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gagner des suffrages, leur mort est assurée; la multitude en fureur se portera ensuite dans les départemens voisins; elle s'y auginentera des patriotes qui s'y trouveront; et cette masse d'hommes déplacés sera précédée par la mort, et suivie par la famine; tous les ressorts de la machine politique seront brisés. S'il y a des départemens qui fassent de la résistance, je vois la France divisée, et son premier pas vers la république fédérative, et le vou des fédéralistes réalisé; mais quelle sera la durée de cet état de déchirement! personne ne peut la fixer.

Que fera alors la convention? pourra-t-elle faire entendre sa voix ? Les créanciers de l'état à qui s'adresseront-ils pour être payés? Que feront-ils des assignats dont ils se trouveront porteurs? Que deviendont nos armées? Examinez, je vous en conjure, l'ensemble de ce tableau, saisissez-en toutes les nuances, et empêchez un déluge de calamités de foudre sur notre patrie, ses destinées sont dans vos maius.

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Et vous, mes collègues, que des discours pleins d'artifice peuvent avoir ébranlés; rassanez-vous, les nations ne se battent pas pour les morts, et bieu moins encore pour les despotes. Marie Stuart Charles premier, et tant d'autres dont les noms sont effacés de ma mémoire, ont-ils été vengés? Louis Capet n'est point un prétendant, il n'est pas même fugitif, pour que les despotes sacrifient leurs trésors et leurs armées pour le replacer sur le trône. Que sa tête tombe, et avec elle tomberont aussi tous les projets de nos ennemis; il vaut mieux que la tête de l'ennemi commun soit abattue, que de voir la France couverte des cadavres de nos frères.

L'on a fait valoir le silence de la nation comme une preuve contre votre décret; ce prétexte est aussi grossier que perfide; le silence de la nation est lui-même la sanction de votre décret. Deux mois sont déjà écoulés, et si la nation eût eu à réclamer, elle l'eût fait il y a long-temps. Dira-t-on qu'elle ne le peut pas, parce qu'il n'y a pas de mode qui établisse la forme des réclamations; une telle objection prouveroit la mauvaise foi de celui qui la feroit, car si la plus petite commune avoit réclamé coutre votre décret, vous eussiez été obligés de consulter le souverain. Eh bien! ce silence, dont on s'est servi comme d'un épouvantail, n'existe pas pour moi; j'ai encore présenté à mon esprit cette multitude d'adresses, envoyées de tous les points de la république, dans lesquels on vous demande, avec le langage le plus énergique, d'accélérer votre jugement et la punition du coupable Louis. Vous avez même décrété que plusieurs d'entr'elles seroient imprimées et envoyées à tous les départemeus; vous l'avez fait en dernier lieu pour celle de l'assemblée électorale des Bouches-du-Rhône elle s'exprimoit en ces termes : << Donnez à l'univers l'exemple de la punition du týran. La France » entière met à l'ordre du jour cette condamnation solemnelle et trop long-temps attendue. Alors tous les partis disparoîtront, et les factieux mordront la poussière. Les Français vous béniront; » votre gloire étonnera l'Europe qui brisera ses fers et jugera ses » despotes ».

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La preuve est donc bien évidente que la nation n'a pas réclamé contre votre décret, puisqu'elle lui a applaudi. Cependant je crains que si vous temporisez, vous ne receviez des adresses qui demanderont l'appel au peuple ces adresses seront l'ouvrage de ceux qui aiment la discorde, leur nombre servira même à faire connoitre celui des départemens qui veulent que vous prononciez la mort de Capet sans appel. O mes collègues au nom de la patrie, hafez-vous de juger, ou décrétez que nous serons remplacés.

Mettez d'un côté, dans la balance de la justice, Louis Capet, et de l'autre, tout ce qu'ont souffert les Bretons, les Grenoblois, les Marseillois, les Parisiens les Parisiens, les Nimois, les Avignonois, les citoyens de Nancy, de Lille et de Thionville; dites-moi ensuite s'il peut y avoir une seule de ces villes, et de celles que j'ai omises qui veuille l'appel au peuple. Ah! si vous aviez été les témoins des cruautés inouies qu'elles ont souffertes, le sentiment de votre justice pourroit-il être balancé un seul instant, l'ennemi même fûtil aux portes de Paris?

Faites sanctionner vous a-t-on dit, le jugement que vous porterez contre Capet. Cette étrange proposition a-t-elle pu vous être faite de bonne foi? et si vous l'adoptiez, ne seriez-vous pas en contradiction avec vous-mêmes ? car vous avez rendu des décrets d'une importance bien au-dessus de celle d'un décret qui doit infliger une peine à un criminel. Les décrets qui abolissent la royauté, qui établissent la république indivisible, celui pour la réunion de la Savoie, et celui qui fixe le mode du pouvoir révolutionnaire dans les pays étrangers, out-ils été sanctionnés ? y en a-t-il eu un seul parmi nous qui ait émis ce vou? Non. Et pourquoi? Parce que toutes les fois que l'on agit sans passion, et pour le bien général, l'on a la conviction intime de l'assentiment du souverain, et on est assuré qu'il ne peut blâmer ce qui tend à son plus grand bien.

La nation n'a point réclamé contre les décrets dont je viens de parler, et elle ne le peut pas sans se nuire à elle-même; si vous doutez de cette vérité, et qu'elle ait accueilli vos décrets avec l'enthousiasme de la reconnoissance, essayez de les rapporter vous verrez alors éclater de toutes parts sa terrible indignation.

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Citoyens, je l'ai déjà dit, craiguez une insurrection qui vous laisse la honte de votre foiblesse, et vous rende responsables de ses suites. Si vous en usez autrement, j'ai pour moi le témoignage de ma conscience, et je resterai pur aux yeux de mes commettans.

Je conclus à ce que la convention, après qu'elle aura fermé la discussion, décrète ce qui suit:

Art. I. Que les noms de tous les départemens seront tirés au

sort.

II. Que les députés, suivant l'ordre du sort, émetiront leur vou, à la tribune, par appel nominal.

III. Que chaque député, après avoir émis son vou, apposera sa signature dans un registre ouvert à cet effet, et dans la colonne indicative de son vœu.

IV. Que ceux qui voteront pour que Louis meare, le feront par dub, et les autres par non.

V. Que le jugement qui interviendra sera mis à exécution dans les vingt-quatre heures qui le suivront.

VI. Que le nom et le vœu des votans seront inscrits au procèsverbal, lequel sera distribué à tous les membres, et envoyé à tous les départemens.

Opinion de JEAN-BAPTISTE LOUVET, député de France à la convention par le Loiret, contre la défense de Louis Capet, et pour l'appel au peuple; imprimée par ordre de la con

vention.

Citoyens, quelque foible que soit la défense dont le conseil de Louis s'est efforcé de le protéger, il a fallu beaucoup de talent pour qu'elle ne fût pas plus foible encore. La question de l'inviolabilité, cette fin de non-recevoir, dont il ne convenoit qu'au conseil de Louis d'essayer de le couvrir, a été traitée d'une manière assez spécieuse, pour qu'une nouvelle réfutation soit devenue nécessaire. Desèze, après s'être efforcé de pallier tout ce que la conduite de Louis eut de reprochable jusqu'à l'époque du 13 septembre 1791, a soutenu qu'au reste, l'acceptation de ce jour avoit détruit tous les faits anciens; et il en a pris occasion de diviser les faits nouveaux en deux classes, ceux d'administration, dont il a prétendu que les seuls ministres étoient responsables, et ceux qu'il n'a pu s'empêcher de reconnoître personnels à l'accusé; de sorte que par le seul fait de l'acceptation, Louis auroit conquis l'impunité, non-seulement pour la plus grande partie des crimes à commettre, mais encore pour tous les crimes déjà commis: doctrine assurément très-commode à toute espèce de tyrannie; mais dont il faut, sinon pour la vengeance des peuples, du moins pour leur instruction, prouver toute la fausseté.

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Le conseil de l'accusé dit que les faits antérieurs à l'acceptation de la constitution, ayant été couverts par cette acceptation peuvent plus lui être imputés; ce qui signifie, même dans son opinion, que ces faits antérieurs pourroient être reproduits à la charge de l'accusé, s'il n'avoit pas accepté la constitution. Il n'y a donc plus qu'à examiner si en effet il l'a acceptée, et pour le savoir, il s'agit de s'entendre sur cette question en quoi consiste l'acceptation? est-ce dans le mouvement des lèvres d'un hommę qui dit oui? est-ce dans la conduite qu'il tient, le jour même, la veille, et le lendemain et pendant tout le temps qui s'écoule après qu'il a dit oui? La preuve de l'acceptation, vraie ou simudée, la trouverez-vous dans l'action de signer, ou dans celle d'exécuter? De deux ci-devant rois, dont l'un sans dire et sans signer: j'accepte aujourd'hui la constitution, l'eût fait dès-lors et constamment exécuter; et dont l'autre, disant et signant: je l'accepte, se fût constamment occupé de son inexécution ou de sa ruine; lequel, je vous prie, l'auroit véritablement acceptée ? La réponse est simple:

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celui qui, sans promettre, auroit tenu parole, eût été le roi de la constitution, jusqu'à ce qu'il plût au souverain de n'avoir plus de roi; mais celui qui n'eût signé, qui n'eût promis que pour trahir n'auroit jamais été qu'un intrus dans cette constitution, à laquelle il n'eût appartenu qu'en apparence. Les parjures qui établissoient son usurpation, loin de la légitimer, ne l'eussent rendue que plus criminelle. Au moment même où, avant que ses perfidies fussent connues, on l'appeioit roi constitutionnel, il n'étoit qu'un usurpateur; et comment, au jour de justice, où tous ses forfaits sont à découvert, oseroit-il réclamer cette acceptation perfide, qui l'accuseroit davantage? Comment oseroit-il chercher sa prétendue inviolabilité dans l'acte dont il n'auroit jamais été que le dépositaire infidèle? D'où il faut conclure d'abord, que les crimes antérieurs n'ont pas été couverts par l'acceptation, puisqu'il n'y a point eu d'acceptation; ensuite, non comme le diroient nos anciens avocats, que les faits nouveaux ressuscitent tous les faits anciens, mais que les faits anciens ne cessèrent jamais d'exister à la charge du prévenu; qu'enfin l'on doit, puisque depuis 1790 il n'a pas, un moment, changé de conduite; puisqu'il conspiroit la veille, le jour, le lendemain de la prétendue acceptation, puisqu'il fut, sans relâche, un des plus cruels ennemis du peuple ; on doit le juger sur les faits antérieurs au 31 septembre 1791, sur tous les faits postérieurs sans distinctions, sur la masse entière de ses œuvres contrerévolutionnaires.

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Quelques-uns vont crier au sophisine; la trahison, diront-ils est prévue par la constitution: la constitution supposant l'une des perfidies la plus exécrable, dit que si le roi se met à la tête d'une armée contre-révolutionnaire, il sera seulement déchu. Eh bien ! je réponds que cet article appuie mon opinion; cet article a été fait pour un rol, pour le roi de la constitution. Celui qui d'abord l'eût acceptée de bonne foi; celui qui, l'ayant réellement exécutée pendant quelque temps, mais cédant aux conseils détestables dont les trônes sont environnés, et sur-tout à cet instinct des rois qui, tôt ou tard, les pousse invinciblement à la tyrannie, eût ensuite tenté de la détruire; celui-là pourroit, pour n'être puni que de la déchéance, argumenter de sa qualité de roi constitutionnel, et de l'inviolabilité qui lui étoit garantie. Mais Louis n'est pas dans ce cas; il falloit qu'il acceptât la constitution, pour en acquérir les étranges bénéfices; il ne l'a pas acceptée, il n'a pas été roi. L'inviolabilité ne peut exister pour lui; ce ne fut qu'un usurpateur que vous avez à punir du double crime d'avoir conspiré contre la nation française, et de s'être dit son roi.

Ici les défenseurs de Louis pourront m'arrêter encore. S'il n'étoit pas roi, diront-ils, il étoit citoyen, à ce titre il est couvert de Pamnistic de 1791. J'observe d'abord que cette amnistie ne pourroit rien pour les faits postérieurs; ensuite, que la question de savoir si quelque ci-devant roi peut être considéré comme citoyen, mérite un profond examen; mais sur-tout que l'acte constitutionnel non-accepté est nul, que par conséquent toutes ses clauses sont, frappées de la même nullité, du moins quant aux principaux signa

taires; qu'ainsi l'amnistie surprise, ainsi que la prétendue constitution, à la bonne-foi de la nation française, par les parjures de Louis Capet et des siens, ne peut avoir, par rapport à lui, aucune espèce d'effet.

Mais, pourroit-on dire encore, vous posez toujours en fait ce qui est en discussion. La preuve qu'il ait continuellement conspiré, où est-elle ? Elle est dans la foule des pièces, que de simples dénégations ne sauroient détruire; elle est, sur-tout, dans les actes publics de l'homme sur le sort duquel vous avez actuellement à

prononcer.

Le temps m'a manqué pour le rapprochement des divers attentats dont il est prévenu; mais j'observe que même hors de cet acte énonciatif, rédigé avec trop de précipitation pour qu'il n'y ait pas quelques omissions essentielles, il existe encore une masse considérable de faits, pour la preuve desquels vous n'avez pas besoin d'écrits positifs. Là où les actions déposent, qu'importe que les écrits manquent ? Que sur la grande route on trouve un homme prêt à mourir des coups qu'il vient de recevoir, et non-loin de là, un malheureux les mains teintes de sang, et encore armé du gleive homicide, un malheureux qui avoit un tel intérêt à assassiner le voyageur, qu'on auroit cru d'avance devoir lui faire promettre qu'il ne l'assassineroit pas, auroit-on besoin, je vous le demande, de présenter une preuve écrite qui déposât quel est le barbare qui vient d'assassiner? Et lorsque l'homme frappé vous auroit montré l'une main ses profondes blessures, et de l'autre celui qui ne vouloit couper les membres qu'afin de charger de chaînes le tronc déchiré que penseriez-vous du barbare qui, pour sa défense, vous présenteroit froidement une espèce d'acte par lequel il auroit été stipulé qu'il pourroit impunément commettre des assassinats; acte que le traitre cût seulement revêtu de sa signature, et dont il n'eût jamais rempli que les étranges conditions qui lui permettoient le pillage et la mort?... Citoyens, à ce tableau trop ressemblant, vous reconnoissez de toutes les nations la plus malheureusement confiante, et de tous les hommes, celui qui, peut-être, étoit le plus digne d'être roi.

Il ne l'a pas été. Je soutiens qu'à l'époque du 17 juillet 1789, la nation ayant resaisi ses droits imprescriptibles, Louis ne put rester l'un de ses chefs, qu'à telle ou telle condition; que s'il ne garda sa place qu'avec l'intention de ne remplir aucuns des devoirs qu'elle lui imposoit, et dans le dessein plus criminel de rendre des fers au peuple Français, il ne fut qu'un usurpateur. Je repète que Louis Capet n'a pas été roi de la constitution, et par conséquent il ne peut être inviolable.

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Je sais qu'on en peut induire, qu'alors il falloit regarder Louis, non peut-être comme citoyen, mais au moins comme un étranger coupable, et qu'à ce titre il devoit être renvoyé devant les tribunaux ordinaires; vous l'avez autrement décidé. Il paroît en effet que cet accusé, si vous ne le considérez qu'en lui-même, doit rentrer dans la classe commune, mais qu'à le copsidérer par rapport à la nation française, il cesse d'être un homme ordinaire. Nous-mêmes, nows

avons,

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