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» deuxième partie du code pénal, qui prononce la peine de..... » pour les crimes et attentats contre la chose publique.

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» Louis Capet est condamné à la peine de VIII. Il sera sursis à l'exécution du jugement jusqu'à ce que la convention nationale ait délibéré sur la proposition suivante :

L'intérêt de la république exige-t-il que la peine portée au jugement contre Louis Capet soit modifiée ?

IX. Si la proposition affirmative est décrétée, il y aura lieu au renvoi au souverain, qui seul a le droit de faire grace, pour confirmer ou rejetter la modification de la peine.

X. En conséquence, le peuple se réunira en assemblées primaires dans le plus court délai.

XI. Le comité de constitution présentera un projet de décret à cet égard, dans lequel il établira d'une manière bien précise la question sur laquelle les assemblées primaires auront à voter par oui ou par non. Le même comité rédigera l'exposition des principes qui ont dirigé la convention nationale dans le jugement de Louis Capet.

Opinion du Citoyen L. BERNARD, député du département de l'Aveyron, sur le jugement de Louis Capet; imprimée par ordre de la Convention.

Citoyens, on élève quelquefois dans cette assemblée des questions qui ne paroissent être portées que dans la vue d'avoir, par leurs résultats, la mesure de nos moyens. Dans ce cas, soyons de bonnefoi, et convenons que nous procurerons à nos ennemis quelques momens de jouissances.

Pour prononcer sur le sort d'un roi coupable, quelles objections n'a-t-on pas faites sur la forme et sur le fond! La convention ne peut pas juger Louis, disent les uns; elle a été formée pour prononcer ce jugement, disent les autres: selon les premiers, cet acte vous est interdit, et, d'après les seconds, il vous est ordonné.

Je n'adopte aucune de ces opinions; nos commettans n'ont pas plus donné de permission, qu'ils ne nous ont fait de défenses. Ils nous ont donné des pouvoirs illimités, pour faire tout ce que nous jugerions utile au bonheur de tous.

Nous avons renversé le trône, parce que nous avons cru que le bien général nous commandoit cet acte de vigueur; pouvons-nous juger le tyran qui l'occupoit? Certes, cette question me paroît du second ordre; car, si vous avez pu juger et anéantir la royauté, plus forte raison pouvez-vous décider du sort d'un homme coupable du crime, de haute-trahison.

à

Ne demandez donc pas de pouvoirs, vous en avez de suffisans. Consultez vos coeurs, consultez l'esprit public; agissez d'après l'iuspiration de l'un, suivez les lumières de l'autre, et ne vous créez plus de chimères pour les combattre.

Qu'un mandataire du peuple, qui ne pense pas être en droit de disposer froidement de la vie d'un homme, m'oppose sa répugnance individuelle; je respecte ce sentiment. Mais que des politiques profonds, veuillent m'effrayer par des portraits qui ne ressemblent à rien, si ce n'est à l'imagination qui les a tracés, j'avoue qu'ils m'affectent peu.

L'un soutient que la mort de Louis sera une calamité publique ; l'autre, que son existence fera le malheur de notre patrie. L'un trouve le remède à tous les maux dans le renvoi au peuple; l'autre voit, dans cette mesure, notre perle certaine, la guerre civile avec toutes ses horreurs.

Pour moi, je ne vois aucuns des malheurs dont on nous menace je ne vois que le peuple français, bon, généreux, sensible, humain. Je le vois sur-tout soumis à la loi: car, ne pensez-pas, citoyens, que je ne voie ce peuple que dans certaines positions où il vous paroît odieux; non, ce n'est pas ainsi que je dois le juger. Soyons justes et circonspects; craignons de présumer le crime, nous serons convaincus que des actions que nous regardions comme portant le caractère de la multitude, ne décèlent que la perfidie d'un individu.

Ils sont bien imprudens, ceux qui viennent nous annoncer leurs rêveries comme des êtres réels; ceux qui voient la guerre civile dans la sanction du jugement de Capet par le peuple, ainsi que ceux qui la prédisent, si cette sanction n'a pas lieu. Vous connoissez peu votre ascendant sur ce peuple docile. Qui doit, dites-moi, de vous ou de lui former l'opinion ?... Pénétrez-vous de ce que vous êtes, sachez être vous-mêmes, et vous pourrez être clémens, ou sévères, selon que le bien public vous le commandera.

Ne vous occupez plus de ce que vous pouvez faire, mais pensez à ce que vous devez faire; et croyez que, quelle que soit votre détermination, vous trouverez par-tout des citoyens soumis à la loi. Et s'il en étoit autrement, je dirois que c'est la prédiction qui a été la cause de l'événement; je dfrois, oui je le dirois, qu'ils sont coupables tout au moins d'imprudence, ceux qui ont annoncé le désordre avant l'existence de la cause qui pouvoit l'exciter.

Quelle est donc cette grande cause qui nous agite depuis si long-temps? Le jugement d'un roi coupable. Quoi! vous êtes républicains, et le souvenir d'un roi vous agite! S'il meurt, dit Pun, vous verrez de suite un prétendant, et nous voilà encore exposés à lutter contre la royauté: s'il vit, dit l'autre, ce sera toujours là un point de ralliement. Eh quoi! vous avez la témérité d'entreprendre de, porter la liberté chez vos voisins esclaves, et l'idée d'un roi enchaîné vous effraye! vous faites la chasse au lion dans la forêt, et vous frémissez au souvenir de celui qui est enfermé ! Quelle foiblesse !

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Non, citoyens! la vie ni la mort de celui qui naguères étoit sur le trône, ne peut décider de votre liberté. S'il en étoit autrement, si ce bien précieux pouvoit dépendre de cette cause, il faudroit convenir que nous somines étrangement trompés. Nous n'étions pas mûrs pour la liberté.

J'entends nos braves soldats murmurer des suppositions que j'ai faites bien gratuitement, je l'avoue; je les entends, après avoir terrassé les soldats des despotes, nous répéter qu'ils veulent vivre libres ou mourir. Et vous voudriez nous persuader que l'existence on la mort de Louis peut changer notre situation politique? Quel rapport peut donc avoir cet être avec la liberté de 25 millions d'hommes? quel rapport a ce peuple qui veut la liberté, avec ce roi qui voudroit le rendre esclave? Citoyens! ce rapport est celui du fort au foible, du tout à la partie, de l'être au néant.

Jugez Louis, condamnez Louis, prononcez la peine de mort contre Louis, condamnez-le à une prison perpétuelle, ces différens jugemens ne peuvent influer en rien sur la cause sacrée de la liberté ; ce n'est donc pas ce qui doit vous occuper. Un roi coupable, un roi avili ne peut être dangereux.

Ici je rappellerai une idée qu'un de mes collègues a manifestée à cette tribune, une idée délicate en morale, et qui, comme mesure de salut public, eût dû être accueillie avec moins de faveur, si vos principes n'en avoient été alarmés. Si vous ne pouviez convaincre Louis de ses perfidies, s'il se justifioit, que feriez-vous? disoit cet orateur; et il concluroit d'après cette supposition, accompagnée d'autres considérations, non moins pressantes, qu'il falloit considérer le ci-devant roi comme jugé par la nation dans le grand jour 10 août.

En effet, citoyens, si Louis avoit pu être justifié, que dis-je ? Si vous aviez été dans l'impossibilité de le convaincre, qu'auriezvous fait? Qu'auriez-vous fait de ce roi détrôné? C'est alors, et dans ce cas seulement, où vous auriez, pu concevoir de justes sujets de sollicitudes. C'est dans ce cas, et dans ce cas seulement, où les suites auroient été embarrassantes. Auriez-vous pu sans injustice enfermer cet homme? Auriez-vous pu sans compromettre votre - liberté, le rendre libre? Auriez-vous pu sans outrager l'humanité, le condamner à mort ? Dans tous les cas, vous aviez tout à craindre. Et je crois pouvoir avancer que, si vous aviez approfondi cette question sous son vrai rapport politique, peut-être nous auroit-elle épargné beaucoup de temps, de discussions inutiles, et quelquefois bien plus qu'inutiles!....

Je reviens aux autres suppositions qui ont porté Salle à vous faire un dilemme qui tendoit à provoquer la sanction du peuple: vous jugerez conformément au vou du peuple, ou vous jugerez contre son vou. Dans tous les cas, le peuple doit être consulté. Ce raisonnement seroit concluant, si vous étiez appelés à prononcer sur le sort d'un roi innocent. La nation, toujours, juste, s'intéresseroit à son sort; et vous auriez raison de craindre, quelque parti que vous prissiez, quel que fut votre jugement. Mais, je Pai déjà dit, un roi parjure, un perfide, un traître, le corrupteur et l'assassin de son peuple!..... Non, le sort d'un tel homme ne peut influer sur la tranquillité des citoyens, ni sur le jugement que vous allez porter.

J'ai cru pouvoir me dispenser de parler en détail des crimes de Louis;

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(No. 44), Louis; d'autres avant moi les ont fait connoître; ils sont la plupart prouvés par des pièces qui se trouvent entre les mains de tout le

monde.

De quel châtiment peut-on punir le roi, l'assassin du peuple? Législateurs, c'est ici où vous devez un grand exemple aux nations, à l'humanité; car, pour les rois, comme vous n'en voulez plus, l'exemple ne peut être appliqué qu'à l'objet de la vengeance nationale. Que vous importe que les rois sachent comment vous traitez celui qui régnoit sur vous! Que dis-je, que vous importe ! Peut-/ être seroit-il essentiel pour la liberté des peuples affligés de ce fléau, que leurs tyrans ignorassent le traitement que vous réservez au vôtre. Toujours aveuglés sur leur situation, ils fourniroient à leurs peuples esclaves, l'occasion de rompre leurs chaînes, tandis que vous allez éveiller leur cruelle vigilance; je croirois plus important de bercer les despotes, de les endormir sur leurs trônes d'argille, que d'essayer de les effrayer par la terreur. Pendant leur sommeil, le peuple veille; la liberté s'empare de tous les cœurs, elle triomphe

Si l'exemple que vous allez faire, d'un roi détrôné, est indifférent à ses pareils; si trop de sévérité même, pouvoit retarder la liberté des peuples, voyons ce que vous vous devez à vous-mêmes : voyons ce que vous devez aux principes que vous consacrez.

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Votre ennemi est à votre disposition, il sait que sa vie est en vos mains; il vous a dit à cette barre, qu'il vous parloit peut-être pour la dernière fois. Ces paroles, je l'avoue, ont ranimé ma sensibilité. Que dirions-nous d'un homme qui, après avoir désarmé son sembiable dans un combat singulier, le perceroit de son glaive impitoyablement ? Nous dirions sans doute, c'est un lâche et nous parce que nous sommes vingt-cinq millions contre un seul individu, serions-nous moins coupables, s'il est vrai que le sentiment qui nous porte à nous venger, soit tout-à-la-fois la preuve de notre foiblesse, et de l'amour-propre blessé ? Convenons qu'une grande nation, irritée contre un roi qu'elle a détrôné par sa volonté toute-puissante, se montreroit bien foible, bien petite, en l'écrasant de son courroux, parce qu'elle le tient.

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Qu'il seroit généreux ce peuple, qui, tel qu'un homme, enlève le poignard des mains de son assassin et a le courage de le jeter loin de lui, étouffe le sentiment de sa foiblesse, dit au lâche, retiretoi. Je ne hais que le crime, je déteste la vengeance, et j'ai pitié du coupable, du méchant.

Ce peuple par cette conduite loyale montreroit le sentiment de sa force; je dis de sa force, car, tous ceux qui opinent pour l'appel au peuple, pour demander la sanction du peuple, tous ceux même qui opinent pour la mort de Louis, tous, dans toutes les opinions, dans celles même qui se combattent avec le plus de force, tous don nent unanimement la preuve de leur foiblesse. Ce sont des craintes des terreurs paniques; ce sont des opinions, des sentimens totalement contraires à ceux qui devroient nous animer; je veux dire, qu'ils contrastent avec ceux de vrais républicains. Il me semble, lorsProcès de Louis XVI. Tome III. X x

que j'analyse ces idées de crainte qu'on vous a si éloquemment développées, voir un guerrier vainqueur brayant encore l'ennemi qu'il a chassé de son territoire, et trembler à la vue d'un insecte, parce qu'il est couvert d'une peau bizarre. Le préjugé, la foiblesse de ce héros, me prouve que l'homme se manifeste par-tout,

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Je ne crains, ni n'aime les rois ; je ne redoute dans ce moment, que le sentiment de vengeance dont nous sommes animés; je ne redoute en un mot, que notre foiblesse, qui ne nous permet pas de nous élever au-dessus des idées chimériques, qu'on nous a présentées sous une multitude de rapports,

Car, législateurs, je dois vous le dire, parce que ma conscience me le dit vous pouvez dans ce moment, vous pouvez dans la grande cause que vous allez juger, vous pouvez vous montrer sages, humains, généreux, grands et justes.

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Supprimez la peine de mort de votre code criminel; commencez par faire grace au plus grand coupable, mettez-le dans un lieu sûr ; vous apprendrez aux peuples que vous savez maîtriser vos tyrans, et vous-mêmes; vous leur apprendrez, que les grands principes d'égalité et de liberté, que la nature grava dans tous les cœurs sont inséparables de ceux de la clémence et de la justice; vous leur montrerez que la véritable grandeur est exemple de foiblesse. Ainsi en fondant votre république, vous aurez renversé la tyrannie, et honoré l'humanité, en supprimant uue peine qui n'appartenoit point à l'homme d'infliger à son semblable; vous attirerez à vos principes tous les peuples du monde ; et comme on vous l'a dit, le tyran sera témoin de votre gloire et de votre bonheur; ce supplice est le seul digne de votre jugement, et celui qui peut le plus sensiblement punir le coupable; vous satisferez ceux qui veuleut un grand exemple de justice sur un roi coupable du crime de haute trahison, et vous respecterez les droits sacrés de l'humanité./

Je vote donc, pour que Louis soit placé dans un lieu sûr, jusqu'à ce qu'il plaise à la nation d'en statuer, autrement; je veux dire de le déporter dans la suite hors de la république ; quoi qu'il mérite à mon sens les peines les plus sévères, je ne pense pas avoir le droit de disposer froidement de la vie d'un homme. Personne ne peut changer mes principes à cet égard; punissez de telle manière qu'il vous plaira, vous dirai-je toujours: mais ne tuez pas. J'ai cette foiblesse si c'en est une; et peut-être trouvera-t-on qu'il y a quelque courage à la manifester dans ce moment; je le répète, je ne crois pas pouvoir prononcer sur la mort d'un homme quelque coupable qu'il puisse être; et par cette considération je conclus, qu'il faut enfermer le ci-devant roi; que quand même chaque individu juge auroit le droit de prononcer ce jugement que j'appelle barbare, une grande nation ue peut l'appliquer à Louis sans perdre de sa dignité. Elle ne sera jamais plus grande, que lorsque pouvant anéantir son despote, elle le conservera pour le frapper chaque jour, à chaque heure, à tous les instans, du poids de sa toute-puissance; elle respectera les jours de Louis par la raison qu'elle peut en disposer; s'il pouvoit se défendre, elle le combattroit; mais il est sans défense, elle ne peut

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