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cune espèce de retour, deux époux accablés l'un de l'autre. De là, chez les peuples même où l'indissolubilité du mariage est consacrée par les lois civiles, l'usage des séparations qui relâchent le lien du mariage sans le rompre.

Les avantages et les inconvénients du divorce ont été diversement présentés par les différents auteurs qui ont écrit sur cette matière.

l'indissolubilité absolue, les inconvénients qu'on en croit inséparables.

Que doit faire le législateur? Ses lois ne doivent jamais être plus parfaites que les hommes à qui elles sont destinées ne peuvent le comporter. Il doit consulter les mœurs, le caractère, la situation politique et religieuse de la nation qu'il représente. Y a-t-il une religion dominante? Quels sont les dogmes de cette religion? Ou bien tous les cultes sont-ils indistinctement autorisés ? Est-on dans une société naissante ou dans une société vieillie? Quelle est la forme du gouvernement? Toutes ces questions influent, plus qu'on ne pense, sur celle du di

vorce.

N'oublions point qu'il ne s'agit pas de savoir si le divorce est bon en soi, mais s'il est convenable que les lois fassent intervenir le pouvoir coactif dans une chose qui est naturellement si libre, et à laquelle le cœur doit avoir tant de part.

Dans une société naissante, le mariage n'est guère considéré que dans ses rapports avec la propagation de l'espèce, parce qu'un peuple nouveau a besoin de croître et de se multiplier.

On a dit, pour le divorce, qu'on ôte toute la douceur du mariage en déclarant son indissolubilité; que pour vouloir trop resserrer le nœud conjugal, on l'affaiblit; que les peines domestiques sont affreuses, quand on n'a rien de plus consolant devant les yeux que leur éternité; que la vie de deux époux qui ne s'entendent pas, et qui sont inséparablement unis, est perdue pour la postérité; que les mœurs sont compromises par des mariages mal assortis qu'il est impossible de rompre; qu'un époux, dégoûté d'une femme éternelle, se livre à un commerce qui, sans remplir l'objet du mariage, n'en représente tout au plus que les plaisirs; que les enfants n'ont pas plus à souffrir du divorce, que des discordes qui déchirent un mariage malheureux; qu'enfin, l'indissolubilité absolue est aussi contraire au bien réel des familles, qu'au bien général de l'État. On répond, d'autre part, qu'il est dangereux d'abandonner le cœur à ses caprices et à son inconstance; que l'on se résigne à supporter les dégoûts domestiques, et que l'on travaille même à les prévenir, quand on sait que l'on n'a pas la faculté du divorce; qu'il n'y a plus d'autorité maritale, d'autorité paternelle, de gourvernement domestique, là où cette faculté est admise; que la séparation suffit pour alléger les désagréments de la vie commune; querelles. L'ancien usage qui autorisait un citoyen role divorce est peu favorable aux femmes et aux enfants, qu'il menace les mœurs, en donnant un trop libre essor aux passions; qu'il n'y a rien de sacré et de religieux parmi les hommes, si le lien du mariage n'est point inviolable; que la propagation régulière de l'espèce humaine est bien plus assurée par la confiance de deux époux fidèles, que par des unions que des goûts passagers peuvent rendre variables et incertaines; enfin, que la durée et le bon ordre de la société générale tiennent essentiellement à la stabilité des familles, qui sont les premières de toutes les sociétés, le germe et le fon-sée, selon les mœurs et les idées reçues dans chaque dement des empires.

Telles sont les considérations qui ont été proposées pour et contre le divorce. Il en résulte que c'est sur le danger et la violence des passions que l'on fonde l'utilité du divorce, et qu'il n'y a qu'une extrême modération dans les désirs, que la pratique des plus austères vertus, qui pourraient écarter, de

Il n'est point incommode à des hommes simples et grossiers d'avoir beaucoup d'enfants; ils craindraient de n'en avoir pas assez on voit sans scandale une femme passer successivement dans les bras de plusieurs maris; on permet l'exposition des enfants faibles ou mal conformés; on interdit la faculté de se marier aux personnes qui, par leur âge, ne sont plus propres aux desseins de la nature. Le mariage est alors régi par quelques lois politiques, plutôt que par des lois civiles et par les lois natu

main à prêter sa femme à un autre pour en avoir des enfants d'une meilleure espèce, était une loi politique.

Quand une nation est formée, on a assez de peuple; l'intérêt de la propagation devient moins sensible; on s'occupe plus des douceurs et de la dignité du mariage que de sa fin; on cherche à établir un ordre constant dans les familles, et à donner à l'amour un empire si réglé qu'il ne puisse jamais troubler cet ordre.

Alors la faculté du divorce est proscrite ou lais

pays, selon le plus ou le moins de liberté que l'on croit devoir laisser aux femmes, selon que les maris sont plus ou moins monarques, selon que l'on a intérêt de resserrer le gouvernement domestique ou de le rendre moins réprimant, de favoriser l'égalité des fortunes ou d'en empêcher la trop grande division.

Dans nos temps modernes, ce sont surtout les doctrines religieuses qui ont influé sur les lois du divorce.

Le divorce était admis chez les Romains: la religion chrétienne s'établit dans l'empire; le divorce eut encore lieu jusqu'au neuvième siècle; mais il céda aux nouveaux principes qui furent proclamés sur la nature du mariage.

Tant que la religion catholique a été dominante en France, tant que les institutions religieuses ont été inséparablement unies avec les institutions civiles, il était impossible que la loi civile ne déclarât pas indissoluble un engagement déclaré tel par la ❘ religion, qui était elle-même une loi de l'État; il faut nécessairement qu'il y ait de l'harmonie entre les principes qui gouvernent les hommes.

Aujourd'hui la liberté des cultes est une loi fondamentale; et la plupart des doctrines religieuses autorisent le divorce: la faculté du divorce se trouve donc liée parmi nous à la liberté de conscience.

Les citoyens peuvent professer diverses religions; mais il faut des lois pour tous.

meur et de caractère n'est pas même susceptible d'une preuve rigoureuse et légale. Donc, en dernière analyse, autoriser le divorce sur un tel motif, c'est donner à chacun des époux le funeste droit de dissoudre le mariage à sa volonté. Existe-t-il un seul contrat dans le monde qu'un seul des contractants puisse arbitrairement et capricieusement dissoudre, sans l'aveu de la partie avec laquelle il a traité? On observe que l'allégation de l'incompatibilité d'humeur et de caractère peut cacher des causes très-réelles dont la discussion publique serait la honte des familles, et deviendrait un scandale pour la société. On ajoute que la vie commune de deux époux peut devenir insupportable par une multitude de procédés hostiles, de reproches amers, de mépris journaliers, de contradictions suivies, piquantes et opiniâtres, en un mot, par une foule d'actes dont aucun ne peut être réputé grave, et dont l'ensemble fait le malheur et le tourment de l'époux qui les souffre.

Tout cela peut être; mais il est également vrai que la simple allégation de l'incompatibilité d'humeur

Nous avons donc cru qu'il ne fallait pas prohiberet de caractère peut ne cacher que l'absence de tout

le divorce parmi nous, parce que nos lois seraient trop formellement en contradiction avec les différents cultes qui l'autorisent, et qu'elles ne pourraient espérer, pour les hommes qui professent ces cultes, de faire du mariage un lien plus fort que la religion même.

D'ailleurs, indépendamment de la considération déduite de la diversité des cultes, la loi civile peut fort bien, dans la crainte de plus grands maux, ne pas user de coaction et de contrainte, pour obliger deux époux malheureux à demeurer réunis, ou à vivre dans un célibat forcé, aussi funeste aux mœurs qu'à la société.

La loi qui laisse la faculté du divorce à tous les citoyens indistinctement, sans gêner les époux qui ont une croyance contraire au divorce, est une suite, une conséquence de notre régime, c'est-àdire, de la situation politique et religieuse de la France.

Mais le vœu de la perpétuité dans le mariage, étant le vœu même de la nature, il faut que les lois opposent un frein salutaire aux passions; il faut qu'elles empêchent que le plus saint des contrats ne devienne le jouet du caprice, de l'inconstance, ou qu'il ne devienne même l'objet de toutes les honteuses spéculations d'une basse avidité.

Depuis nos lois nouvelles, la simple allégation de l'incompatibilité d'humeur et de caractère pouvait opérer la dissolution du mariage.

Alléguer n'est pas prouver : l'incompatibilité d'hu

motif raisonnable. Qui nous garantira qu'il existe des causes suffisantes de divorce, dans un cas où l'on n'en exprime aucune?

Le mariage n'est point une situation, mais un état. Il ne doit point ressembler à ces unions passagères et fugitives que le plaisir forme, qui finissent avec le plaisir, et qui ont été réprouvées par les lois de tous les peuples policés.

Il est nécessaire, dit-on, de venir au secours de deux époux mal assortis. On accuse nos mœurs et nos usages de favoriser les mauvais mariages. On trouve l'unique remède à ces maux dans la facilité du divorce.

Il n'est que trop vrai que deux époux s'unissent souvent sans se connaître, et sont condamnés à vivre ensemble sans s'aimer. Il n'est que trop vrai que des vues d'ambition et de fortune, et souvent les fantaisies et la légèreté, président à la formation des alliances et à la destinée des familles. Les convenances morales et naturelles sont ordinairement sacrifiées aux convenances civiles.

Mais ces abus doivent-ils en appeler d'autres? Faut-il ajouter la corruption des lois à celle des hommes? De ce qu'il y a des mariages mal assortis, en conclura-t-on qu'il ne doit point y en avoir de sacrés et d'inviolables? Quand les abus ne sont que l'ouvrage des passions, ils peuvent être corrigés par les lois ; mais quand ils sont l'ouvrage des lois, le mal est incurable, parce qu'il est dans le remède même.

Les lois font tout ce qui est en leur pouvoir pour

prévenir, dans les mariages, des erreurs et des méprises qui pourraient être irréparables; elles garantissent aux contractants la plus grande liberté; elles donnent la plus grande publicité au contrat; elles exigent le consentement des pères, consentement si bien motivé par la considération touchante que la prudence paternelle, éclairée par les plus tendres sentiments, est au-dessus de toute autre prudence. Si, malgré ces précautions, les lois n'atteignent pas toujours l'objet qu'elles se proposent, n'en accusons que les faiblesses inséparables de l'humanité.

Dans quel moment vient-on réclamer l'extrême facilité du divorce, en faveur des mariages mal assortis? lorsque les mariages vont devenir plus libres que jamais, lorsque l'égalité politique ayant fait disparaître l'extrême inégalité des conditions, deux époux pourront céder aux douces inspirations de la nature, et n'auront plus à lutter contre les préjugés de l'orgueil, contre toutes ces vanités sociales qui mettaient, dans les alliances et dans les mariages, la géne, la nécessité, et, nous osons le dire, la fatalité du destin méme.

Ce qu'il faut craindre aujourd'hui, c'est que la licence des mœurs ne remplace l'ancienne gêne des mariages, et que, par la trop grande facilité des divorces, un libertinage, pour ainsi dire régulier, fruit d'une inconstance autorisée, ne soit mis à la place du mariage même.

Mais, dit-on, si on ne laisse pas subsister la simple allégation de l'incompatibilité d'humeur et de caractère, on ôte au divorce tous ses avantages. Nous disons, au contraire, qu'on ne fait que multiplier et aggraver les abus du divorce, si on laisse subsister le moyen déduit de l'incompatibilité d'humeur et de caractère.

L'allégation de cette incompatibilité sera le moyen de tous ceux qui n'en ont point. Le plus important, le plus auguste des contrats, n'aura aucune consistance, et n'obtiendra aucune sorte de respect; les mœurs seront sans cesse violées par les lois.

Le divorce pouvait encore être opéré par le consentement mutuel, sur le fondement que le mariage est une société, et qu'une société ne saurait être éternelle.

Mais peut-on assimiler le mariage aux sociétés ordinaires ?

Le mariage est une société, mais la plus naturelle, la plus sainte, la plus inviolable de toutes.

Le mariage est nécessaire; les autres contrats de société ne le sont pas.

Les objets qui deviennent la matière des sociétés ordinaires, sont déterminés arbitrairement par la

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volonté de l'homme; l'objet du mariage est déterminé par la nature même.

Dans les sociétés ordinaires, il ne s'agit guère que de la communication plus ou moins limitée des biens ou de l'industrie. Les biens n'entrent que par accident dans le mariage : l'essence de ce contrat est l'union des personnes.

Dans les sociétés ordinaires, on stipule pour soi, sur des intérêts obcurs et privés, et comme arbitre souverain de sa propre fortune. Dans le mariage, on ne stipule pas seulement pour soi, mais pour autrui; on s'engage à devenir comme la providence de la nouvelle famille à laquelle on va donner l'être; on stipule pour l'État, on stipule pour la société générale du genre humain.

Le public est donc toujours partie dans les questions de mariage; et, indépendamment du public, il y a toujours des tiers qui méritent la plus grande faveur, et dont on ne peut avoir ni la volonté ni le pouvoir de faire le préjudice. La société conjugale ne ressemble donc à aucune autre.

Le consentement mutuel ne peut donc dissoudre le mariage, quoiqu'il puisse dissoudre toute autre société.

Les maladies, les infirmités, ne nous ont pas paru non plus, pouvoir fournir des causes légitimes de divorce. Les deux époux ne sont-ils pas associés à leur bonne comme à leur mauvaise fortune? doiventils s'abandonner, lorsque tout leur impose l'obligation de se secourir? les devoirs finissent-ils avec les agréments et avec les plaisirs? Selon la belle expression des lois romaines, le mariage n'est-il pas une société entière et parfaite, qui suppose, entre deux époux, la participation aux biens et aux maux de la vie, la communication de toutes les choses divines et humaines ?

L'infirmité de l'époux que l'on voudrait être autorisé à répudier, a peut-être été contractée dans le mariage même : comment pourrait-elle devenir une occasion raisonnable de divorce? La pitié, la reconnaissance, ne doivent-elles pas alors devenir les auxiliaires de l'amour?

La nature, qui a distingué les hommes par le sentiment et par la raison, a voulu que, chez eux, les obligations qui naissent de l'union des deux sexes, fussent toujours dirigées par la raison et par le sentiment.

On a prétendu, dans certains écrits, que tout ce qui autorise la séparation de biens, doit autoriser le divorce, et que l'une de ces deux choses ne doit pas marcher sans l'autre. Pourquoi donc les moyens qui peuvent légitimer la séparation de biens, pourraientils dissoudre le mariage? Le mariage n'est que l'u

nion des personnes; les époux sont libres de ne pas engager leur fortune. Pourquoi donc faire dépendre le mariage d'une chose qui lui est proprement étrangère?

La séparation de corps entraînait autrefois la séparation de biens, mais la séparation de biens n'avait jamais entraîné celle de corps.

Un homme peut être un mauvais administrateur, sans être un mauvais mari. Il peut avoir des droits à l'attachement de son épouse, sans en avoir, sur certains objets, à sa confiance. Cette épouse serat-elle donc forcée de faire violence à son cœur, pour conserver son patrimoine, ou d'abandonner son patrimoine, pour suivre les mouvements de son cœur ?

En général, le divorce ne doit point être prononcé sans cause. Les causes du divorce doivent être des' infractions manifestes du contrat. De là, nous n'admettons, pour causes légales, que la mort civile, qui imite la mort naturelle, et les crimes ou délits dont un époux peut se plaindre contre l'autre. Nous n'avons pas cru qu'il fût tolérable de rendre le divorce plus facile que ne l'étaient autrefois les séparations.

Les questions de divorce étaient attribuées à des conseils de famille; nous les avons rendues aux tribunaux. L'intervention de la justice est indispensable, lorsqu'il s'agit d'objets de cette importance. Un conseil de famille, communément formé de personnes préparées d'avance à consentir à tout ce qu'on exigeait d'elles, n'offrait qu'une troupe d'affidés ou de complaisants toujours prêts à colluder avec les époux contre les lois. Des parents peuvent d'ailleurs être facilement soupçonnés d'amour ou de haine contre l'une ou l'autre partie : leur intérêt influe beaucoup sur leur opinion. Ils conservent rarement, dans des affaires que les coteries traitent avec tant de légèreté, la gravité qui est commandée par la morale dans tout ce qui touche aux mœurs. Une triste expérience a trop bien démontré que des amis ou des alliés que l'on assemblait pour un divorce, ne croient pouvoir mieux remplir la mission qu'ils reçoivent, qu'en signant une délibération rédigée à leur insu, et en se montrant indifférents à tout ce qui se passe.

De plus, tout ce qui intéresse l'état civil des hommes, leurs conventions et leurs droits respectifs, appartient essentiellement à l'ordre judiciaire.

Si le divorce ne peut plus être prononcé que sur des causes, il faut que ces causes soient vérifiées. On sent que les points de fait et les points de droit que cette vérification peut entraîner, ne peuvent être sérieusement discutés que dans un tribunal.

Pour écarter le danger des discussions, nous avons tracé une forme particulière de procéder, capable de les rendre solides et suffisantes, sans les rendre publiques. Toutes les questions de divorce doivent être traitées à huis clos, si l'on veut qu'elles le soient sans scandale.

Nous avons laissé toutes les issues convenables à la réconciliation, au rapprochement des époux.

L'époux qui obtient le divorce, doit conserver, à titre d'indemnité, quelques-uns des avantages stipulés dans le contrat de mariage. Car nous supposons qu'il ne peut l'obtenir que pour des causes fondées; et dès lors son action, en mettant un terme à ses maux, lui ôte pourtant son état, et laisse conséquemment un grand préjudice à réparer. Il n'y a point à balancer entre la personne qui fait prononcer le divorce, et celle qui l'a rendu nécessaire.

Nous avons cru, pour l'honnêteté publique, devoir ménager une intervalle entre le divorce et un second mariage.

Le juge a le droit de n'ordonner qu'une séparation momentanée, s'il a l'espoir du rétablissement de la paix dans le ménage. Il exhorte, il invite tant qu'il n'est pas forcé de prononcer.

En général, notre but, dans les lois projetées sur le divorce, a été d'en prévenir l'abus, et de défendre le mariage contre le débordement des mœurs. On va au mal par une pente rapide; on ne retourne au bien qu'avec effort.

Les familles se forment par le mariage, et elles sont la pépinière de l'État. Chaque famille est une société particulière et distincte dont le gouvernement importe à la grande famille qui les comprend toutes.

D'autre part, d'après les idées que nous avons données du contrat de mariage, il est évident que c'est le consentement des parties qui constitue ce contrat. C'est la fidélité, c'est la foi promise, qui mérite à la compagne qu'un homme s'associe, la qualité d'épouse, qualité si honorable, que, suivant l'expression des anciens, ce n'est point la volupté, mais la vertu, l'honneur même qui la fait appeler de ce nom. Mais il est également évident que l'on avait besoin d'être rassuré, sur la véritable intention de l'homme et de la femme qui s'unissent, par des conditions et des formes qui puissent faire connaître la nature et garantir les effets de cette union. De là toutes les précautions dont nous avons déjà parlé, et qui ont été prises pour l'honnêteté et la certitude du mariage.

Par ces précautions, les époux sont connus. Leur engagement est mis sous la protection des lois, des tribunaux, de tous les gens de bien. On apprend à distinguer l'incontinence d'avec la foi conjugale, et

les écarts des passions d'avec l'usage réglé des droits | Un empêchement secret, un événement imprévu les plus précieux de l'humanité.

trompe leur prévoyance: on ne laisse pas de récom penser en eux le vœu, l'apparence, le nom de mariage, et on regarde moins ce que les enfants sont, que ce que les pères et mères avaient voulu qu'ils fussent.

Les opérations de la nature dans le mystère de la génération, sont impénétrables; il nous serait impossible de soulever le voile qui nous les dérobe: sans un mariage public et solennel, toutes les questions de filiation resteraient dans le nuage; la maternité pourrait être certaine, la paternité ne le serait jamais. Y a-t-il un mariage en forme, avoué par la loi, et reconnu par la société? Le père est fixé : c'est celui que le mariage démontre. La présomp-fants devaient être légitimes par rapport à l'un des

tion de la loi, fondée sur la cohabitation des époux, sur l'intérêt et la surveillance du mari, sur l'obligation de supposer l'innocence de la femme plutôt que son crime, fait cesser toutes les incertitudes du magistrat, et garantit l'état des personnes et la tranquillité des familles.

La règle que le père est celui qui est démontré par le mariage, est si favorable, qu'elle ne peut céder qu'à la preuve évidente du contraire.

Les enfants qui naissent d'un mariage régulier sont appelés légitimes, parce qu'ils sont le fruit d'un engagement dont la légitimité et la validité ne peuvent être incertaines aux yeux des lois.

Dans le cas d'un mariage nul, mais contracté avec bonne foi par les deux conjoints ou par l'un d'eux, l'état des enfants n'est pas compromis. Les lois positives, qui ne s'écartent jamais entièrement de la loi naturelle, et qui, lorsqu'elles paraissent s'en éloigner, ne le font que pour mieux assortir les vues de cette loi aux besoins de la société, ont rendu hommage au principe naturel que l'essence du mariage consiste dans la foi que les époux se donnent. De là, quoique régulièrement le seul mariage fait dans les formes prescrites et conformément au droit établi, soit capable de légitimer les enfants, on avoue cependant pour enfants légitimes, ceux nés d'un mariage putatif, c'est-à-dire, d'un mariage que les conjoints ont eru légitime, qui a été contracté librement entre les parties, dans l'intention de remplir les devoirs inséparables de leur état, et de vivre avec suite, sous les auspices de la vertu et dans la pureté de l'amour conjugal.

Deux motifs principaux ont fait adopter ce principe: le premier est la faveur attachée au nom du mariage, nom si puissant que son ombre même suffit pour purifier, dans les enfants, le principe de leur naissance. Le second est la bonne foi de ceux qui ont contracté un semblable engagement : la patrie leur tient compte de l'intention qu'ils avaient de lui donner des enfants légitimes. Ils ont formé un engagement honnête; ils ont cru suivre l'ordre prescrit par la loi, pour laisser une postérité légitime.

On a porté si loin la faveur du droit commun, qu'on a jugé que la bonne foi d'un seul des contractants suffit pour légitimer les enfants qui naissent de leur mariage. Quelque anciens jurisconsultes avaient bien pensé que, dans ce cas, les en

conjoints, et illégitimes par rapport à l'autre : mais on a rejeté leur opinion, sur le fondement que l'état des hommes est indivisible, et que, dans le concours, il fallait se décider entièrement pour la légitimité.

On a mis en question si le mariage subséquent doit légitimer les enfants nés avant le mariage. Les lois anglaises n'admettent point la légitimation par mariage subséquent; elles regardent cette sorte de légitimation comme capable de favoriser la licence des mœurs, et de troubler l'ordre des familles. En France, on a plus consulté l'équité naturelle, qui parlait en faveur des enfants, que cette raison d'État qui sacrifie tout à l'intérêt de la société générale. Nos lois présument que les pères et les mères, qui se marient après avoir vécu dans un commerce illicite, ont toujours eu l'intention de s'engager par les liens d'un mariage solennel; elles supposent que le mariage a été contracté, au moins de vœu et de désir, dès le temps de la naissance des enfants; et par une fiction équitable, elles donnent un effet rétroactif au mariage.

Nous n'avons pas cru devoir changer cette disposition que l'équité de nos pères semble nous avoir recommandée; mais nous avons rappelé les précautions qui l'empêchent de devenir dangereuse.

L'état des enfants nés hors le mariage est toujours plus on moins incertain, parce que, n'étant aidé d'aucune présomption de droit, il ne repose que sur des faits obscurs dont la preuve est souvent impossible. Il arrivait qu'à la faveur de la légitimation par mariage subséquent, des êtres mystérieux, qui ne pouvaient se dissimuler le vice de leur origine, venaient, par des réclamations artificieuses, compromettre la tranquillité des familles. Ces réclamations, qui n'étaient presque toujours formées qu'après la mort de tous ceux qui auraient pu efficacement les repousser, faisaient retentir les tribunaux de discussions dont le scandale et le danger ébranlaient la société entière.

Ces inconvénients seront prévenus, si la loi n'applique la légitimation par mariage subséquent, qu'à

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