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ART. celles de la science l'éclairent. Les lumières sont pour elle un autre genre de richesses. Leur flambeau semble ne s'allumer chez cette nation que pour lui faire apercevoir de nouveaux moyens de prospérité. Devant ce même flambeau fuit le préjugé dégradant, et la servitude sa fidèle compagne. Tout État donc qui, comme le nôtre, tend à s'asseoir sur la double base de la puissance d'un peuple, l'opulence et la liberté, ne doit pas négliger d'offrir, dans ses lois, quelques dispositions protectrices au citoyen qu'enflamme la passion des voyages utiles: tant d'événements malheureux, tant de combinaisons imprévues et nécessaires au succès de ses projets peuvent enchaîner son retour!

Et pourquoi n'aurait-il pas aussi sa part de la faveur de la législation, l'homme que des chagrins souvent respectables entraînent loin des objets qui les firent naître, et dont la présence ne servirait qu'à les nourrir au fond d'une âme que la douleur a brisée? Les peines profondes sont presque toujours l'ouvrage de l'état social: n'est-il pas aussi juste que nécessaire qu'il accueille le remède aux maux qu'il a causés ?

A ces considérations générales, j'en ajouterai une qui appartient à notre position présente. La lutte civile et étrangère d'où nous sortons a singulièrement multiplié les déplacements. Le sort d'une infinité de militaires surtout est enveloppé d'une obscurité funeste au repos des familles. L'instant de la victoire devait être aussi pour le gouvernement celui de l'ordre et de la sollicitude.

Toutes ces diverses réflexions nous amènent à reconnaître la nécessité de bonnes règles sur l'absence. Le jurisconsulte célèbre qui a développé, en présence du corps législatif, les motifs du projet de loi qui nous occupe, a signalé les lacunes qu'offrent celles actuellement en vigueur, ainsi que la marche peu assurée de la jurisprudence, qui tâche de les remplir. Il a parlé d'une bonne théorie sur les absents comme d'une chose presque tout entière à créer. Il a fait observer que le droit romain luimême présentait peu de ressources au législateur qui en méditait l'exécution: la vaste prévoyance des lois romaines fait pourtant encore aujourd'hui l'admiration des hommes qui se livrent à la science de la législation. Aussi ce n'est point à l'imprudence de leurs auteurs qu'il faut attribuer le silence qu'elles gardent sur la manière de régler beaucoup de cas que nous voyons résulter de l'absence.

Les lois sont filles des besoins des nations, et les causes que nous avons tout à l'heure assignées aux déplacements sont loin de s'offrir dans le même nombre, avec le même degré d'énergie, surtout

chez le grand peuple des temps anciens, et chez le art. grand peuple des temps modernes. Quoi qu'il en soit, ce que le conseiller d'État a dit des imperfections de notre régime sur les absents est d'une vérité dès longtemps reconnue, et qu'il était cependant convenable de reproduire devant ceux appelés à les faire disparaître. Pour moi, précédé, dans cette discussion, par un orateur dont le discours vous a été distribué, je ne retracerai point le tableau de ces imperfections. Je ne pourrais que vous redire les mêmes choses, et je le ferais sans profit pour la question, et avec trop peu de respect pour votre attention, à laquelle je ne dois présenter que des aperçus nouveaux sur la matière, si toutefois cela est possible, lorsqu'un si beau talent a voulu la traiter avec quelque étendue.

Je vais donc envisager le projet de loi en luimême. C'est aussi beaucoup moins ce qui fut que ce qui sera, qu'il vous importe de connaître; car vous avez à juger les avantages du système qui va commencer, et non les vices de celui qui va finir.

Fixons d'abord la signification du mot absence. 115 L'absent, dans le langage des lois, est celui qui n'est 119 pas dans le lieu de sa résidence ordinaire. Cette acception commune se restreint dans le projet qui nous occupe. Une personne cesse de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence depuis cinq ans; on n'en a point eu de nouvelles pendant ces cinq années : c'est l'état de cette personne qui constitue l'absence.

Cette personne peut, sans avoir laissé de procurateur fondé, ou en ayant laissé un dont les pouvoirs viennent à cesser, posséder des biens qui périclitent, faute d'être administrés; des droits peuvent s'ouvrir en sa faveur; si elle est mariée, son éloignement ne sera pas sans quelque influence sur l'intérêt de son conjoint, sur ceux de ses enfants mineurs. Ces résultats de l'absence sont trop importants, pour que l'examen et la reconnaissance authentique de tout ce qui peut l'établir, soient abandonnés aux passions ou à l'arbitraire. Enfin, avant que l'absence, proprement dite, ait lieu, tout ce qui est possible après, relativement aux biens laissés et à ceux susceptibles d'échoir, n'est pas moins possible avant, c'est-à-dire dans le cours des cinq années que dure la disparition sans nouvelles, ou dans l'état que le projet qualifie présomption d'ab

sence.

La loi doit donc embrasser, et le projet embrasse en effet, tous ces différents cas. Pour cela, il se partage en quatre chapitres. Le premier traite de la présomption d'absence; le second, de sa déclaration; le troisième, de ses effets. Ces effets sont

ART. examinés dans trois sections différentes: 1° relativement aux biens que l'absent possédait au jour de sa disparition; 2o relativement aux droits éventuels qui peuvent lui compéter; 3° relativement au mariage.

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Le chapitre IV traite de la surveillance des enfants mineurs du père qui a disparu. Je les discuterai successivement, dans l'ordre même du projet.

Vous savez déjà que par la présomption d'absence on entend l'état d'une personne qui n'est point au lieu de sa résidence accoutumée, et dont on n'a point de nouvelles, mais dont la disparition n'a point duré pendant cinq ans encore. Cette personne n'a point laissé de procureur fondé, ses biens souffrent dans ce cas, les parties intéressées s'adressent aux tribunaux, et il est pourvu par eux à l'administration de ses biens.

:

Le juge ne doit accueillir la requête de pourvoir à cette administration, qu'autant qu'il y a nécessité. Ce n'est donc qu'au nom de la loi impérieuse de la nécessité que le secret de l'asile et des affaires du présumé absent sera violé; et par qui le sera-t-il encore? par le ministère du juge, du magistrat, dont le caractère, comme la nature des choses, garantit l'impartialité, et par suite la réserve et la discrétion.

Si le présumé absent est intéressé dans des inventaires, comptes, partages, ou liquidations, un notaire est commis pour le représenter. Les connaissances spéciales d'un tel fondé, la probité, la prudence que l'on ne peut s'empêcher de supposer chez un homme qui, par profession, est l'organe et le dépositaire de la foi publique; tout ici, comme dans l'autre cas, protége ses intérêts.

J'ajouterai que le ministère public est particulièrement chargé de les embrasser dans sa surveillance, qu'il doit être entendu sur toutes les demandes qui concernent l'absent; et vous serez convaincus que les articles qui composent le premier chapitre, et dont les dispositions diffèrent peu d'ailleurs de ce qui est établi par l'usage, et par la loi du 11 février 1791, présentent, en faveur des présumés absents, des vues telles que nous les avons appelées, en commençant ce rapport, des vues vraiment paternelles.

Je passe à l'analyse du chapitre second. C'est dans cette partie du projet que se trouve déterminée la manière dont l'absence devient un fait authentique et légal. Quatre ans se sont écoulés sans qu'une personne ait paru au lieu de son domicile ou de sa résidence, et qu'on ait eu de ses nouvelles. Alors les parties intéressées sont admises à se pourvoir devant les tribunaux pour faire déclarer

l'absence. Des pièces, des documents à l'appui, sont Art apportés par elles à la justice : au même instant, le 116 tribunal ordonne qu'une enquête sera faite contradictoirement avec le commissaire du gouvernement dans l'arrondissement du domicile et dans celui de la résidence, s'ils sont distincts. Les circonstances 117 matérielles résultantes de l'enquête pourraient tendre à faire reconnaître l'absence: elles ne suffiront pas pourtant toujours pour que le tribunal la déclare; il faudra encore qu'il n'aperçoive aucune cause qui ait pu mettre le présumé absent dans l'impossibilité de donner de ses nouvelles.

Enfin on suppose l'absence déclarée : le jugement 118 qui intervient dans cette circonstance, ainsi que celui qui a ordonné l'enquête, sont rendus publics; cette publicité est confiée au grand juge; ministre de la justice, à qui les gazettes, nos relations diplomatiques et commerciales, fournissent tous les moyens de la rendre la plus grande possible, de la faire arriver, au besoin, à tous les points connus du globe. Le jugement qui déclare l'absence ne doit 119 être prononcé qu'un an après celui de l'enquête. Ainsi tous ceux qui auront quelques rapports d'amitié avec un présumé absent; ce présumé absent luimême, dont les oreilles devront être frappées du bruit des mesures qui vont se prendre contre lui, pourront donner aux juges, sur son existence, les renseignements que l'avidité aurait dissimulés, et déjouer ainsi les menées de la mauvaise foi. Il était difficile que la prévoyance de la loi fût plus scrupuleuse.

Quoique la raison dise que l'absent ne peut être considéré ni comme vivant ni comme mort, la présomption de la vie a dû jusqu'ici l'emporter sur celle de la mort; mais la solennité de l'enquête change la face des choses. Un individu a, pendant cinq ans, laissé ses biens à l'abandon; le silence de ses parents, de ses amis, atteste qu'il ne leur a pas donné de ses nouvelles; lui-même, que la renommée a dû avertir, ne se représente point: comment imaginer alors qu'un homme puisse ainsi devenir sourd à la voix du sang', de l'amitié, de l'intérêt? La présomption de la mort triomphe donc nécessairement à son tour, et elle devra se fortifier en proportion de la durée de l'état des choses qui lui a donné naissance. Voyons ce que le projet règle à cet égard. Ce qu'il dispose est exprimé au chapitre 3: nous allons nous occuper de l'examen des trois sections qui le composent.

Le premier article de la première section, ou l'article 120 du projet, autorise les tribunaux à envoyer en possession provisoire les héritiers présomptifs qui le demandent, lorsque l'absence a été

120

ART. déclaré

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et dans le cas où il n'a pas été laissé de procuration.

ture du testament? Il suffirait de faire remarquer ART. qu'il est de principe qu'un testament est essentielle

tendu légataire ne le fût plus réellement au moment où l'envoi serait prononcé en sa faveur. L'héritier présomptif, dont les prétentions sont moins précaires, devait donc être privilégié.

Cette disposition est une suite necessaire et justement révocable. Il pourrait donc arriver que le préde la présomption de mort qui domine. S'il y a une procuration, la déclaration de l'absence, et l'envoi en possession provisoire, ne pourront être poursuivis par les héritiers qu'après dix années révolues depuis la disparition ou depuis les dernières nouvelles. Cetre modification, consacrée dans l'article 121, est raisonnable : la procuration explique comment son auteur a cru pouvoir se dispenser de correspondre pendant un certain temps; mais la présomption de mort reprend ses avantages après onze ans révolus sans nouvelles : les choses doivent donc alors rentrer dans l'ordre général de la loi.

Un autre cas est prévu par l'article 122, c'est celui où la procuration vient à cesser, comme par l'effet de la mort du fondé; mais l'intention de l'absent est là pour déposer de l'opinion où il doit être que les pouvoirs qu'il a donnés ont leur effet. Cet événement n'a donc rien qui puisse affaiblir les inductions favorables que l'on titre de la procuration. Aussi est-il dit dans l'article, qu'on attendra de même pour déclarer l'absence, en ce cas, la révolution de onze années. Il est pourvu à l'administration des biens de l'absent, alors abandonnés, ainsi qu'il est réglé au chapitre premier.

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Après avoir ainsi réglé les intérêts de tous ceux qui peuvent avoir sur les biens d'un absent des droits subordonnés à la condition de sa mort, le projet de loi s'occupe de ceux de l'époux commun en biens. Si celui-ci opte pour la communauté, il pourra empêcher l'envoi en possession provisoire, ainsi que l'exécution des autres conditions dépendantes du décès. Il conservera ou prendra, suivant son sexe, l'administration des biens. Il paraît d'une justice difficile à contester que le conjoint soit préféré. D'abord, si l'on considère l'avantage de l'absent lui-même, on sentira que personne ne pouvait offrir plus de garantie d'une administration soigneuse que l'individu qui, en administrant ́la fortune de l'absent, administrera aussi dans cette fortune la sienne propre.

On suppose les héritiers présomptifs envoyés en possession provisoire, à l'exclusion de ce conjoint, et on demande si la communauté alors serait rompue, ou si elle continuerait de subsister.

Dans ce dernier cas, serait-il assez bizarre l'arrangement qui placerait l'administration de la partie des biens qui appartient à l'époux de l'absent, entre les mains de tiers qui n'auraient ni son agrément, ni sa confiance? D'un autre côté, nulle autorité n'a le droit, nous le pensons, de rompre la com

Dans la marche ordinaire des choses, la mort seule devait ouvrir les droits des héritiers présomptifs une fiction les saisit provisoirement des biens qu'ils avaient espoir de recueillir un jour; la même fiction devait saisir provisoirement aussi de leurs avantages tous ceux qui les attendaient éga-munauté. Elle a pour garantie la foi du contrat de lement du décès de l'absent, tels que les légataires, donataires et autres : c'est aussi ce qui aura lieu. Dans le cas de l'envoi des héritiers présomptifs en possession provisoire, le testament, s'il en existe un, sera ouvert et exécuté. Et en effet, comment pourrait-on apercevoir quelque différence entre les droits des uns et ceux des autres? Le droit de l'héritier présomptif, par exemple, et celui de l'héritier testamentaire, n'ont-ils pas une source commune et unique dans la loi qui les reconnaît? or, un droit est quelque chose d'absolu qui n'admet point du plus ou du moins.

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mariage, et ce contrat ne peut être anéanti contre la volonté d'une des parties intéressées à le maintenir. Les droits des conjoints sont positifs; ceux des héritiers présomptifs, de leur nature toujours incertains, ne pouvaient soutenir la concurrence; l'époux qui aura d'abord opté pour la continuation de la communauté, pourra y renoncer ensuite : la disposition contraire eût été trop rigoureuse. Les biens de la communauté peuvent dépérir entre ses mains, et ce malheur être dû à des causes imprévues et indépendantes de l'administrateur, qui n'aura souvent d'ailleurs consenti à le devenir, que déterminé par son attachement aux intérêts de l'absent lui-même. Ce dévouement ne pouvait être payé de la perte d'un droit, dont l'exercice fut une condition de son union.

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Dans cette partie de la première section du cha- 121 pitre 3 que nous venons d'analyser, le projet, tout 123 en réglant ce qui est relatif à la possession provi- 124

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établit différentes mesures dont l'objet est de conserver à l'absent sa fortune, en cas de retour. Les héritiers présomptifs, les légataires, les donataires, et autres exerçant des droits subordonnés à la condition du décès; l'époux qui, dans le cas de la dissolution provisoire, exerce ses reprises et autres droits; tous sont astreints à donner caution. Il est déclaré ensuite formellement que la possession provisoire n'est qu'un dépôt qui rend comptables ceux qui l'obtiennent envers l'absent, en cas qu'il reparaisse et qu'on ait de ses nouvelles. Les dépositaires doivent faire procéder à l'inventaire de son mobilier, de ses titres; le tribunal peut ordonner la vente de tout le mobilier ou d'une partie; il est fait emploi | du prix, ainsi que des fruits échus au moment de l'envoi ; enfin il est défendu à tous ceux qui ne jouiront qu'en vertu de l'envoi en possession provisoire, d'aliéner ou d'hypothéquer les immeubles de l'absent. L'article 127 n'accorde à l'absent que le cinquième des revenus, s'il reparaît avant quinze ans, et le dixième, s'il revient après ce laps de temps. Le possesseur provisoire n'est qu'un administrateur, un dépositaire des biens pendant l'absence; la totalité des revenus ne pouvait lui appartenir ni en l'une ni en l'autre qualité : mais il était équitable de récompenser les soins de tout genre attachés à sa gestion. Cette mesure n'était pas moins commandée par les intérêts de l'absent lui-même, dont la fortune aurait pu rester sans administrateur, s'il n'y avait eu aucune indemnité à espérer.

La graduation établie dans les restitutions, suivant le nombre des années, est justifiée par la nature même des choses. Le fardeau de l'administration deviendra plus lourd à mesure qu'il aura été porté plus longtemps. C'est cette considération, jointe à quelques autres que nous aurons occasion de faire remarquer, qui a dicté l'article 129.

L'envoi en possession provisoire n'est prononcé qu'après cinq ans de non présence sans nouvelles : ce n'est donc qu'après trente-cinq ans de cet état qu'il deviendra définitif. Or, après un si long temps, la présomption de la non-existence est dans son maximum de force; il en est de même lorsque cent ans, le terme le plus prolongé en général de la vie humaine, se sont écoulés depuis la naissance de l'absent. Le projet, à cet égard, ne fait au surplus que se conformer à la jurisprudence actuellement subsistante. Seulement, dans le premier cas, il y a en plus, et c'est encore une disposition de faveur pour l'absence, les cinq années qui précèdent la déclaration.

Il était sans motifs plausibles de laisser plus long- ART. temps les héritiers et autres ayant droits, possesseurs incertains de biens que toutes les probabilités présentaient comme devenus leur propriété.

La présomption de la mort de l'absent, quelque 132 forte qu'elle soit devenue, n'est toujours point la certitude absolue. Le projet doit donc s'occuper de son sort dans le cas d'un retour peu probable, à la vérité, mais pourtant possible. Il ordonne que ses biens lui soient rendus, mais dans l'état où ils se trouvent. La bienveillance du législateur ne pouvait aller plus loin. Si l'absent éprouve quelque dommage, il ne doit l'imputer qu'à lui-même. Après tant d'années, son silence ne peut guère n'avoir pas été volontaire.

et

Le projet prévoit un autre cas : c'est celui où l'absent aurait eu des enfants depuis son départ, dont l'existence aurait été inconnue au moment de l'envoi en possession définitive de ses biens.

L'article 133 conserve à ces enfants le droit d'en réclamer la restitution pendant les trente ans qui suivent cette possession : c'est tout ce qu'il était permis de faire. Les possesseurs auront toujours à présenter aux descendants le temps le plus long, et toutes les autres conditions requises pour la prescription.

J'ai examiné tout ce qui devait l'être dans la première section du chapitre 3. Je passe à la seconde.

133

Il peut échoir des droits à un individu pendant 135 son absence légale; il peut s'ouvrir en sa faveur une succession: la jurisprudence est encore maintenue sur ce point. Quiconque réclamera au nom de l'absent, devra prouver son existence. Cette marche était aussi dans la théorie du projet de loi : un absent n'est ni mort ni vivant, d'après cette théorie. C'est parce qu'il n'est pas mort, qu'elle ne l'exproprie jamais; c'est parce qu'il n'est pas vivant, qu'elle ne l'admet pas à succéder. Tel est l'esprit des dispositions principales contenues dans cette section.

Celle qui suit s'occupe, ainsi que nous l'avons annoncé, des effets de l'absence, relativement au mariage.

Le mariage a toujours échappé aux conséquences générales qu'on a tirées de l'absence par la conduite à tenir à l'égard des biens; il n'y a que la certitude authentique de la mort d'un conjoint qui puisse autoriser l'autre à arguer de sa viduité pour contracter une seconde alliance. La jurisprudence universelle à cet égard a été respectée : un gouvernement réparateur de la morale publique devait rendre cet hommage à la sainteté du premier des contrats. La faculté d'attaquer une nouvelle union est laissée à

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ART. l'époux absent; mais elle est bornée à lui seul ou à son fondé de pouvoir. Il eût été peu sage de multiplier les occasions de procédures toujours scandaleuses l'honnêteté publique devait ici l'emporter sur toute espèce de considération.

141

Un père peut avoir disparu, laissant des enfants mineurs, issus d'un commun mariage; la mère en aura la surveillance. Elle exercera les droits du mari

quant à leur éducation et à l'administration de leurs 142 biens. Si elle est décédée, la surveillance des enfants sera déférée par un conseil de famille aux ascendants les plus proches, et, à leur défaut, à un tuteur provisoire. Ces dispositions, contenues aux deux premiers articles du chapitre 4, sont concordantes avec celles du projet sur les tutelles, que les communications officieuses ont fait connaître à 143 votre section. Dans le cas où l'absent laisserait des enfants issus d'un mariage précédent, il en sera agi comme dans le cas des enfants communs et du décès de la mère : l'article 143, le dernier du projet, en le réglant ainsi, remet les enfants aux mains de ceux que la nature et la raison désignaient à la loi. Tribuns, je me suis acquitté, non dignement peut-être, du devoir que m'avait ordonné de remplir à cette tribune votre section de législation. Si pourtant j'ai offert à vos esprits, avec quelque fidélité, les motifs de l'assentiment qu'elle a donné au projet de loi sur lequel vous avez à voter, vous les aurez particulièrement vus dans la vigilante et infatigable protection qu'il garantit à l'absent; dans la sage graduation qu'il établit entre les effets de cette protection, suivant les causes et la durée de l'absence; dans l'heureuse conciliation de tout ce que l'absent a droit de demander à l'État, et de ce qu'ont le droit aussi d'en attendre les tiers que peut léser l'incertitude répandue sur son sort; dans l'attention tutélaire enfin, qui n'aura point échappé à vos consciences, avec laquelle les auteurs du projet ont constamment placé les absents et les parties intéressées sous l'égide des tribunaux, sous l'égide d'un pouvoir essentiellement impartial, celui des pouvoirs publics, qui est éminemment le gardien des droits des citoyens.

D'après toutes ces considérations, votre section

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Jusqu'à présent aucune loi n'avait établi d'une manière positive les diverses règles à suivre dans les cas d'absence. Des usages locaux, une jurisprudence incertaine, variable ou contradictoire, quelques articles de coutumes ou d'ordonnances applicables à des cas particuliers, étaient les documents épars dans lesquels les tribunaux puisaient, sur cette matière, les motifs de leurs décisions, et les citoyens, la règle de leur conduite.

Cependant le goût des voyages de long cours et d'outre-mer, les entreprises de commerce, les déplacements fréquents des citoyens d'une province ou d'un département à un autre, ont, depuis plus d'un siècle, tellement multiplié les absences, qu'il était indispensable et même urgent de faire une loi positive qui, en embrassant entièrement, autant que possible, toute cette partie de la législation, fit cesser ces incertitudes et en quelque sorte cet arbitraire.

C'était naturellement dans le code civil que devait se placer une pareille loi.

Législateurs, c'est du projet de cette loi, soumis dans ce moment à votre sanction, que je viens vous

entretenir.

Elle formera le quatrième titre du code civil. Il est divisé en quatre chapitres, et contient trente-deux articles, depuis l'article 112 jusqu'à l'article 143. Le premier chapitre traite de la présomption d'ab

sence.

Le second, de la déclaration d'absence. Le troisième, des effets de l'absence. Et le quatrième, de la surveillance des enfants mineurs du père qui a disparu.

CHAPITRE PREMIER.

De la présomption d'absence.

Quant au premier chapitre, de la présomption

de législation vous invite à voter l'adoption du pro-d'absence, il regarde ceux qu'on ne peut pas encore

jet de loi.

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réputer absents proprement dits, soit parce qu'ils ont encore leur domicile ou un dernier domicile connu, soit parce qu'ils ne sont absents que du lieu où il s'ouvre des droits en leur faveur ; que dès lors leur existence est certaine; soit enfin parce qu'il n'y a pas assez de temps qu'ils se sont absentés, pour qu'on ne puisse pas croire à leur prochain retour:

ART.

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