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commun.

ARBITRE.

C'est aussi l'opinion de M. Mongalvy; mais, d'après Carré, no 3348, et Pardessus, n° 1401, il n'est pas exigé à peine de nullité que la conférence ait lieu entre le tiers arbitre et les arbitres réunis le tiers arbitre peut entendre chacun des arbitres séparément, et rendre ensuite son jugement. Cette dernière opinion est certainement conforme à la lettre de la loi; on peut même dire qu'à la rigueur elle l'est à son esprit, puisque, si les arbitres ou l'un d'eux refuse de venir conférer, le tiers arbitre peut juger sur le seul vu de leurs avis. Mais, prise dans son acception ordinaire, l'expression de la loi donne l'idée d'une conférence qui a lieu en commun; et c'est ainsi que le tribunal l'a entendu. C'est pareillement ce que le décret de l'an 3 exigeait d'une manière formelle, car il voulait que le jugement fût rendu en - M. Carré, no 3348, voit une nullité dans le défaut de conférence simultanée ; il cite, comme conforme à son opinion, l'arrêt de la cour de Paris du 15 nov. 1814, rapporté sous le no 843; mais cet arrêt ne décide pas cette question. A l'égard de M. Chauveau, son annotateur, il n'admet pas cette nullité : Il est inutile, dit-il, de répéter ici que, suivant nous, les arbitres divisés n'ont pas à modifier leur décision. Une réunion générale n'est donc utile que parce qu'il peut de ce concours résulter des lumières et des éclaircissements plus profitables; mais cet avantage est-il tel que sa privation entraîne la nullité de la sentence arbitrale? C'est ce que nous ne pensons pas; du reste, la cour de Paris n'a pas été aussi loin que paraît l'admettre M. Carré. Le tiers arbitre déclarait dans l'espèce qu'il avait entendu les arbitres divisés, et c'était, suivant la cour, énoncer suffisamment qu'il avait conféré avec eux. »

823. Lorsque, après qu'un tiers arbitre a conféré avec les arbitres, les parties se rendent chez lui, non à l'effet d'y débattre leurs intérêts, mais pour s'y arranger entre elles, il n'est pas nécessaire que ce tiers confère de nouveau avec les arbitres (c. pr. 1018) (Req., 11 fév. 1824, aft Georget, V. n° 862).-M. Mongalvy, no 349, résout la question d'une manière absolue; et, pour le cas où une conférence nouvelle sur le litige même aurait eu lieu avec les parties, il pense que le tiers arbitre n'est pas

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juste motif pour ne pas comparaître; Que, par exploit du lendemain 12 septembre, qui emporte virtuellement abandon de celui de la veille, lesdits Bernier et Guillote ont été de nouveau sommés de se trouver au domicile et en présence du sieur Desormes, le lundi 16 septembre, mais que cet acte est nul, aux termes de l'art. 61 c. pr., en ce qu'il ne contient pas une date précise pour la comparution, le lundi indiqué étant le 14 et non le 16 septembre; que, si le sieur Bernier a comparu le lundi 14 devant Me Desormes, M. Guillote ne s'y est pas présenté, induit peut-être en erreur par le défaut d'indication précise du jour où il était appelé; Qu'encore bien que le sieur Desormes ait conféré successivement avec les deux arbitres, le vœu de la loi n'a point été rempli, puisque ceux-ci n'ont pas été sommés régulièrement de se réunir. >>

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Pourvoi de Delandine : -1° Fausse application de l'art. 1055 c. pr. et violation de l'art. 1050, en ce que la sommation du 11 septembre était valable; qu'en effet aucune loi ne prescrit un délai quelconque pour les sommations faites aux premiers arbitres de venir conférer avec le tiers arbitre; que les nullités ne se suppléent pas, et qu'en définitive la loi a entendu exiger plutôt une formalité de convenance à l'égard de juges entre eux, qu'une formalité de droit rigoureux. 2° Fausse application de l'art. 61 c. pr., en ce que par l'indication du jour il faut entendre l'indication du jour du mois et non celle du jour de la semaine; qu'à cet égard il ne peut s'élever aucun doute; que, dans l'espèce, la deuxième sommation du 12 septembre ne pouvait pas légalement induire en erreur les premiers arbitres et les laisser dans l'incertitude de l'époque où ils devaient se réunir au tiers arbitre; que, dès lors, l'exploit n'était pas nul.— 3° Fausse interprétation de l'art. 1018 c. pr., en ce qu'en admettant que les sommations fussent irrégulières, elles ne pouvaient pas entacher de nullité la sentence du tiers arbitre, dès qu'il était constant, en fait, que celui-ci avait conféré avec les arbitres partagés.-Au fond, on examine la question de savoir s'il est nécessaire que le tiers arbitre se soit réuni aux premiers arbitres simultanément, et s'il ne suffit pas, au contraire, qu'il ait conféré avec eux, séparément et successivement. On soutient cette dernière these en invoquant la doctrine de l'arrêt de la cour de Paris, du Arrêt. 15 nov. 1814 (rap. no 843), et la discussion qui l'a précédé. LA COUR; Sur le 1er moyen : Attendu que, dans tous actes, sommations, etc., pour faire comparaître à tel jour, heure, il faut qu'il soit gardé un intervalle entre l'instant où la citation est faite et celui où la comparution doit avoir lieu; - Attendu que cet intervalle ne peut être de moins de vingt-quatre heures, ainsi que le prescrit l'art. 1053 c. pr., d'où résulte qu'en déclarant nulle la sommation faite, le 11 septembre, aux sieurs

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obligé de conférer de nouveau avec les autres arbitres; qu'il est juge discrétionnaire de l'utilité d'une nouvelle conférence. Mais s'il la juge utile, les arbitres ne peuvent s'y refuser, sous peine de dommages-intérêts, s'il y a lieu. - Tout cela est peu susceptible de difficultés; mais ce qui pourrait en élever une, ce serait l'esprit de tracasserie ou de résistance capricieuse.

824. Le défaut de conférence n'est pas une cause de nullité alors que les arbitres ont été sommés de se réunir au tiers arbitre (Bourges, 15 juill. 1817) (1), ou qu'il est constaté dans la sentence du tiers arbitre qu'il a eu des conférences avec eux, et qu'il les a depuis attendus inutilement, quoiqu'il les eût avertis. — « La Cour ; — Attendu, sur le deuxième moyen, qu'il n'a pas été proposé dans l'instance d'appel, et que d'ailleurs le tiers arbitre déclare dans son jugement qu'il avait conféré avec ses deux collègues divisés d'opinion, dans le mois de juillet, et que le jour où il rendit son jugement, il les avait attendus inutilement chez lui, bien qu'il les eùt avertis de s'y rendre; — Rejette. » (1er juillet 1812.-Req.-M. Crotton, rap.-Aff. Richarme C. Bajard.)

825. Mais s'il n'y a pas eu de conférences, et s'il ne conste pas d'une sommation, à l'effet de conférer, faite aux arbitres partagés, il y a nullité. C'est ce qui a été jugé en ces termes :-« La Cour:-Attendu qu'il n'est pas justifié que les deux arbitres divisés aient été entendus par le tiers arbitre, ou régulièrement sommés de se réunir à cet effet; - Met ce dont est appel au néant; émendant, etc. »(1er juillet 1812.-C. de Paris.-Aff. Florion C. Bonnav.) Cette décision découle directement de l'art. 1028.

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826. Quant à la sommation dont parle l'art. 1018, elle peut être suppléée du consentement des arbitres et du tiers arbitre; dans l'usage, il n'en est même pas donné. Il est sensible, en effet, que lorsque les arbitres se réunissent volontairement pour conférer, la sommation devient superflue. Aussi a-t-il été jugé que l'absence de sommation n'est point une cause de nullité, lorsque la sentence constate que le tiers arbitre a conféré plusieurs fois avec les autres arbitres, en présence ou hors la présence des parties (Nimes, 20 mars 1839, af. Delanche, V. no 783).—Et dès que la sommation a été faite aux arbitres d'une manière légale, le

Bernier et Guillotte, de se réunir au tiers expert le même jour, l'arrêt n'a aucunement violé l'art. 1030 c. pr., ni mal appliqué l'art. 1053 du même code; - Sur le deuxième moyen- Attendu qu'en jugeant que, par l'équivoque qu'avait fait naître la date erronée de la seconde citation ou sommation du 12 septembre (portant appel au lundi 16, tandis que le lundi était le 14), la réunion de l'un et l'autre premiers arbitres n'avait pu avoir lieu avec le tiers arbitre, l'arrêt n'a fait que déclarer et juger un point de fait vrai en soi, et duquel était résulté qu'il n'y avait pas eu de réunion, et que le vœu de la loi n'avait pas été satisfait; par conséquent il n'a pu encourir le reproche de fausse application de l'art. 61 c. pr.;- Sur le troisième moyen : Attendu qu'en jugeant que, faute de réunion des deux premiers arbitres au tiers arbitre, ou d'actes réguliers constatant que ceux-ci auraient été sommés de se réunir avec celui-la, la sentence rendue par ce tiers arbitre était nulle et sans effet, l'arrêt a fait une application juste et judicieuse de l'art. 1018 c. pr. civ., qu'on lui fait mal à propos le reproche d'avoir mal entendu; - Rejette.

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Du 4 avril 1858.-C. C., ch. req.-MM. Lasagni, pr.-De Gartempe, rap. (1) (Bonnichon C. Quichon.)- LA COUR; Considérant, sur la 1re question, que la sommation aux arbitres pour se réunir au tiers arbitre, du 19 février, est produite en la cour; qu'à la vérité l'un d'eux n'a pu se rendre à la conférence, mais qu'il n'y avait pas de moyen de l'y contraindre, et que la loi est satisfaite quand les formalités qu'elle prescrit ont été observées; Considérant, sur la 2e question, que la décision du tiers arbitre devait être rendue dans le mois de son acceptation; que, dans l'espèce, cette acceptation est du5 mars et que le jugement est du 14; Qu'en vain on élève des doutes sur cette dernière époque; qu'on ne produit à l'appui ni preuves ni le plus léger adminicule, et qu'au surplus la signature des arbitres fait foi de tout ce qui est contenu dans leur décision; Considérant, sur la 3o question, qu'à la vérité la sentence devait être déposée dans les trois jours, et ne l'a été que le 5 avril; mais que la loi n'y attache pas la peine de nullité, et qu'au surplus il y a une foule de cas où le dépôt ne pourrait être fait dans les trois jours; - Considérant, sur la 4o question, que le motif de l'irrégularité de la sentence est pris de ce que la sentence du tiers arbitre ne contient pas l'énoncé en détail de l'opinion des premiers arbitres; mais que la loi ne l'exige pas; - Qu'à la vérité elle exige qu'il se conforme à l'avis d'un des arbitres, ce qui entraîne la nécessité de faire connaître l'opinion de chacun d'eux; mais que le tiers a rappelé cette opinion sur chaque article, qu'ainsi son opération est régulière ; - Déboute Bonnichon de son opposition. Du 15 juill. 1817.-C. de Bourges.

tiers arbitre peut juger sur leurs avis respectifs sans conférer avec eux, s'ils ne se rendent pas à la conférence; c'est ce qu'exprime l'art. 1018.

827. Il peut juger, malgré l'absence d'un des arbitres, bien qu'il ait su que cet arbitre était en voyage et qu'il lui était dès lors impossible de satisfaire à la sommation de se rendre, avec l'autre arbitre, chez le tiers arbitre, si d'ailleurs il l'a sommé à son domicile de se réunir à l'autre arbitre.... Et la décision du tiers arbitre n'est pas nulle, encore bien qu'il aurait conféré avec l'autre arbitre présent (Paris, 9 janv. 1834) (1).

828. Au reste, la sommation, lorsque les parties ou le tiers arbitre sont obligés d'y recourir, doit être faite dans la forme ordinaire des exploits; et il a été jugé qu'elle n'est pas légale, si elle fixe la réunion à un délai trop court, et par exemple à moins de 24 heures (Req., 4 avril 1838, aff. Delandine, V. n° 822). C'est aussi l'avis très-sage de M. Chauveau sur Carré, n° 3346 bis.

829. Le jugement du tiers arbitre doit mentionner la formalité de la conférence; c'est la marche ordinaire prescrite à peine de nullité (Cass., 21 janv. 1831, aff. Lafitte, V. chap. 12).«Le tiers arbitre, dit la cour de cassation, n'a de caractère, de capacité qu'autant qu'il se conforme aux dispositions de la loi. »>— Mais s'il y avait omission à cet égard dans le jugement, ne pourrait-il y être suppléé par d'autres actes?-Il a été jugé : 1o que le défaut de mention dans une sentence de tiers arbitre, d'une formalité à laquelle il s'est conforme (la conférence avec les arbitres divisés), est valablement réparé par une déclaration émanée

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(1) Espèce (Paignon C. Saint-Sauveur.) - Les époux Paignon demandaient contre les sieur et dame de Saint-Sauveur la nullité d'une sentence arbitrale, en se fondant sur plusieurs moyens. Les premiers juges avaient repoussé les trois premiers moyens de nullité, par ces motifs: « En ce qui touchait le 4 moyen, qu'aux termes de l'art. 1018 c. pr., Patural, un des arbitres, avait été sommé par les sieur et dame de SaintSauveur, l'une des parties, de se réunir à un jour déterminé pour conférer avec le tiers arbitre et l'autre arbitre; que cette sommation avait été faite au domicile réel de Patural, et qu'elle était régulière; que l'absence de Patural, fait à lui personnel, n'avait pu détruire l'effet légal de la sommation; En ce qui toucbait le 2e moyen, que la sentence arbitrale n'avait pas été rendue hors des termes de l'art. 1018; qu'en effet cet article a seulement ordonné que, quand tous les arbitres ne seraient pas réunis, le tiers arbitre prononcerait seul, c'est-à-dire que les arbitres seuls présents ne pourraient entre eux former un nouvel avis, et rendre ensemble une sentence; mais que la loi n'interdit pas au tiers arbitre la faculté de conférer avec celui des arbitres qui répond à la sommation; qu'alors seulement le tiers arbitre n'a d'autre office que de départager les arbitres divisés en optant pour l'un de leurs avis, et de consacrer ainsi l'un des avis rédigés; que c'était ce qui avait eu lieu dans l'espèce; que, d'ailleurs, les nullites ne pouvaient s'étendre; que celles relatives aux sentences arbitrales avaient été déterminées par l'art. 1028 c. pr., et qu'il n'avait pas prévu le cas où le tiers arbitre s'entendrait avec le seul des arbitres qui aurait obéi à la sommation régulièrement faite à tous deux; - En ce qui touchait le 3 moyen, que si la sentence du tiers arbitre était datée du département de Seine-et-Marne, cette circonstance ne pouvait entraîner la nullité de la sentence par lui rendue; qu'en effet la juridiction des arbitres n'était pas territoriale et attachée à teile ou telle localité; mais qu'elle suivait la personne; que, d'ailleurs, ce cas n'était pas prévu par la loi, et qu'une nullité ne pouvait être suppléée. »-Appel par les époux Paignon, ils proposent un 4 moyen, qu'ils fondent sur l'art. 1020 c. pr. Suivant eux, et d'après cet article, la sentence arbitrale, ayant été datée et signée dans le département de Seine-et-Marne, aurait dû être déposée au greffe et rendue exécutoire par le président du tribunal dans l'arrondissement duquel se trouvait le lieu où la sentence avait été datée et signée. Arrêt. LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges, et considérant, sur le 4 moyen de nullité présenté devant la cour, que les deux premiers arbitres ont été nommés et ont opéré à Paris; qu'ils ont été sommés de se réunir chez le tiers arbitre, dans son cabinet à Paris, pour conférer avec lui, et que sa décision, dans laquelle il a adopté l'avis d'un des arbitres, a été préparée à Paris; qu'ainsi, la sentence arbitrale a dû être déposée au greffe du tribunal civil de la Seine; Confirme.

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Du 9 janv. 1834.-C. de Paris, 2 ch.-M. Pecourt, av. gén., c. conf.

(2) Espèce :- (Gouin C. Dobrée.)- Les sieurs Dobrée et autres, asgurés, et les sieurs Gouin et consorts, assureurs maritimes, ont nommé deux arbitres qui, le 4 mars 1835, après avoir déclaré le partage, ont ajouté la mention que voici : :-« Nous prononçons qu'il y a partage; nous avons de nouveau et en tant que besoin nommé pour tiers arbitre, à qui nous avons remis les pièces et le présent, M. Fourcade, déjà nommé d'a

spontanément de lui, plusieurs jours après le prononcé de son ju gement (Nimes, 13 nov. 1832, aff. Larosière, rapp. sous le n° 817); mais à cette époque le pouvoir du tiers arbitre avait pris fin: son certificat était sans valeur (Conf. Carré, no 3351, qui cite dans son sens l'arrêt de la cour de Rennes du 13 déc 1809).- 2o Que lorsque le compromis dispense le tiers arbitre de conférer, la sentence du tiers arbitre n'est pas nulle, en ce qu'elle ne mentionne pas qu'il a conféré avec les arbitres divisés (Toulouse, 22 fév. 1839, aff. Fournol, V. no 807).

830 Néanmoins, il y a présomption que les arbitres ont confére avec le tiers arbitre, comme l'exige la loi, lorsque, dans la sentence déclarative de discord, les arbitres ont annoncé donner tel développement à leur opinion, afin de mettre par là le tiers arbitre mieux à même de l'apprécier (Toulouse, 22 fév. 1839, aff. Fourno!, V. n° 807). Il est aisé de comprendre que la prétendue présomption qui est ici signalée n'est d'aucune valeur; car les mentions consignées dans le procès-verbal de partage sont tout à fait étrangères au tiers arbitre et au jugement rendu par ce dernier, lequel doit mentionner la conférence, si du reste il ne l'a déjà fait dans le cours de son procès-verbal.

831. Au surplus, la loi n'ayant pas déterminé les caractères légaux de la conférence que le tiers arbitre doit avoir, aux termes de l'art. 1018 c. pr., avec les arbitres partagés, son vœu est suffisamment rempli dans le cas où, lors de la réunion des arbitres divisés au tiers arbitre, les premiers se sont bornés à déclarer qu'ils se référaient respectivement à leurs avis écrits et motivés (Cass., 4 déc. 1839) (2). On comprend à peine que la

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yance pour remplir ces fonctions, et nous avons signé... » Le 27 mars, les arbitres partagés se réunirent au tiers arbitre, et ce qui se passa entre eux fut constaté en ces termes par un procès-verbal transcrit sur la minute de la sentence arbitrale : « Je soussigné, tiers arbitre, appelé à départager MM. Quesneau et Monteix, arbitres, lesquels se trouvent en dissidence, ayant invité, conformément au vœu de l'art. 1018 c. pr., lesdits sieurs Quesneau et Monteix à se réunir afin que chacun d'eux me développe autant que besoin les motifs de son opinion, ces messieurs se sont reunis ce jour à mon domicile, et, après lecture faite de l'avis de chacun d'eux, ils ont déclaré s'y référer, en foi de quoi le présent a été rédigé d'accord avant que je prononce mon jugement, et nous avons signé... >> Enfin, le 30 mars suivant, le tiers arbitre se prononça en faveur des assureurs par un jugement commençant ainsi : « Moi, tiers arbitre soussigné, après avoir conféré avec MM. Quesneau et Monteix, arbitres divisés, ainsi qu'il est constaté d'autre part, etc. » — Opposition par Dobrée et autres en ce que, selon eux, il n'y a pas eu, dans le sens de l'art. 1018 e. pr., conférence entre les arbitres divisés et le tiers arbitre. 18 août 1835, jugement, après partage, de tribunal civil de Nantes, qui accueille ce moyen de nullité, en se fondant, en droit, sur ce que le mot conférence employé par le législateur emporte l'idée que la discussion qui avait eu lieu entre les arbitres partagés doit s'ouvrir de nouveau en présence du tiers arbitre et avec lui; et sur ce que, en fait, ces conditions n'ont pas été remplies dans l'espèce, puisque le tiers arbitre n'a pris une part active à aucune d'scussion, lors de la réunion du 27 mars, dans laquelle les arbitres divisés, loin de discuter leur avis, se sont bornés à se référer a celui qu'ils avaient développé par écrit.

Sur l'appel des assureurs, ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour royale de Rennes, intervenu, après partage, le 23 mai 1836, et dont les motifs sont ainsi conçus : « Considérant, en droit, que l'art. 1018 c. pr. civ., titre des arbitrages, dispose que le tiers arbitre ne peut prononcer qu'après avoir conféré avec les arbitres divisés qui seront sommés de so réunir à cet effet; - Que l'art. 1028 du même code autorise l'action en nullité de la décision arbitrale, si elle a été rendue par un tiers arbitre sans en avoir conféré avec les arbitres partagés ; ;1 Que le but du législateur, en imposant, à peine de nullité, la nécessité d'une conférence entre les arbitres partagés et le tiers arbitre, a été de leur imposer l'obligation réciproque de soumettre à un nouvel examen, à de nouvelles communications ou discussions, les différents points du litige et les questions qu'il offre à résoudre, dans l'espoir que le résultat de ces communications réciproques amène ou un rapprochement ou une modification dans la décision définitive; Considérant, en fait... (Ici l'arrêt rappelle les termes du procès-verbal du 27 mars 1835, et le préambule de la décision du tiers arbitre, du 30 mars); — Qu'il résulte des principes ci-dessus et des déclarations textuelles consignées par le tiers arbitre dans la décision arbitrale rendue par lui le 30 mars 1835, que ces déclarations rapprochées l'une de l'autre constatent qu'il n'y a pas eu réellement conférence dans le sens et l'esprit de la loi, puisque ces déclarations démontrent que les deux arbitres se sont contentés de lire leur avis déjà connu, et que le tiers arbitre s'est abstenu de toute participation à l'examen des points en litige,

Pourvoi.

LA COUR;

Arrêt.

- Vu les art. 1018 et 1028, no 4, c. pr. civ.; — Attendu

question ici résolue ait pu donner lieu à une difficulté sérieuse, dès qu'on presse avec quelque rigueur les termes de l'art. 1018. Il est bien certain que le mot conférence implique d'ordinaire l'idée d'une discussion commune dans laquelle on cherche à s'éclairer les uns les autres; mais cette expression est susceptible de plus ou de moins. Il est sensible que la conférence est inutile lorsqu'elle n'apprendrait au tiers arbitre rien d'autre que ce qui est dans les avis des arbitres divisés. Il se peut qu'elle n'ait pas d'autre objet que de répondre à quelques interpellations du tiers arbitre, qui, avant de conférer, a dû lire déjà les rapports des arbitres partagés. La preuve d'ailleurs que la loi a admis le mot conférence avec toute l'élasticité qu'il comporte, c'est que le tiers arbitre peut juger seul si les arbitres refusent de se réunir à lui; il peut aussi n'entendre qu'un arbitre si l'autre ne se présente pas. Or, on ne comprend guère une telle latitude en présence de l'interprétation qui exigerait toujours une discussion longue et détaillée. Mais il y a plus : quelle action le tiers arbitre a-t-il reçue de la loi à l'effet de contraindre les arbitres à s'expliquer lorsqu'il leur convient de garder le silence? Aucune, assurément.

832. Disons, en terminant sur ce point, 1o que la conférence, la délibération du tiers avec les arbitres divisés couvre les irrégularités résultant de l'inobservation des art. 1017, 1018; 2o que lorsque les parties ont comparu devant le tiers arbitre et les arbitres partagés, ont discuté leurs droits en leur présence, et requis le tiers de prononcer, elles sont non recevables à invoquer les irrégularités qui auraient précédé la vocation du tiers arbitre (Nimes, 20 mars 1839, aff. Delanche, V. no 783); 3° enfin que le vice résultant du défaut de conférence du sur-arbitre avec les arbitres, ou du défaut d'adoption de l'avis de l'un d'eux, ne peut être proposé par les parties, si elles ont renoncé à tout recours (Req., 17 juin 1840, aff. Lefebvre, V. infrà).

$ 2.-Mode de statuer du tiers arbitre suivant que les arbitres se réunissent ou non à lui.

833. On va parler successivement: 1° du mode et des effets de la conférence ou délibération des arbitres;-2o de la sentence rendue en conformité de l'avis de l'un des arbitres;- 3° des modifications de cet avis;-4° des avis distincts;-5o des caractère et pouvoir du tiers arbitre; - 6o des formes de son jugement. 834. 1° Mode et effets de la conférence ou délibération. Sous les lois des 10 juin 1793 et 17 niv. an 2, le tiers arbitre ne pouvait prononcer sans le concours des arbitres divisés; le jugement qu'il rendait seul était nul. Dans le système de ces lois; le tiers arbitre n'était regardé que comme un arbitre de plus, c'est ce qu'atteste le décret d'ordre du jour du 28 therm. an 3, qui, sur quelques doutes élevés à ce sujet, disposa ainsi : « La

que les caractères légaux de la conférence que le tiers arbitre doit, aux termes de l'art. 1018 c. pr. civ., avoir avec les arbitres partagés, ne'sont pas déterminés par la loi; que lorsque les arbitres, sommés de se réunir au tiers arbitre, à l'effet de conférer avec lui, se sont rendus à la réunion; lorsque le tiers arbitre a constaté, 1° que les arbitres partagés lui ont declaré se référer à leurs avis distincts et motivés dont ils ont donné lecture; 2° qu'il a ainsi conféré avec eux, il a suffisamment rempli le vœu de la loi; Attendu que l'arrêt attaqué a jugé, en droit, que la conférence constatée par la décision arbitrale n'était pas une conférence dans le sens et l'esprit de la loi; qu'en jugeant ainsi, il a ajouté aux dispositions de la loi, et a, par suite, faussement appliqué et même expressément violé l'art. 1018 c. pr. civ. et l'art. 1028, no 4, du même code; Casse.

Du 4 déc. 1839.-C. Č., ch. civ.-MM. Portalis, 1 Tarbé, av. gén., c. conf.-Ledru-Rollin et Scribe, av.

pr.-Miller, rap.

(1) (Corty C. Monnet.) LA COUR; - Considérant qu'aucune loi n'oblige les arbitres, à peine de nullité, de viser toutes les pièces; - Considérant... que la décision du sur-arbitre ne peut être envisagée que comme un simple avis; il dit, à la vérité, qu'il a opéré en présence des parties, et ne fait nulle mention de celle des arbitres; ils n'ont donc pas été présents; or, il est de principe qu'un jugement arbitral doit être le résultat de l'opinion des arbitres assemblés; s'ils sont discords, il faut que le tiers arbitre nommé convoque les arbitres, et juge avec eux, ce qui résulte du décret d'ordre du jour, du 28 therm. an 3. Il n'y a donc pas de jugement au cas particulier sur le partage des premiers arbitres; ainsi, sous ce rapport, l'appel de nullité est bien fondé, et c'est le cas d'y faire droit; Annule le dernier jugement; et, avant faire droit sur l'appel

convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, relativement aux difficultés qui se sont élevées sur le point de savoir si le tiers arbitre peut prononcer seul sur les avis contraires, passe à l'ordre du jour, motivé sur ce qu'aucune loi n'a autorisé les tiers arbitres à prononcer seuls et sans le concours des arbitres divisés d'opinions. »

835. Par application de ce décret, un nombre immense d'arrêts rendus en exécution des lois de 1790, 1793 et de l'an 2, ont décidé que le jugement rendu par le sur-arbitre seul et sans concours des arbitres divisés était nul. Sur ce point, qui est désormais sans intérêt, on se borne à citer quelques dates dont la plupart sont déjà recueillies dans la première édition (Cass., 29 fruct. an 3, aff. Fèvre, M. Osmont, rap.; 5 vend. an 4, aff. Fores, M. Fradin, rap.; 7 flor. an 5, aff. Quefmenn, V. no 340; 22 fruct. an 5, aff. Com. de Birschausstheim, M. Giraudet, rap.; 6 germ. an 10, aff. Lemore, V. infrà; 19 pluv. an 8, aff. Lecourt, M. Target, pr.; 21 flor. an 11, all. Robert, M. Henrion, rap.; 14 fruct. an 9, aff. Chambard, V. infrà; 14 brum. an 10, aff. Beauffremont, M. Oudot, rap.).... Et cela, quoique le tiers arbitre ait jugé en présence des parties, mais hors la présence et sans la participation des arbitres (Colmar, 14 prair. an 11) (1).

836. Il a même été jugé que la nullité n'est point couverte dans une instance entre des communes, par la présence, sans réclamation, des fondés de pouvoirs ou officiers municipaux des communes, à la décision du sur-arbitre, et sans réclamation contre la non assistance des autres arbitres, toutes les formes établies, porte l'arrêt, devant être rigoureusement observées dans les affaires intéressant les communes (Cass., 4 germ. an 5, M. Albarel, rap., Aff. Com. de Dolleren C. com. d'Aberbrouck).—Enfin, quant à la preuve que le sur-arbitre a rendu le jugement seul en son nom et nullement au nom du tribunal arbitral, elle peut résulter des termes et expressions dont il s'est servi et surtout de ce que seul il a signé le jugement (Cass., 6 prair. an 5) (2).

837. Mais le vœu du décret d'ordre du jour de l'an 3 se trouve rempli 1° s'il est constaté que le tiers arbitre a procédé avec les arbitres à la confection de l'enquête, qu'ils se sont concertés ensemble et que ceux-ci lui ont fait toutes leurs observations (Req., 14 déc. 1813) (3);-2° si le tiers arbitre a été assisté de trois autres arbitres, si le quatrième a été légalement convoqué et si les parties présentes n'ont pas réclamé contre cette forme de procéder (Rej., 25 germ. an 5) (4);—3° si les parties ont autorisé le tiers arbitre à prononcer seul et s'il apparaît que sa délibération a eu lieu avec le concours des arbitres partagés (Rej., 16 brum. an 5, M. Barris, rap., Duroc C. Vigoureux; cette proposition reproduit littéralement le texte de l'arrêt); -4° si les parties ont consenti à ce que le tiers arbitre vidât le partage concurremment avec

simple, ordonne la vérification générale des liquidations, comptes et révisions intervenus entre les parties... dépens réservés. Du 14 prair. an 11.-C. de Colmar.

(2) (Com. de Colmar C. Obertin.) — LE TRIBUNAL;- Vu la loi du 10 juin 1793 sur les communaux, interprétée par celle du 28 therm. an 5; -Attendu que des termes et des expressions dont s'est servi le sur-arbitre Klein, et de ce que le jugement en question est signé de lui seul et non des arbitres, il résulte clairement qu'il a rendu ledit jugement lui seul, en son nom, et nullement au nom du tribunal arbitral, et qu'en cela il y a contravention manifeste; - Casse.

Du 6 prair. an 5.-C. C., sect. civ.-MM. Giraudet, pr.-Chupiet, rap.

(3) (Rimbaud C. Thabassol.)- LA COUR; Attendu qu'il est reconnu en fait par l'arrêt, que le jugement arbitral n'a été rendu par le tiers arbitre qu'après le concours et les observations des deux autres, et qu'il s'est rangé à l'avis de l'un d'eux; — Qu'ainsi le moyen manque par le fait; - Rejelte.

Du 14 déc. 1813.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Brillat, rap.

(4) (Kieffer C. Weinling.)- LE TRIBUNAL; Considérant que, quoique · le jugement du 11 vend. an 4 soit rendu par le sur-arbitre seul, il n'en suit pas qu'il soit vicieux, la raison en est qu'il était assisté des trois autres arbitres; que le quatrième avait été legalement convoqué; qu'il était également assisté des parties, que celles-ci ont conséquemment donné leur adhésion à cette forme de procéder, puisqu'elles n'ont fait aucune réclamation à cet égard; — Rejette.

Du 25 germ. an 5.-C. C., sect. civ.-M. Lions, rap.

trois arbitres, sans le concours de l'un des arbitres absents: et leur consentement résulte de ce qu'étant présentes elles ne se sont pas opposées au jugement du tiers arbitre (Rej., 19 pluv. an 5) (1). — Au surplus, il n'y a que la partie qui a choisi l'ar bitre absent qui pourrait réclamer (même arrêt), ce qui est, du reste, une erreur, même sous les lois révolutionnaires, car, une fois nommés, les arbitres forment un tribunal et ne sont pas les mandataires de telle ou telle partie.

Il nous a paru que la rigueur des tribunaux dans l'application du décret d'ordre du jour de l'an 3 était plus grande lorsqu'il s'agissait de jugements émanés des arbitres forcés créés par les lois de la révolution, que lorsqu'il s'agissait d'un arbitrage convenu entre des particuliers. Cela devait être; là on subissait l'empire de la force majeure: ici, au contraire, c'était volontairement qu'on se soumettait à l'arbitrage. Quant aux fins de non-recevoir qu'on vient de faire connaître, elles ne nous paraissent justifiées qu'autant qu'elles peuvent être également invoquées par toutes les parties; le droit doit être réciproque. Or, elles ne sont pas toutes dans cette catégorie-là: il s'en faut.

838. L'art. 1018 n'a pas déterminé le sens qu'il entend attacher au mot conférence. Mais en s'appesantissant un peu sur les expressions de cet article et surtout en les rapprochant des observations du tribunat, on reconnaît que l'interprétation de ce mot doit être extensive; qu'ainsi, la conférence dont le législateur a entendu parler comprend à la fois la discussion ou conférence proprement dite et la délibération. C'est ce qui semble résulter de ces termes de l'art. 1018: « Le tiers arbitre... ne pourra prononcer qu'après avoir conféré avec les arbitres divisés qui seront sommés de se réunir à cet effet. — Si tous les arbitres ne se réunissent pas, le tiers arbitre prononcera seul. »-D'où la conséquence que, s'il y a réunion, c'est-à-dire conférence, le tiers arbitre ne juge pas seul; que les arbitres concourent à la décision; qu'ils peuvent, comme l'exprime le tribunat, et comme cela a été admis par les auteurs et par la jurisprudence, modifier, changer leurs premiers avis, en adopter même de tout opposés; que tous se réunissant forment en un mot un tribunal unique.-Mais si tout cela se passe ainsi, si c'est bien là l'esprit de la loi, il est essentiel d'élargir le sens du mot conférence, et de supposer qu'il comprend en même temps la délibération. C'est parce que cette distinction n'a point été faite, c'est parce que tantôt la conférence avait été accompagnée d'une délibération véritable, dans laquelle les arbitres avaient modifié leur première opinion, que d'autres fois, au contraire, les arbitres étaient restés dans les termes stricts d'une pure conférence, se bornant à expliquer leurs avis auxquels ils n'entendaient rien changer, qu'une grande confusion existe, soit dans la jurisprudence, soit dans la doctrine des auteurs.

Nous avons tâché de combler cette lacune, autant que cela nous a été permis avec les documents que nous avions sous les yeux. On comprend, en effet, sans peine, que des notices rédigées à la suite d'exposés, ou sur des mémoires dans lesquels la distinction n'était pas indiquée, n'ont point dù tenir compte d'un élément de solution que nul ne semblait alors avoir entrevu. C'est, au surplus, une observation qui se renouvelle à chaque progrès de la jurisprudence.

Avant d'aborder la jurisprudence, quelques observations nous semblent devoir être posées.

(1) (Brasset C. veuve Hammel.) — Le tribunal;

Considérant, sur le i moyen- 1° Que les parties étaient présentes le jour que le tiers arbitre a rendu son jugement concurremment avec trois des arbitres, et qu'aucune d'elles, notamment le citoyen Brasset, ne s'est opposée à ce qu'il vidât le partage en l'absence du citoyen Fauch, d'où il suit qu'elles ont consenti à ce qu'il jugeât sans la concurrence de celui-ci; -2° Que tous les quatre arbitres s'étaient ajournés eux-mêmes et du consentement des parties pour le 15 fruct. an 5, jour désigné par le sur-arbitre; 3° Que si l'une des parties avait été en droit de se plaindre de ce que le sur-arbitre allait prononcer en l'absence du citoyen Fauch, c'était la citoyenne Weinling, et non le citoyen Brasset, puisqu'elle seule se trouvait intéressée à ce qu'il ne prononçat point en l'absence et sans le concours du citoyen Fauch, qui était son arbitre; - Rejette.

Du 19 pluv. an 5.-C. C., sect. civ.-MM. Chabroud, pr.-Chupiel, rap.

839. D'abord, deux positions se présentent : -1° Il y a eu simple conférence entre les arbitres et le tiers arbitre; dans ce cas, si l'un des arbitres refuse de délibérer en commun, le tiers arbitre ne doit qu'adopter l'avis de l'un des arbitres: la conférence prépare la délibération; elle ne la constitue pas. C'est dans un cas semblable qu'il a été jugé que la sentence dans laquelle le sur-arbitre a émis une opinion différente de celle de l'un et de l'autre des arbitres divisés doit être annulée (Montpellier, 31 mai 1824, aff. Bresson, V. n. 819). La décision devrait être la même, bien que la sentence, non signée des arbitres, ne mentionnât pas qu'ils ont refusé de signer. — Il a été jugé cependant, dans une espèce qui nous paraît être semblable, que, lorsqu'il y a eu conférence entre les arbitres et le tiers arbitre, celui-ci peut modifier ou plutôt développer les conséquences de celui des avis des arbitres qu'il déclare adopter (Bordeaux, 23 janv. 1831) (2); mais il est sensible qu'il ne faudrait pas que ces conséquences sortissent de la règle qui rattache l'accessoire au principal, l'effet à sa cause. Il faut, en un mot, que la conséquence ressorte sans effort et ait été l'objet des discussions qui ont été agitées devant les arbitres. Cela même est périlleux et ne doit pas être confondu avec le cas où, les chefs étant distincts, on adopte l'avis d'un arbitre sur un chef et celui d'un autre arbitre sur un chef différent.-V. plus bas.

840. 2° Il y a eu conférence suivie de délibération en commun, c'est-à-dire suivie de l'émission orale de l'opinion de chacun des arbitres et tiers arbitre sur les divers chefs de la contestation. délibération engagée dans le but d'amener, s'il se peut, un chan→ gement ou une modification des avis des arbitres.

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Dans cette seconde hypothèse, plusieurs variétés vont s'offrir. Ou la sentence est signée par le tiers arbitre seul, sans qu'il apparaisse d'aucune adhésion de l'arbitre présent à la modification de son avis, ni d'aucun changement qu'il lui ait fait subir;Dans ce cas, le tiers arbitre doit se conformer à cet avis, s'il l'adopte; il ne lui est pas permis de le changer ni de le modifier. La délibération qui a eu lieu doit, par suite de l'absence de signature des deux arbitres, être regardée comme non avenue et les choses se trouvent remises au même état où elles le seraient si, aucune délibération n'ayant eu lieu, on s'était borné à une simple conférence.

...Ou la sentence est rendue par l'arbitre présent et par le tiers arbitre; Et, dans ce cas, la présomption est que la délibération ayant eu lieu en commun, il y a eu jugement rendu en commun. Le refus de signature par l'autre arbitre est ici sans importance; la majorité a prononcé. Que l'avis de l'arbitre présent soit adopté en totalité ou qu'il ait éprouvé des modifications, cela importe peu; il est présumé y avoir adhéré, et avoir lui-même changé ou modifié son opinion première.

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...Ou bien la sentence rendue par le tiers arbitre et par l'arbitre présent adopte, en le modifiant, l'avis de l'arbitre qui s'est retiré après avoir pris part à la délibération; Dans ce cas le refus de celui-ci de signer la sentence annonce bien qu'il n'a pas entendu modifier son avis; mais s'il est constant, et il faut que cela résulte d'une mention du procès-verbal portant sa signature, qu'il a été convenu qu'il y aurait délibération à nouveau et qu'en effet cette délibération a eu lieu, un refus de signer n'empêchera pas que la sentence ne soit valablement rendue. ...Ou enfin, la sentence rendue après conférence et délibération.

(2) (Menne C. Courbin.) LA COUR; Sur le moyen de nullité pris de ce que le tiers arbitre ne s'est pas exactement conformé à l'avis du sieur Béro, dont il déclare toutefois adopter l'opinion: Attendu que les trois arbitres s'étant réunis sur les lieux litigieux, le tiers arbitre n'était pas tenu, aux termes des dispositions finales de l'art. 1018, de se conformer à l'un des avis des autres arbitres, mais pouvait juger à nouveau, en modifiant l'un par l'autre les avis des deux arbitres divisés; qu'il est, au surplus, constant que le tiers arbitre n'a fait que donner de plus amples développements à l'opinion du sieur Béro, mais qu'il s'y est entièrement | conformé, même en décidant, par voie de conséquence, que Courbin ne pouvait être passible d'aucuns dommages-intérêts; Sans s'arrêter aux moyens de nullité proposés par Menne et Dubet, non plus qu'à l'appel par eux interjeté du jugement rendu le 10 fév. 1829; Ordonne que ledit jugement sortira son plein et entier effet, etc. Du 25 janv. 1831.-C. de Bordeaux, 4o ch.

est signée de tous les arbitres et du tiers arbitre; et dans ce cas, l'un des avis; sa fonction ne consiste qu'à déclarer lequel lui est elle doit être présumée émaner d'un tribunal unique, et les chan-préférable. M. Carré fonde cette opinion, 1o sur ce que l'art. 1018 gements que les avis des arbitres ont éprouvés sont réputés avoir été consentis par eux. Le jugement, en un mot, est l'œuvre commune: ici ne s'applique plus la disposition finale de l'art. 1018. C'est en ce sens que doit être compris ce principe posé dans un arrêt de la cour de Bruxelles, qu'à supposer que le sur-arbitre puisse s'écarter de l'avis de l'un des arbitres pour arrêter avec eux une décision, au moins faudrait-il qu'une telle décision fût le résultat de l'opinion de la majorité, arrêtée après conférence en commun des arbitres et du tiers arbitre (Bruxelles, 4 mars 1840, aff. Defouvent, V. no 852).

Ces observations ont pour objet de signaler l'esprit dans lequel il serait convenable que l'art. 1018 fût appliqué; elles n'ont point pour objet de faire la critique d'une jurisprudence qui n'a pas eu à en apprécier la valeur dans leur ensemble, à supposer qu'elle parvienne jamais à introduire une réglementation rigoureuse dans l'intérieur du tribunal arbitral. Cette théorie, d'ailleurs, découle directement des observations de la section du tribunat, rapportées au commencement de ce chapitre.

841. Remarquons d'abord que l'art. 1018, qui autorise le tiers arbitre à prononcer seul, s'applique aux arbitrages commencés avant la publication de ce code, si le jugement est rendu depuis, (Montpellier, 27 nov. 1811, aff. Suquet, V. n° 844). · Conf. chap. 12. V. aussi no 884.

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842. Ensuite, lorsqu'il y a conférence entre le tiers arbitre et les arbitres divisés, le jugement doit-il, peut-il être rendu à la majorité des voix? Le tiers arbitre doit-il au contraire juger seul? Le tribunat avait, entre autres rédactions, proposé celle-ci : « Si tous les arbitres divisés confèrent avec le tiers arbitre, le jugement sera rendu à la majorité des voix, et les arbitres divisés pourront dans ce cas se départir de leur premier avis. »-Cette rédaction, à laquelle le tribunat attachait la peine de nullité, n'a point été conservée. L'art. 1018 s'est, comme on l'a vu, expliqué en termes différents : faut-il tirer de là la conséquence qu'il a entendu rejeter le vœu du tribunat? On peut dire, pour l'affirmative le code de procédure exige bien, à la vérité, que le tiers arbitre consère avec les arbitres divisés; mais là s'arrêtent ses termes. Dans l'esprit de ce code, le tiers arbitre est un juge qui a sa mission à remplir, son indépendance personnelle; il doit adopter l'avis de l'un des arbitres; mais il est libre dans sa détermination; il rend son jugement seul, sans le concours de ces derniers, dont la mission, comme juges, est expirée. Si la loi exige qu'il ait des conférences avec eux, c'est pour que sa religion soit mieux éclairée, sa décision plus fidèlement calquée sur l'un ou l'autre des avis, auquel if est tenu de se conformer; du reste, cette dernière disposition n'est pas de rigueur; et si les arbitres refusent de comparaître, le procès-verbal qui a dû être rédigé par eux servira de base au sur-arbitre. Tel est entre autres l'avis de M. Merson, no 104; selon lui le tiers arbitre prononce seul. Quelque spécieux que soit ce système, il n'est point partagé par MM. Pigeau, t. 1, p. 28; Pardessus, t. 4, p. 95, nos 1401 et 107; Carré, no 3346.-Ces auteurs expliquent ainsi l'art. 1018 c. pr.: ou les arbitres se réunissent au tiers arbitre, disentils, ou bien ils refusent de s'y réunir. Dans le premier cas, le jugement est prononcé, en commun, à la pluralité des voix; dans le second, au contraire, le tiers arbitre prononce seul; il adopte

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(1) 1re Espèce :-(Hereau C. Bonamour.)--Le 7 juill. 1813, le tribunal de commerce renvoya devant des arbitres les sieurs Hereau et Bonamour fils qui étaient en discussion sur les comptes d'une société. Les parties choisirent les sieurs Ravanet et Dorgemont pour arbitres. D'après les comptes de Hereau, la dépense était portée à 2,199,395 fr. et la recette & 2,185,846 fr. - Bonamour fournit ses débats. Hereau, dans sa réponse aux débats, refusa de s'expliquer sur plusieurs réclamations de Bonamour; il prétendit même que les arbitres ne devaient pas en connaître, comme étrangères à la societé. Cet incident divisa les arbitres. -Ravanel pensa que les arbitres devaient statuer sur tous les articles de débats résultants du mémoire fourni par Bonamour, et que Hereau serait Invité à répondre, dans la buitaine, sur les parties des débats sur lesquelles il ne s'était pas expliqué, sinon, et ce délai passé, tous les points contestés par Bonamour seraient jugés sur les seules pièces remises (c. com. 59). Dorgemont était d'avis, au contraire, qu'il fallait décider d'abord, et sans forcer Hereau à rien produire, si les réclamations de Bonamour intéressaient ou non la société.-Les arbitres ainsi divisés ne s'étant TOME V.

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c. pr. doit être interprété ainsi que s'exécute l'art. 118, relatif aux décisions rendues par les tribunaux ; 2° sur ce que l'injonction faite aux arbitres de se réunir pour conférer suppose une délibération commune; 3° sur ce que l'art 1018 doit s'interpréter par la disposition du décret du 28 therm. an 3, d'après la maxime posteriores leges ad priores trahantur. M. Carré aurait pu invoquer aussi l'opinion si expresse du tribunat. C'est ce dernier système que la jurisprudence paraît adopter, et c'est celui qui nous a semblé résulter virtuellement de l'art. 1018 c. pr. Mais on ne peut se le dissimuler; les difficultés sont grandes, dès qu'on le pousse dans ses déductions.—Si le tiers arbitre, peut-on dire, ne doit pas juger seul, les arbitres divisés pourront donc le contraindre à ne juger qu'avec leur concours. Il y a plus, c'est que rien ne devant être laissé à l'arbitraire, dans un point si important, le jugement en commun sera de droit, par cela que les arbitres sont présents à la conférence. Mais, d'une part, l'usage est contraire le tiers arbitre entend d'ordinaire les arbitres divisés, puis il rend ensuite sa décision, sans leur concours, adoptant l'avis de l'un ou de l'autre. Il faut croire que ce n'est guère que dans le cas où les arbitres n'ont pas rédigé leur opinion que la délibération a lieu en commun; mais cela n'accuse-t-il point une interprétation vicieuse de la loi? Ce n'est pas tout: chacun des arbitres pourra demander des modifications, des changements à l'avis qui est consigné dans son rapport; il pourra même l'abandonner. Mais pendant quel délai pourra-t-il le faire? Appliquerat-on ici la loi relative aux tribunaux? Puis la seule absence ou le refus de l'autre arbitre d'y consentir suffiront-ils pour paralyser ce droit de modification? Et si le tiers arbitre refuse d'entrer dans ce système, le jugement en commun, les tribunaux pourront-ils l'y contraindre? On voit que les objections ne manquent pas, et ne peut-on pas dire que ce sont des considérations de cette nature qui ont déterminé le législateur à ne point adopter la pensée du tribunat? Mais il faut répondre, ce semble, que cette pensée se retrouve implicitement dans l'économie de l'art. 1018; que seulement elle y a été accueillie sous une sanction moins rigoureuse; que de ses termes il découle une interprétation simple et facile qui, outre qu'elle est parfaitement en harmonie avec la juridiction simple et conciliante de l'arbitrage, convient mieux à une bonne administration de la justice, en raison des facilités qu'il laisse aux arbitres de rectifier les erreurs qu'une discussion moins approfondie peut leur avoir fait commettre. Quant à la crainte des difficultés qui peuvent résulter de cette interprétation, elles sont inhérentes à la plupart des lois et pourraient au besoin se glisser au sein des tribunaux, si l'esprit de subtilité et de tracasserie y pénétrait. - Il faut croire, au reste, que si le tiers arbitre donnait à la loi une interprétation qui serait contraire à son esprit, des réclamations seraient fournies immédiatement par les autres arbitres ou au moins par l'un d'eux.

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843. Conformément à cette doctrine, il a été jugé 1° que le tiers arbitre ou sur-arbitre, après avoir conféré avec les arbitres divisés, peut statuer seul, et par exemple, s'il adopte l'avis de l'un de ces derniers, sa décision ne peut être annulée sous prétexte que le jugement n'a pas été délibéré, rendu en commun (Paris, 15 nov. 1814; Metz, 12 mai 1819) (1); — et cela, en arbitrage forcé comme en arbitrage volontaire (Req., 26 mai

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de Ravanet, « après avoir entendu, porte la sentence, les parties, leurs conseils, ainsi que MM. Dorgemont et Ravanet. »>-Hereau demanda la nullité de cette sentence. Il prétendit que le sur-arbitre n'avait pas délibéré avec les arbitres réunis, mais s'était contenté de conférer avec chacun d'eux séparément. Rejet de cette demande. Appel. Arrêt. LA COUR; En ce qui touche l'appel comme de nullité; - Attendu qu'il résulte des expressions dé la sentence arbitrale, que le sur-arbitre, conformément à l'art. 1018 c. pr., a conféré avec les deux premiers arbitres; Et en ce qui touche l'appel au fond, adoptant les motifs des premiers juges; a mis l'appel au néant.

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Du 15 nov. 1814.-C. de Paris, 1re ch. 2o Espèce : -(Georges C. Hubert.) — LA COUR; Sur la 1re question: Attendu que le code de commerce ne contient point de disposi tions qui indiquent la forme dans laquelle les arbitres doivent rendre leurs jugements; que cette forme est déterminée par les art. 1016, 1017

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