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dise: Ce fut en janvier 1793 que pour la première fois un grand peuple prononça sur un roi.

Je demande qu'avant tout on aille aux voix, par appel nominal, sur cette question:

Le jugement que la convention nationale va rendre sur Louis Capet, sera-t-il renvoyé à la sanction du souverain?

Les deux autres questions, successivement décidées aussi par appel nominal, seroient celles-ci :

Louis Capet est-il coupable du crime de lèse-nation ?
Quelle peine a-t-il méritée ?

Enfin, si la peine de mort avoit été prononcée, et l'appel au peuple décrété, je proposerois le projet suivant:

Art. I. Le 20 janvier prochain ( ou le 27, qui est aussi un dimanche (tous les citoyens de la république seront convoqués, chacun dans sa commune respective.

II. Ils sont invités à voter, dans le jour même, sans discussion préalable, et par la voix du scrutin, sur l'une ou l'autre de ces deux questions seulement: Je confirme le jugement de la convention sur Louis Capet, ou bien : Je demande que la peine pro noncée, soit commuée en une prison perpétuelle.

III. Dans trois jours le comité d'instruction publique présentera à la convention nationale un projet d'adresse au peuple français.

Opinion du citoyen BOISSET, Jéputé de la Drôme, sur Louis XVI; imprimée par ordre de la convention nationale.

Louis est-il jugeable?.... Je ne puis dissimuler combien mon ame a été froissée en entendant des philosophes, des républicains, des hommes, en un mot, agiter une pareille question. Est-on done aujourd'hui sourd au cri de l'humanité, insensible aux larmes de la nature ?.... Louis est-il jugeable!.... Eh quoi cet individu, parce qu'il étoit roi, auroit eu l'atroce privilégé de faire égorger impunément ses semblables, et, pour conserver un pouvoir despotique, d'étendre un voile funèbre sur la France! J'abandonne cette étrange idée au temps qui donnera les moyens de l'apprécier et à l'opinion qui en fera justice.

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Lorsque le corps législatif a invité le peuple souverain de'nommer des mandataires pour former une convention nationale, à l'effet de statuer sur le sort de Capet, ce peuple y ayant souscrit, il étoit sage que l'on décidât que ces mêmes mandataires en seroient les juges.

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Louis est-il coupable, ou ne l'est-il pas ? Telle fut la troisième question; et lorsque je ne me suis pas inscrit sur la liste pour émettre, à mon tour mon opinion, c'est que je pensois que les hommes de génie, qui sont nombreux dans cette assemblée, n'auroient en que ces deux dernières idées, qu'ils n'auroient présenté qu'elles, en les liant ensuite à l'esprit public, à la situation po

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litique de la république, sur le genre de peine à infliger à Louis déclaré coupable.

De ce soin dont nous nous chargeons, il peut naître quelque danger; mais lorsque nous avons quitté nos foyers pour venir à Paris remplir cette tâche pénible et celle plus délicate de créer une constitution que les tyrans qui nous avoisinent redoutent plus que la mort de Louis, ignorions-nous que leurs satellites n'étoient

plus à quarante lieues de cette cité, et que triomphans, (ce qui étoit présumable,) nous avions à craindre d'être les premières victimes de leur fureur?.... Ah! si l'intrigue nous poursuit, și la calomnie et l'injustice nous frappent, quand nous aurons rempli notre devoir, cesserons nous pour cela d'exister ?.... Non!.... nous ne ferons que nous endormir dans le sein de la vertu..

Il m'est inutile de chercher dans cette affaire à opposer les préceptes de la raison à ce que nous appelons les principes de da politique, assez de plumes savantes s'en sont occupées : c'est dans les lois immuables de la nature que je veux trouver. le compte que j'ai à rendre au souverain qui m'a nommé le juge de Capet c'est d'après celles de la justice que je prononcerai sur son sort.

Il me suffit du souvenir des massacres du jardin des Tuileries, de Nancy, du Champ-de-Mars, de Nimes, de Montauban, de Jalès; il me suffit des motifs de l'incursion des puissances étrangères sur notre territoire, et des atrocités qu'elles y ont commises ; il me suffit enfin d'avoir vu le pavé de la place du Carrousel, du péristile du palais du tyrau, teins encore du sang de mes frères à la journée du 10 août, leurs mânes me poursuivent et me demandent vengeance.

Républicains français, mes commettans m'ont chargé du soin de statuer sur le sort de celui que vous avez accusé; c'est d'après les motifs que je vous ai exposés ci-dessus, que je prononce...... Le sang des citoyens a coulé;.... je l'ai vu..... Louis XVI est l'auteur de cet exécrable forfait, la preuve m'en est acquise, il à mérité la mort; j'y conclus.

Opinion de JACQ. DANDENAC, le jeune, député du département de Mayenne et Loire, dans l'affaire de Louis XVI.

La convention nationale a décrété que Louis XVI seroit jugé par elle. Il est du devoir d'un juge de motiver son opinion: je vais donc exposer sommairement les principes et les réflexions d'après lesquelles je suis parvenu à un résultat différent des opinions prononcées jusqu'à ce jour.

Un jugement ne peut être que l'application d'une loi préexis

tante.

Le juge ne doit ni ne peut être plus sévère que la loi.

Là où il n'y a point de loi, il ne peut pas y avoir de juge,

ment.

Plusieurs opinans ont condamné l'accusé à la mort; je cherche la loi dont ils ont dù faire l'application, et je ne la trouve pas ; d'autres, fatigués, ainsi que moi, de cette recherche infructueuse, ont imaginé de dire que l'accusé étoit hors de la loi et tout en le disant, ils tenoient en main notre vieille constitution. Mais d'abord quelle inconséquence de vouloir appliquer la loi à celui qu'on a déclaré hors de la loi ! Quoi ! celui-là seroit hors de la loi, pour lequel il existe une loi expresse une loi qui n'est applicable qu'à lui? Mais, a-t-on dit, cette loi est contraire à tous les principes du droit naturel; soit : mais cette loi positive qui a dérogé au droit naturel, p'en étoit pas moins l'expression de la volonté générale y en se reportant au temps où elle fut acceptée par nous, le dirai-je ? avec enthousiasme. Cette loisest le code civil et criminel de la royauté; c'est la seule loi antérieure au délit: c'est donc la seule applicable a l'accusé à moins qu'on ne veuille effacer de nos coeurs les principes d'éternelle justice dont ces tables sont em

preintes.

Mais on a insisté, et on a dit : T'accusé a outre-passé la mesure des crimes prévus par la loi Je n'entre point dans cette question; mais, en adoptant l'affirmative, que s'ensuivroit-il? que, d'après tous les principes, nons ne pouvons, comme juges, appliquer à celui qui fut roi, de plus forte peine que celle prononcée par le code de la royauté.

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Ceux qui, parmi nous, ont senti l'impossibilité de résoudre la difficulté d'une manière satisfaisante ont cherché à l'éluder les uns ont prétendu que la constitution n'avoit point été acceptée par l'accusé, puisqu'il avoit agi et protesté contre; d'autres, que la date de son abdication légale devoit remonter à la première époque où il a tramé pour détruire la constitution, etc. Sans s'arrêter à discuter toutes ces subtilités, qu'en pourroit-on conclure? que Taccusé seroit rentré dans la classe des simples citoyens s'il est rentré dans la classe des citoyens, pourquoi la convention s'arrogeroit-elle le les droirde le juger, tandis qu'il y a des tribunaux p citoyens, et qu'il n'est point dans sa mission et dans les principes, qu'elle se, charge d'appliquer à un individu quelconque, les peines prononcées par notre code pénal? Mais, même en le supposant, pourroit-on se faire illusion au point d'oublier que le code pénał n'est qu'une partie intégrante de notre code criminel; qu'il en est, pour ainsi dire, la conséquence; que cette conséquence ne peut être légitimement déduite que de l'acte d'accusation et de la déclaration du juré, faite dans les formes prescrites par la loi, et sans l'observation desquelles le juge ne peut tirer qu'une conséquence injuste: vous n'avez point observé ces formes; quelle responsabilité seroit donc la vôtre, puisque, dans ce cas, vous ne pourriez appliquer la loi prononcée par le code pénal, qu'en violant les formes et les principes?

Vous ne pouvez donc, vous, convention nationale, comme juge, prononcer contre l'accusé de plus forte peine que celle portée dans le code de la royauté, que par un acte de despotisme: vous avez

proscrit toute espèce de despotisme; et vous n'en donnerez pas un nouvel exemple à l'univers.

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Pour mettre votre responsabilité à l'abri, et rassurer les consciences timides, on a proposé de faire prononcer la peine par les assemblées primaires, ou tout au moins de soumettre à leur ratification le jugement que vous allez porter. Mais si votre jugement n'est que l'application d'une loi positive antérieure au délit, cette loi aura été sanctionnée expressément ou tacitement par peuple, et alors il n'y a pas lieu à recourir à lui si au contraire votre jugement n'est appuyé sur aucune loi antérieure, comment le peuple prononcera-t-il, d'après une loi qui n'existe pas, et pourrez-vous lui proposer de se déterminer pour telle ou telle peine quand vous aurez reconnu vous-mêmes que la loi ne les a pas prononcées? Le peuple a incontestablement le droit de révoquer son mandataire ; mais il ne peut sans injustice lui imposer des conditions plus dures que celles auxquelles il l'a soumis par son mandat.

Je finis par une réflexion bien simple: la convention nationale réunit un grand nombre d'hommes vertueux et d'un patriotisme ardent et éclairé d'où vient donc que cette question est parmi nous si fortement controversée ? C'est qu'il existe une loi positive, trop indulgente pour l'accusé, et qu'en voulant l'outre-passer et prononcer avec plus de sévérité, on ne rencontre plus que le vague de l'arbitraire.

Je conclus à ce que la convention nationale, après avoir déclaré Paccusé coupable, dépose sa qualité de juge; et ne s'occupant plus que des grandes mesures qu'exigent d'elle le salut et la tranquillité publique, convaincue de la nécessité d'arracher du milieu de nous ce germe de discordes et de dissensions éternelles, décrète, comme mesure de sûreté générale, que Louis et les autres prisonniers du Temple seront tous déportés, et rélégués loin de nous au-delà des mers;

Que le conseil exécutif sera chargé de faire mettre à exécution le présent décret le plus promptement possible, et en outre tenu de prendre sous sa responsabilité toutes les précautions convenables pour que le lieu de leur rélégation demeure ignoré au moins pendant tout le temps de la guerre.

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Que doit faire la convention nationale sur le procès de Louis Capet ? par D. V. RAMEL; imprimé par ordre de la convention nationale.

Décréter, 1°. que Louis Capet est coupable de conspiration contre l'état, et convaincu d'avoir constamment travaillé à renverser l'ordre établi, pour y substituer le pouvoir absolu.

2o. Qu'il mérite la peine de mort.

3°. Que le présent décret, avant d'être exécuté, sera présenté à la sanction du peuple français, réuni en assemblées primaires communales.

4°. Que les décrets portant abolition de la royauté, peine de mort contre quiconque en proposera le rétablissement, et déclaration que la France est république, une et indivisible, seront présentés en même-temps, et en la même forme, à la sanction du peuple français.

5°. Que l'instruction suivante sera annexée au présent décret, et les citoyens invités à prendre en considération qu'en l'adoptant', le résultat de leur vou sera connu d'une manière plus sûre et plus prompte.

INSTRUCTION.

Les décrets ci-dessus mentionnés seront envoyés, par des couriers extraordinaires, aux quatre-vingt-quatre départemens; les corps administratifs les transmettront à toutes les municipalités de manière qu'elles les aient reçus le 31 janvier.

Le premier février, ils seront publiés et affichés.

Le 2, tous les citoyens qui ont droit de voter dans les assemblées primaires, se réuniront en assemblée communale dans chaque municipalité, en la forme prescrite pour l'élection du maire et des officiers municipaux.

Le maire, ou un officier municipal, ou quelqu'un commis par eux, lira les décrets ci-dessus mentionnés.

On procédera ensuite au recensement des citoyens présens..

L'assemblée choisira ensuite son président à la pluralité relative, à moins que par assis et levé elle ne désigne ou le plus âgé, ou quelques membres du corps municipal. Le plus jeune des citoyens littérés remplira les fonctions de secrétaire-greffier. Le président posera ensuite ainsi les questions:

Citoyens, la convention nationale vous invite à manifester votre Veu sur les questions suivantes :

1o. La royauté sera-t-elle abolie en France?

2o. La peine de mort aura-t-elle lieu contre quiconque en proposera le rétablissement ?

3. La France sera-t-elle une république, une, indivisible? 4°. Louis Capet, le dernier de nos rois convaincu de conspira

tion contre l'état, sera-t-il puni de mort?

Si quelqu'un demande la parole, elle lui sera accordée. La dis

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