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ART. fait au milieu de ses conquêtes, lorsqu'il parle des mœurs et des usages des peuples gaulois : Hi omnes lingua, institutis, legibus, inter se differunt.

Ce ne sont cependant pas les mêmes lois qui étaient en usage dans les derniers temps. L'histoire nous apprend que nos coutumes avaient été données aux peuples par les grands vassaux de la couronne, lorsqu'ils se furent approprié les fiefs, et, ce qui est bien remarquable, nous y voyons aussi que ces mêmes seigneurs s'étaient constamment opposés à une uniformité de lois, dans la crainte de favoriser l'agrandissement de l'autorité royale.

Dans la suite, la force de l'habitude, l'attachement à ses propres usages, produisirent les mêmes effets que la politique.

L'idée, conçue sous Charles VII, de réunir toutes les coutumes en une, après avoir ordonné la rédaction de chacune, produisit seulement l'avantage d'avoir des coutumes écrites, sans être obligé de recourir à des enquêtes longues et dispendieuses, lorsqu'il s'élevait quelques doutes sur ce qu'un simple usage avait érigé en loi.

Ce même projet fut encore renouvelé sous Henri III; mais les fureurs de la ligue ot la mort tragique du président Brisson, qui était chargé de son exécution, le firent échouer.

Il fallait toute la puissance de la révolution, la fusion de toutes les volontés, pour avoir enfin l'espérance d'un code civil.

Mais si la révolution seule a rendu l'entreprise possible, il était réservé au héros dont le génie ne laisse rien échapper de tout ce qui est grand et utile, d'en håter et d'en faciliter l'exécution.

Quelle confiance ne devait-il pas avoir en ses propres lumières ! Il a prouvé dans la suite qu'il avait, en législation civile, des conceptions aussi heureuses qu'il en a eu de grandes et de sublimes à la tête des armées, qu'il a toujours constamment menées à la victoire.

Quels secours n'avait-il pas à attendre de ses collègues ! L'un d'eux avait présenté à la convention nationale un projet de code civil, ouvrage précieux par la précision du style, la netteté des idées, et l'ordre dans la classification des matières, qui a servi de guide à tous les travaux préparatoires qui l'ont suivi : et les modifications dont il était susceptible tenaient principalement au changement d'ordre constitutionnel et des temps.

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est-il pas sorti de toutes parts, et en si peu de art. temps!

Les quatre jurisconsultes qui, sur son invitation, ont rédigé le nouveau projet de code civil, le tribunal de cassation, et les tribunaux d'appel, qui ont reçu la mission de le reviser, tous ont acquis, par leur zèle et par leurs talents, des droits à l'estime et à la reconnaissance de la nation.

Enfin tous les citoyens ont été assurés de voir accueillir le tribut de leurs connaissances, et plusieurs se sont honorés en secondant les vues du gouvernement.

Mesure aussi grande, aussi politique que sage en elle-même! Elle a nationalisé, si l'on peut s'exprimer ainsi, les matériaux du code civil. Elle a éloigné l'envie, qui s'attache trop aisément à un grand ouvrage, lorsque la direction en est confiée à un seul; il en est résulté des changements utiles, et elle aura excité la confiance avec laquelle la nation accueillera le fruit de tant d'honorables tra

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Les bonnes lois sont les fruits tardifs de l'expérience et des lumières.

L'expérience fait reconnaître les lois vicieuses; sans le secours des lumières, elle ne saurait indiquer le remède.

Avec les lumières seules, une imagination féconde peut enfanter des théories sublimes; mais il n'est réservé qu'à l'expérience de découvrir le prestige des illusions: jusqu'alors les yeux sont plutôt éblouis qu'éclairés. Ce n'est qu'insensiblement que la vue s'accoutume au jour pur de la vérité.

Quelles ressources, législateurs, la France n'at-elle pas aujourd'hui pour corriger et perfectionner ses lois! Tout ce qu'on peut attendre des vastes connaissances d'un grand nombre de jurisconsultes distingués, tout ce que peut produire une très-longue observation des hommes et des choses, notre légis

Quelles ressources ne trouvait-il pas encore dans lation en sera le résultat. le conseil d'Etat!

Toutes ces circonstances n'ont pas empêché le premier magistrat de la république de provoquer de nouvelles lumières, et, à sa voix, combien n'en

Et dans quel temps cette législation va-t-elle paraître?

C'est à l'époque où la république, illustrée par des victoires à jamais mémorables, recueillant chaque

ART jour les bienfaits inappréciables de la paix la plus glorieuse, ornée par les sciences, embellie par les arts, présidée par le génie, se voit élevée au plus haut degré d'éclat et de gloire.

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Le tribunat m'a chargé de vous présenter son vœu sur le projet de loi qui a pour titre : De la publication, des effets et de l'application des lois en général.

A ces mots des lois en général, déjà vous reconnaissez u'il s'agit de dispositions qui appartiennent à tous les codes, et non pas au code civil seul. Le premier article établit un nouveau mode de publication des lois.

Les autres renferment des maximes sacrées que le législateur ne doit jamais omettre, comme le citoyen ne doit jamais les oublier.

Je vais parcourir chacun des articles. Anciennement les lois n'étaient exécutées qu'après avoir été enregistrées; et le refus d'enregistrement, de la part d'une cour souveraine, emportait la défense d'exécution dans toute l'étendue de son ressort. Ce droit, que les tribunaux du premier rang prétendaient avoir d'empêcher l'exécution des lois, était une émanation de la puissance législative.

On a depuis reconnu les dangers de la confusion des deux pouvoirs.

Les tribunaux ont été obligés de se renfermer dans les limites de leurs attributions; il ne leur a plus été permis de refuser d'enregistrer les lois, et les actes du pouvoir législatif n'ont plus eu besoin de la sanction du pouvoir judiciaire.

Alors l'enregistrement, borné à une simple transcription, n'a plus eu qu'un seul objet, celui de servir à la publication des lois.

Pourquoi faut-il que les lois soient publiées ? Ce n'est pas seulement pour que les juges en aient connaissance, c'est aussi pour qu'elles soient connues de tous les citoyens. La transcription produit-elle ce dernier effet? Non, sans doute.

-Une lecture faite à l'audience, au moment de la transcription, est-elle propre à donner cette connaissance générale ? Il est évident qu'elle ne le peut pas.

éloigné. Un tel mode laisse encore au pouvoir judi- ART. ciaire la faculté de hâter ou de différer l'exécution de la loi, en hâtant ou différant sa transcription, et ainsi d'obtenir, par un retard, au moins une partie de ce qu'il ne peut plus obtenir par un refus.

Le but du projet actuel est que l'instant où l'exécution de la loi doit commencer dans chacun des départements de la république, soit fixé d'une manière invariable, et que cette fixation soit l'ouvrage

de la loi seule.

Autant il était difficile avant la révolution de connaître la loi lorsqu'elle était rendue, autant il est facile aujourd'hui d'acquérir cette connaissance.

Autrefois les lois se faisaient secrètement; souvent même elles restaient cachées dans les ténèbres longtemps après avoir été faites.

Aujourd'hui, dès qu'un projet de loi est adressé au corps législatif, il se répand dans toutes les parties de la république. Bientôt ensuite les débats circulent, et lorsque enfin la loi est décrétée, les copies en sont tellement multipliées par la voie de l'impression, que chacun peut aisément en prendre connaissance. L'acte constitutionnel exige qu'il y ait un intervalle de dix jours entre le décret du corps législatif et la promulgation générale faite par le premier consul; et tout le monde sait qu'aucune feuille publique n'attend, pour annoncer la loi, que l'époque de la promulgation soit arrivée.

Autrefois la loi devait être exécutée aussitôt après l'enregistrement, qui produisait le double effet d'une sanction et d'une promulgation. Aujourd'hui, comme je viens de l'observer, la loi n'est promulguée que dix jours après qu'elle a été rendue; ainsi son exécution ne pourrait jamais commencer avant l'échéance de ce délai.

Mais la loi proposée ajoute un autre délai pour que la promulgation soit réputée connue. Elle le gradue suivant les distances. Elle prend un terme moyen entre le plus et le moins de célérité dans le passage d'un lieu à l'autre. Elle porte enfin que la promulgation faite par le premier consul sera réputée connue dans le département où siégera le

Cependant ce n'est que du moment où la loi est gouvernement, un jour après celui de la promulréputée connue, qu'elle doit être exécutée.

Ce mode de publication contient d'ailleurs un grand vice, c'est qu'il fait dépendre de la volonté de l'homme ce qui ne doit dépendre que de la volonté de la loi. La perte d'un bulletin, les accidents de la poste, la négligence d'an officier public, peuvent exposer la loi à rester longtemps sans exécution, et souvent à être exécutée plus tard dans le voisinage du lieu où elle a été rendue, qu'au point le plus

gation; et dans chacun des autres départements, après l'expiration du même délai, augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois dix myriamètres (environ vingt lieues) entre la ville où la promulgation en aura été faite et le chef-lieu de chaque département.

Telle est la disposition du premier article, le seul qui traite de la publication des lois. Il n'en résulte pas la conséquence qu'à l'avenir le gouvernement

ART. cessera d'envoyer le bulletin aux tribunaux. On doit en conclure seulement que l'envoi du bulletin ne sera plus nécessaire pour qu'on ne puisse se dispenser d'exécuter la loi.

Quelques personnes, en convenant que le délai progressif était plus avantageux que la transcription, ont ajouté qu'ils ne préféraient l'un à l'autre qu'à cause des termes fixes attachés au délai, tandis que la transcription n'en avait aucun.

Mais ils ont prétendu que le meilleur de tous les modes était le délai uniforme.

Le délai uniforme, ont-ils dit, n'a qu'un seul terme pour toutes les parties de la France.

Le délai progressif en a un différent pour chaque distance de vingt lieues.

Le premier est simple et naturel.

Le second exige des calculs.

L'un ne laisse aucune difficulté dans l'exécution. L'autre ne prévient point tous les embarras. Avec le délai uniforme, tous les biens de chaque individu deviendront au même moment soumis à la même loi.

Avec le délai progressif, il s'écoulera souvent un intervalle de temps pendant lequel partie des biens de la même famille restera sous l'empire de l'ancienne législation, tandis qu'une autre partie sera déjà sous l'empire de la nouvelle.

On a répondu que si le délai uniforme semblait, au premier coup d'œil, plus séduisant que le délai progressif, il était facile, avec un peu d'attention, de reconnaître que le délai progressif devait être préféré.

D'abord, en fait de calcul, ce dernier mode est si clair, il présente si peu de difficultés, qu'il n'est personne qui ne puisse en un moment le concevoir et le retenir.

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En second lieu, n'est-il pas évident que l'action de la loi doit rester suspendue le moins de temps possible? Elle doit l'être seulement le temps nécessaire pour que la loi soit réputée connue; et comme il est impossible que la loi soit connue partout au même instant, il en résulte que son exécution doit commencer à des époques plus ou moins reculées, selon le plus ou le moins d'éloignement des lieux. En troisième lieu, le délai uniforme ne pourrait pas être applicable à toutes les lois indistinctement, comme le sera le délai progressif. Dans l'hypothèse❘ de l'uniformité de délai, il y aurait pour les départements voisins du lieu où siége le gouvernement, un intervalle de temps considérable entre le moment où la connaissance de la loi leur serait arrivée, et celui où ils pourraient l'exécuter; car le

délai unique devant être réglé d'après le temps né- art. cessaire pour que la loi fût réputée connue au point le plus éloigné du centre, il faudrait accorder quinze jours au moins, ce qui, avec les dix jours antérieurs à la promulgation, formerait un délai de vingt-cinq jours. Cela posé, toutes les fois qu'il s'agirait de lois particulières à l'égard desquelles il importera à l'État d'obtenir la plus prompte exécution, il serait indispensable que ces mêmes lois continssent une dérogation au délai uniforme. Sans cette dérogation, beaucoup de lois, surtout en matière de finance, deviendraient illusoires, quelquefois même plus dangereuses qu'utiles. Aussi les partisans du délai uniforme n'ont-ils jamais manqué de proposer en même temps une disposition qui autorisât la dérogation. N'était-ce pas consacrer la mutabilité sur un point de législation qui doit être invariable?

Enfin, depuis des siècles, si l'on excepte quelques ordonnances, jamais les lois n'ont été mises à exécution partout au même instant, et l'on ne voit pas que cette exécution progressive ait été jamais le fondement d'aucune plainte.

On a remarqué que, suivant le mode proposé par la loi, le chef-lieu de chaque département servira d'échelle de distance. A ce moyen, les époques différentes d'exécution ne seront point trop multipliées, comme elles l'eussent été en prenant le chef-lieu de chaque arrondissement communal. D'un autre côté, les distances auraient été trop longues en prenant le chef-lieu de chaque tribunal d'appel. En un mot, la division sera plus juste et plus égale que si l'on eût pris l'une ou l'autre mesure.

Tant de motifs réunis ont déterminé le tribunat en faveur du délai progressif.

Je passe à l'article 2, qui porte que la loi ne dis- 2 pose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif.

|
La loi ne doit avoir pour but que de régler les
cas non encore arrivés. S'il en était autrement, ja-
mais il ne pourrait exister rien de stable. Ce qu'on
aurait fait aujourd'hui conformément à la loi, ou
sans qu'aucune loi s'y opposât, serait détruit de-
main par une seconde loi, et l'ouvrage de demain
pourrait être à son tour anéanti par l'intervention
d'une loi nouvelle.

Rien de plus sage que le principe énoncé par l'ar- 2 ticle 2.

En vain on opposerait qu'il ne doit point trouver place dans un code de lois, parce qu'il ne regarde que les législateurs, qui peuvent toujours changer les lois qu'ils ont faites, et substituer au principe une nouvelle loi rétroactive dont les tribunaux ne

ART. pourraient se dispenser d'ordonner l'exécution, et | pourra-t-il le traiter plus favorablement que ses artà laquelle les citoyens ne pourraient se dispenser propres citoyens? d'obéir.

Cette disposition ne contient pas seulement un précepte pour les législateurs elle contient de plus une obligation pour les juges et une garantie pour les citoyens.

Elle recommande aux juges de ne jamais appliquer la loi à des faits antérieurs à son existence. Elle garantit aux citoyens qu'ils ne seront jamais recherchés pour quelque acte que ce soit, si cet acte n'était défendu par aucune loi lorsqu'on l'aura com

mis.

Tels sont les principaux motifs de l'assentiment que le tribunat a donné à l'article 2.

Je ne m'étendrai point davantage sur les motifs de cet article, qui a obtenu un assentiment général.

L'article 4 porte que le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence et de l'obscurité, ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Cette disposition est une de celles dont l'expérience a le plus fait reconnaître l'indispensable nécessité.

Il est souvent arrivé, surtout pendant un assez long intervalle de temps, que des tribunaux civils trouvant la loi muette ou obscure sur une question qui leur était soumise, se sont adressés au corps législatif pour avoir une solution qu'ils croyaient ne pas devoir donner, et en conséquence ont sus

L'article 3 règle plusieurs points dont l'importance devait en effet leur assigner une place au rang des dispositions relatives à l'application des lois en gé-pendu le jugement jusqu'à ce que la réponse fût

néral.

Il contient les principales bases d'une matière connue dans le droit, sous le titre de statuts personnels et de statuts réels. Il détermine d'une manière précise et formelle quelles sont les personnes et quels sont les biens que régit la loi française.

A l'égard des biens, il suffit qu'ils soient situés en France pour que la loi de France les régisse. Peu importe d'ailleurs que le propriétaire soit Français ou étranger; car il ne peut y avoir pour régir ces biens que les lois du pays au territoire duquel ils sont attachés. Tel est le statut réel. On a toujours compté en France autant de statuts réels qu'il y avait de coutumes et d'usages locaux; désormais il n'y en aura plus qu'un seul, puisque nous aurons un code uniforme pour toute la république.

Quant au statut personnel, on distingue entre les lois qui règlent l'état et la capacité des personnes, et celles qui concernent la police et la sûreté du pays. Il suffit d'être Français pour que l'état et la capacité de la personne soient régis par la loi française. Que l'individu réside en France ou qu'il réside en pays étranger, dès qu'il est Français, la règle est la même; sa qualité de Français le suivant par tout, les lois qui dérivent de cette qualité doivent le suivre également.

Quant aux lois de police et de sûreté, il suffit d'habiter le territoire français pour être sous l'empire des lois de France. L'individu contracte, en entrant dans un pays dont il n'est pas sujet, l'obligation de se soumettre à toutes les lois établies pour l'ordre et la tranquillité du pays. S'il est assez téméraire pour les enfreindre, comment ce pays

arrivée. On n'aurait point ainsi suspendu le cours de la justice, si l'on eût été sans cesse pénétré de ce principe, que la loi n'a point d'effet rétroactif. Il est incontestable que la loi, ne pouvant disposer que pour l'avenir, ne doit point statuer sur des questions soumises aux tribunaux antérieurement à son existence. Si elle le fait, cette loi n'est point, par rapport à ces mêmes questions, une disposition législative, elle ne l'est que dans l'expression; mais dans la réalité c'est un jugement. Et de là résulte une confusion manifeste du pouvoir législatif avec le pouvoir judiciaire.

D'ailleurs, en émettant une loi sur chaque difficulté non prévue, de quelle quantité prodigieuse de lois ne serait-on pas bientôt accablé? Combien de fois aussi n'arriverait-il pas que la loi particulière dérogerait à la loi générale, au lieu d'être seulement interprétative? Et comme l'ancienne loi se trouvait liée à d'autres lois corrélatives, il n'y aurait plus d'ensemble dans les différentes parties de la législation on y verrait au contraire une incohérence monstrueuse, d'où résulterait une source de procès. Alors, comme a dit un philosophe célèbre (Bacon): « Les lois, qui doivent servir de flambeau pour nous faire marcher, seraient autant d'entraves qui nous arrêteraient à chaque pas. »>

En matière criminelle, les inconvénients seraient bien plus graves encore. S'il fallait attendre une loi pour juger un acte que les juges croiraient condamnable, et sur lequel aucune loi ne leur paraîtrait avoir prononcé, certes il n'est pas un citoyen qui ne dût être continuellement effrayé par la crainte de se voir un jour poursuivi comme coupable,

ART. en vertu d'une loi postérieure à l'acte qu'il aurait commis dans un temps où cet acte n'était nullement défendu.

En un mot, pour toute affaire, soit civile, soit criminelle, ou la loi parle, ou elle se tait. Si la loi parle, il faut juger en se conformant à sa volonté. Si elle se tait, il faut juger encore, mais avec cette différence, que lorsqu'il s'agit d'une affaire civile, les juges doivent se déterminer par les règles de l'équité, qui consistent dans les maximes de droit naturel, de justice universelle et de raison; et que lorsqu'il s'agit d'un procès criminel, l'accusé doit être renvoyé, vu le silence de la loi. Enfin reste-t-il encore des difficultés? C'est au tribunal de cassation de les lever; tribunal suprême, établi pour venir au secours des citoyens dans les cas où l'on aurait appliqué des lois qui ne devaient pas l'être, comme dans ceux où l'on n'aurait trouvé aucune loi applicable, lorsqu'il en existait qui devait être appliquée.

Suivant l'article 4, qui vient d'être analysé, les législateurs ne doivent pas s'attribuer les fonctions de juges.

un certain laps de temps, un code particulier pour artchaque ressort de tribunal d'appel.

L'article 6 contient une maxime conforme à celle 6 que les Romains avaient consacrée. Une convention particulière blesse-t-elle l'ordre public ou les bonnes mœurs, elle est réprouvée par la loi. Ne contient-elle rien ni contre les bonnes mœurs, ni contre l'ordre public, elle doit être et est en effet permise, lors même qu'elle porterait dérogation à quelque disposition de la loi. Tel est le vœu de l'article 6. Le principe est juste, son application est facile. Ainsi, par exemple, deux époux ne pourraient convenir de dissoudre leur mariage à la volonté de l'un des deux, et sans l'observation préalable des conditions que la loi prescrit. Mais un débiteur et un créancier peuvent faire entre eux une convention particulière, d'après laquelle l'un promettra de ne pas user contre l'autre d'une prescription légale acquise en sa faveur.

Dans le premier cas, la convention est illicite, parce qu'il s'agit de l'existence d'un mariage, et que cet objet tient essentiellement à l'ordre public. Dans le second cas, il s'agit d'un intérêt privé,

Suivant l'article 5, les juges ne doivent pas s'éri- susceptible d'être modifié au gré des parties; il s'ager en législateurs.

Autrefois les cours souveraines rendaient des arrêts de règlement le droit qu'elles prétendaient avoir à cet égard était fondé sur une ancienne possession et sur les mêmes titres que celui qu'elles exerçaient par rapport à l'enregistrement des lois. Il est évident que ces arrêts de règlement étaient tout à la fois des jugements et des lois; des jugements pour la cause sur laquelle ils statuaient, des lois pour les questions semblables ou analogues qui pouvaient se présenter à l'avenir.

Aujourd'hui de tels actes seraient tout à la fois inconstitutionnels et impraticables.

Inconstitutionnels: car la ligne de démarcation est constitutionnellement fixée entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Celui-ci n'a pas plus de droit de faire des lois, que celui-là de rendre des jugements.

Impraticables: car si, par exemple, un tribunal d'appel pouvait faire une disposition générale et réglementaire, il est incontestable qu'elle serait obligatoire pour tout son ressort, et qu'elle ne s'étendrait point au delà de son ressort. Alors chaque tribunal de cette classe pouvant aussi faire la même chose, il en résulterait inévitablement une foule de dispositions contradictoires sur les mêmes points, et le bienfait d'un code général, qui consiste à rendre la loi partout uniforme, deviendrait anéanti par des lois partielles, dont la réunion offrirait, après

git d'un acte contre lequel l'ordre public ne peut réclamer en aucune façon. La convention est donc valable.

A l'égard des bonnes mœurs, il y a même raison je dirai plus, l'une est une dépendance nécessaire de l'autre. Les mots ordre public eussent seuls pu suffire, et l'addition qu'on a faite n'a pour objet que de donner à la rédaction de l'article toute la clarté dont elle était susceptible. En effet, tout ce qui concerne les bonnes mœurs intéresse l'ordre public; mais tout ce qui intéresse l'ordre public n'intéresse pas les bonnes mœurs.

Législateurs, j'ai cru devoir me borner à cette courte analyse sur la loi proposée; l'orateur éloquent qui vous en a développé les motifs, m'a dispensé de tout autre soin. Une loi conçue par la sagesse, mûrie par la réflexion, recommandée par des talents supérieurs, appelle de toutes parts la confiance publique. Le tribunat s'est empressé de l'adopter. C'est à vous, législateurs, qu'il appartient d'en assurer les avantages, en lui accordant une sanction qu'elle sollicite à tant de titres.

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