judiciaire, auquel la sanction du peuple n'est pas plus nécessaire qu'aux jugemens pareils que rendent les tribunaux criminels; ou plutôt, elle l'est moins dans notre hypothèse, puisque la convention nationale est investie d'une autorité bien supérieure à celle de ces tribunaux ; elle l'a montré en décrétant sa compétence et on s'efforceroit inutilement de vouloir me ramener à la royauté, j'opposerois toujours le décret du 3 décembre, il me fait la loi de juger Louis ; je reviendrois toujours à opposer que ce décret n'a déclaré Louis jugeable, que parce qu'il l'a préjugé coupable hors des cas prévus par la constitution; que par conséquent je ne dois plus voir de royauté; que je ne puis sur-tout me persuader que la nation en voie plus que moi; qu'en un mot je ne dois plus voir qu'un prévenu.

Je dis au reste, que la nation ne doit pas avoir plus que moi de royauté, d'après mon principe; et je le prouve en admettant même cette sorte de sanction présumée qu'on a fait valoir, puisque le silence de la nation sur le décret du 3 décembre, ainsi que sur ceuxlà même qui avoient aboli la royauté, établi la république indivisible, etc, etc... auroit déjà bien attesté cette sanction présumée.

2o. Je réponds que je suis loin d'admettre cette sanction indéfinie : je crois au contraire qu'on doit distinguer le caractère des lois, comme on distingue le caractère des assemblées nationales; on n'a pas prétendu encore que les lois d'une simple législature dussent être soumises à la sanction; pourquoi ? parce qu'elle n'exerce qu'une autorité, supérieure à la vérité, mais purement administrative et réglementaire ; et non une autorité constituante.

Quelle est l'autorité de la convention? elle est à la fois, et constituante et réglementaire. Elle fait des lois relatives à sa double mission: mais comme législature, elle ne soumet ni ne soumettra à la sanction ses lois réglementaires ou de mesure générale ; le peuple ne la réclame même pas, cette sanction, ni ne doit la réclamer.

J'observe qu'il ne doit pas la réclamer, parce qu'il sent qu'il in

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troduiroit un engorgement dans l'action du gouvernement, et bientôt l'anarchie. La France est trop populeuse, elle exige trop de lois administratives, et de circonstances dont l'inexécution d'un moment conduiroit à des malheurs incalculables; sa position n'a rien de comparable aux petites républiques anciennes et modernes, pour prétendre à tout sanctionner.

J'entends qu'on demande, où est donc la souveraineté nationale?... où elle est ?, dans cette mesure même qui la soutient et la garantit. S'il en étoit autrement, je ne vois pas pourquoi les actes quelconques des autorités secondaires devroient avoir plus de prérogatives? Ces autorités ne sont-elles pas aussi autant de parties représentatives du souverain? Or, si l'on se pourvoit contre quelqu'un de leurs actes, les assemblées nationales sont le dernier degré qui leur imprime le sceau de l'irrévocabilité.

Je n'en conclus pas toutefois que si des mandataires abusoient de leurs fonctions d'une manière attentatoire aux droits de la souveraineté, à l'ordre politique, le souverain ne peut leur en demander compte, reprendre même son mandat; il devroit le faire, il est la source de tout pouvoir: ils s'exercent tous par lui et pour lui. La retraite de l'assemblée constituante en fournit un exemple: elle avoit dégénéré dans sa vieillesse ; un cri général se fit entendre; elle reconnut la voix du souverain; elle fut forcée de terminer une carrière qu'elle auroit voulu encore prolonger.

Mais qu'il y a loin de l'évènement extraordinaire qui pourroit nécessiter ce réveil, à l'appel d'un jugement criminel! qu'il y a loin de croire que le souverain qui est en dernier ressort déchargé du jugement de quiconque nuit à la société, sur les tribunaux criminels, exigeât de reviser un jugement que 745 juges auront prononcé? le souverain ne s'en seroit-il pas même expliqué depuis le temps qu'il sait que la convention nationale s'occupe de cette question? On est au contraire étonné d'une extrémité de la république à l'autre, de la lenteur de ce procès.

3o. Je réponds que je ne vois dans le systême de l'appel que le germe des discordes qu'on a l'intention de prévenir. N'avez-vous pas entendu un des membres qui m'ont précédé à cette tribune, vous assurer que des banquiers, des agens (qu'il auroit dû déclarer), étoient chargés par les puissances étrangères, de répandre des sommes immenses pour agiter la nation, y fomenter la guerre civile ? Craiguez que l'appel au peuple réalise cet infâine projet ? C'est alors que cette responsabilité qui vous effraie tant, deviendroit inévitable et sinistre ; c'est alors que vous ressentiriez les irréparables résultats d'une démarche ( dont aucun tribunal ne fournit l'exemple) vis-à-vis une nation aujourd'hui calme, et qui s'est confiée en votre justice et à votre courage.

Non, citoyens, il n'est plus temps de consulter; ce n'est point ce futil appel que la nation attend de vous: elle attend une constitution, et l'approvisionnement des armées. Avec une prompte et bonne constitution, elle sera tranquille et heureuse au-dedans; elle veillera à sa sûreté intérieure; elle déjouera ses agitateurs avec l'approvisionnement des armées, elle sera victorieuse au-dehors;

elle

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(No. 18.) elle maintiendra l'empire de la liberté,: voilà ce qu'elle vous de

mande.

On a dit que vous allez vous ériger en fyrans......... On ne peut pas vous le dire, ou il faut aussi le dire des tribunaux criminels. Si la nation l'eût cru, c'est lorsque vous avez rendu le décret du 3 décembre; mais son silence est une approbation, puisqu'on admet des sanctions tacites ou présumées. Les assemblées électorales viennent d'être convoquées pour la nomination des nouveaux administrateurs; les assemblées primaires l'ont également été pour le renouvellement des juges de paix et des municipalités. Quelle est celle qui vous a manifesté quelque improbation, qui a témoigné que le décret du 3 décembre, envoyé aux départemens, excédoit votre mandat ? auSoyez. donc conséquens et courageux remplissez le vœu de la nation entière. Ce seroit elle qui seroit aujourd'hui mal fondée à se plaindre, connoissant le décret qui vous déclare, juges.

cune..

Je viens aux considérations diplomatiques. Quelques despotes de l'Europe semblent s'appitoyer sur le sort de Louis; mais aucun ne se prononce; aucun ne vous dit que si vous preniez tel ou tel parti, la république française seroit reconnue, la paix lui seroit assurée. Je sens, comme la plupart des membres de cette assemblée, tout ce qu'exigeroit la politique, si la France pouvoit, avec sécurité, reposer dans le sein de l'égalité et de la liberté.

Mais, citoyens, ne vous flez pas à cet espoir trompeur, quand bien même il vous seroit promis. Qui plus que les rois trangressa les traités ? Rappelez les parjures de Louis: ils vous endormiroient pour se fortifier. Ne croyez pas que ce soit le sort de Louis qui les affecte c'est le leur; la liberté les effarouche: l'égalité ne loge pas dans les palais des rois. Soyez sûr que, quel que soit le jugement que vous allez prononcer, le despotisme européen va faire son dernier effort.

L'un va vous demander l'ouverture de l'Escaut; l'autre va prétendre que vous avez usurpé son territoire : celui-là voudra venger son parent découronné; vous verrez jusqu'au modeste pontife de Rome, cette ville jadis si libre, et aujourd'hui si esclave, réclamer une autorité et des propriétés, au nom du Dieu qui ne lui avoit transmis d'autre empire, d'autre héritage que ceux de l'humilité et de la pauvreté. Mais toutes les réclamations auront pour but d'étouffer la liberté, et le triomphe de la tyrannie. La philosophie des rois, c'est la force; leur raison, c'est la tyrannie.

Citoyens, nous n'avons qu'un parti, celui de l'union et de la fermeté, celui de prouver à l'Europe que les hommes libres ne se parjurent pas. Avec quatre armées, Louis XIV avoit résisté à toute l'Europe nous en avons cinq, et elles se multiplieront. Du temps de Louis XIV, nous ne combattions que pour l'intérêt, `la domination d'un roi aujourd'hui nous combattons pour nous, pour la liberté. Hors les rois, tout étoit esclave du temps de Louis XIV; aujourd'hui la liberté a fait de vastes conquêtes, et tout ce que les despotes osent encore appeler leurs sujets, ne le sont pas ; il Ꭹ . des hommes libres par-tout, L'Espagne se lassera de son fanatisine 2 Procès de Louis XVI. Tome III.

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P'Angleterre de sa demi-liberté, tous les peuples enfin de leur a lissement, de leurs fers.

Ainsi, citoyens, ne comptons pas sur les évènemens d'une p tique qui ne nous offre que des combats, ou le sacrifice de notre berté; que cette considération ne foiblisse pas la convention nat hale; qu'elle ne l'empêche pas d'être grande et juste.

Pour moi, fort de mon caractère et de votre décret du 3 déce bre, je consulterai les lois et ma conscience pour prononcer sur sort de Louis, et non la politique des tyrans que je livre aux peup qui les supportent encore.

Quant à la sanction du jugement, je n'en suis point d'avis: je résume.

Eclairons la république, l'Europe et la postérité sur le procès nous occupe, et prononçons, sans appel, sur le sort de Louis. Voici le décret que je propose:

La convention nationale décrète que les comités de législation, sûreté générale et la commission des douze se réuniront pour no mer six ou quatre commissaires parmi eux, lesquels seront charg de dresser incessamment la réponse à la défense de Louis. Cette r ponse sera soumise à la convention nationale, et imprimée, et jugement de Louis sera prononcé sans appel.

Opinion politique et constitutionnelle du citoyen SECONDS, SU le jugement de Louis XVI, et contre l'appel au peuple qui devoit être prononcée à la tribune, et imprimée par ord de la convention nationale.

Citoyens-législateurs, la France, l'Europe, le monde entier a tendent justice, et l'attendent de vous; ils l'attendent avec crain et tremblement; et l'on diroit aux mouvemens de l'Europe, a agitations des puissances, à la disposition des esprits autour de nou à la terreur qui les frappe, à la sombre ardeur qui les agite et q nous menace au crepe funèbre dont on nous environne, et semble couvrir la nature entière, aux approches du jugement q vous allez rendre, on diroit que le jugement de Louis est le jug ment dernier, et que sa mort doit être la fin du monde; on cre roit que vous allez juger l'univers, et que vous pouvez, à vot gré, le sauver ou le perdre.

Quel est, citoyens, l'objet de tant de craintes, la cause de ta de terreurs? Elles ont, citoyens-législateurs, des causes et des obje bien différens, mais qui vous montrent également la justice et vol devoir. On craint, d'une part, que vous ne fassiez pas justice, qu roi coupable n'échappe encore au supplice, et que l'humanité, jours victime, toujours esclave ne soit éternellement le jouet la proie des tyrans.

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On craint, de l'autre, que la mort de Louis ne soit la chute

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tous les tyrans, et la fin de la tyrannie; la délivrance et la résurrection des peuples à la liberté,

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Telle est donc en effet la grandeur de vos fonctions dans ce moment, telle est l'influence et le pouvoir du ministère auguste et redoutable que vous exercez au no nom d'u 'une graude nation que les destinées du monde sont, en quelque sorte, dans vos

mains.

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Le monde attend donc de vous que vous punissiez, comme il le mérite et comme vous l'avez promis, un homme qui n'a plus rien de grand que ses crimes; et l'audacieuse et froide imposture avec laquelle il les défend et les soutient à la face de la nation et de l'Europe, à la face du ciel et de la terre qui l'accusent, contre le cri de sa conscience, contre ses propres écrits, contre la voix du peuple, contre celle du sang de ses victimes contre celle des murs de son palais, contre celle du ciel et de la terre, qui s'élèvent contre lui.

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L'univers attend de vous que vous punissiez enfin comme il le mérite un roi coupable envers la France, coupable envers l'Europe, coupable envers le monde entier, coupable à-la-fois de parjure et de haule-trahison, d'oppression et de tyrannie, du crime de lèse-nation, de lèse-liberté, de lèse-humanité, en un mot un tyran couvert de tous les crimes, couvert de tous les forfaits, et qui devroit succomber mille fois sous le poids de ses remords, sous les poignards et les déchiremens de sa conscience si les tyrans avoient , comme les autres hommes, une conscience et des remords. Enfin, j'ose le dire, le ciel attend de vous ce grand acte de justice pour sa propre justification.

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Je vais donc essayer de vous prouver que vous pouvez et devez remplir cette juste et grande attente, que vous pouvez et devez juger vous-mêmes, et condamner définitivement Louis; mais, après tout ce qu'on a dit à cette tribune pour combattre ses sophismes et ses mensonges, après tous les efforts qu'on y a fait pour renverser l'édifice fantastique de sa défense, après toutes les opinions plus ou moins divergentes qu'on y a énoncées sur le jugement de ce grand criminel, je m'attacherai à fixer les principes de ce jugement; ces principes qui sont les mêmes que ceux d'une bonne constitution ou d'un bon gouvernement, ces principes sur lesquels les bons esprits, les bons citoyens même, se partagent encore, parce qu'ils ne sont pas connus, et que les fauteurs des tyrans et les défenseurs de la tyrannie voudroient anéantir , pour sauver à-la-fois un roi coupable, et perdre et déshonorer en même-temps une grande nation.

Mais on ne réussira pas, j'en jure par la vérité, par la liberté, on ne réussira pas à la déshonorer ni à la perdre, taut que la voix de la vérité, de la justice et de la raison pourra se faire entendre. Elle dit en effet, cette voix sainte et sacrée, elle fait entendre à tous ceux qui ne lui opposent pas l'endurcissement du crime, ou Paveuglement du préjugé; elle dit à tout homme qui l'écoute attentivement; elle dit à la raison, à la conscience de tous ceux qui en ont une; elle dit, avec une force invincible:

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