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sures nécessaires pour empêcher à l'avenir la désertion par l'extradition, et mettre ainsi un terme aux brigandages par des punitions sévères. Nous nous flattons que des Polonais sages et bien pensants, persuadés de nos intentions si sincères et si franches, s'employeront, actuellement et dans l'avenir le plus reculé, à écarter tous les empêchements quelconques qui tendraient à déranger la paix, la bonne harmonie, le bon voisinage et les communications amicales entre les sujets des deux pays. V. Mais rien ne vous méritera plus notre grâce et ne profitera plus à votre gloire personnelle, que si vous parvenez, comte Keyserling et prince Repnine, à ce que la République tout entière, assemblée en diète, demande notre intervention et notre solennelle garantie des lois fondamentales, constitutions, priviléges et libertés de la république, et que, par un autre acte public et officiel, cette même république témoigne toute sa reconnaissance d'avoir rétabli l'ancien duc de Kourlande.

VI. Nous ne voyons pas la nécessité de vous indiquer, par un écrit spécial, les moyens que vous employerez pour attirer les Polonais dans nos desseins. Votre propre jugement et votre capacité sauront suppléer à ce qui manque aux présentes instructions; vous trouverez l'occasion opportune, avec quoi, comment et par qui il vous sera utile de gagner les seigneurs polonais; nous nous abandonnons en cela à la parfaite connaissance des choses et des hommes et à la longue expérience du comte de Keyserling.

VII. Vous devez travailler aussi à ce que, outre une adresse ordinaire pour nous, vous pouviez obtenir du primat lui-même qu'un personnage considérable vienne ici demander formellement notre protection, la conservation de la loi de la libre élection du roi futur, et nous prier que nous ne permettions à personne d'y intervenir, sauf nous. Par là nous aurons un prétexte plausible d'influer sur un fait si important, et nous pourrons, à notre aise, choisir tous les moyens à notre convenance.

VIII. Au milieu d'opérations si variées et si nombreuses, il est impossible de prévoir tous les besoins et de parer, en temps et lieu propres, à tous les événements; c'est pourquoi nous vous envoyons vingt blanc-seings de différente forme et grandeur; nous les confions à votre expérience et à votre fidélité

éprouvée, et que vous en ferez usage afin d'arriver à nos fins exposées ci-dessus. Vous délivrerez toutes les notes, déclarations, manifestes, ordres ou passe-ports en notre nom. Nous vous recommandons de la manière la plus expresse que notre dignité et notre nom ne soient exposés à aucun outrage.

IX. Nous voyons bien que plus cette grave et importante affaire est difficile à mener et à terminer, plus aussi elle attirera l'attention et la jalousie de toute l'Europe. Aussi il nous est difficile de préciser pour le moment les moyens qui vous paraîtront nécessaires. Nous ne bornons point le chiffre des sommes que vous aurez besoin de répandre; nous le laissons à votre honneur et à votre probité; cependant, vous nous avertirez d'avance de ce qui vous sera nécessaire, afin que nous prenions le temps et les mesures pour vous l'envoyer sans trop de perte pour notre trésor.

X. Il est présumable que les hommes envieux et jaloux de nos intérêts, et, par conséquent, hostiles à notre parti en ce pays, chercheront à traverser nos démarches et à nous nuire. Il arrivera sans doute que nos adversaires formeront une confédération spéciale, et chercheront à élire un autre roi. Nous vous ordonnons donc expressément que, dès que notre candidat sera élu et proclamé, vous le reconnaissiez solennellement et en notre nom, vous le ferez conjointement avec tous vos amis polonais. Que si quelqu'un osait s'opposer à cette élection, troubler l'ordre public de la République, former des confédérations contre un monarque légitimement élu; alors, sans aucune déclaration préalable, nous ordonnerons à nos troupes d'envahir en même temps sur tous les points le territoire polonais; de regarder nos adversaires comme rebelles, perturbateurs, et de détruire par le fer et le feu leurs biens et leurs propriétés. Dans ce cas, nous nous concerterons avec le roi de Prusse, et vous, de votre côté, vous vous entendrez avec son ministre résidant à Varsovie.

XI. Si, en dehors de toute prévision, toutes ces mesures si nombreuses et si bien organisées ne réussissaient pas, si nous ne pouvions pas nous passer de l'envahissement, et que nous fussions forcée d'établir et de maintenir le roi de notre choix, par la force de nos armes, alors les moyens indiqués ci-dessus

seraient mis de côté, et nous ne déposerions pas les armes, que toute la Livonie polonaise ne fût détachée et incorporée dans notre empire. En vous faisant savoir d'avance notre résolution, nous vous recommandons le plus grand secret, car nous n'employerons ce moyen que quand les autres paraîtront insuffisants.

XII. Vous savez combien sont modiques, selon l'ancien état, les revenus du roi de Pologne, et il n'a pas les siens. Notre intérêt exige donc que vous employiez tout votre crédit pour augmenter son trésor particulier, pour maintenir l'éclat de la royauté; par ce moyen il ne se trouvera pas dans le cas de demander des secours étrangers.

XIII. Enfin, quoique nous ne devions pas supposer qu'un homme si noblement pensant que notre candidat voulût se laisser influencer par les conseils qui l'empêcheraient d'accepter la couronne, nous savons néanmoins positivement que nos adversaires, tant en Pologne qu'à l'étranger, employeront, à cet effet, les moyens les plus énergiques, et n'épargneront rien pour y arriver. Aussi, nous vous recommandons de veiller à cela avec toute la vigilance possible, et d'assurer notre candidat que, dès qu'il sera sous notre tutelle et notre protection, personne ne réussira à lui arracher la couronne.

XIV. En vous donnant à tous les deux ces instructions, et en confiant à votre expérience tous les moyens que vous croirez utile de prendre, il ne nous reste que d'attendre la réalisation de nos desseins. Nous n'en doutons point, connaissant bien votre zèle et votre fidélité : le comte de Keyserling employera à ce but ses talents éprouvés, et le prince Repnine montrera les siens en suivant les traces du premier. Ainsi unis, vous ne manquerez pas de mériter tous les jours davantage notre grâce impériale. Catherine.

Lettre de Catherine II à Wladislas-Alexandre Lubienski, prince-primat et inter-roi de Pologne après le décès d'Auguste III, en l'assurant de l'intérêt que la Tzarine prend à la République, à son bonheur et à ses libertés, qu'elle protégera dans toutes les cir

constances.

Saint-Pétersbourg, ce 28 octobre-8 novembre 17631. Ayant appris le décès inopiné de S. M. le roi Auguste III, 1. Joubert, t. I, p. 215.

notre bon voisin et ami, événement au sujet duquel nous témoignons, par la présente à Votre Altesse, nos sincères regrets, nous avons jugé nécessaire, pour assurer la République de Pologne de notre affection constante et de l'attention continuelle que nous apporterons à tout ce qui peut lui être avantageux, non-seulement d'accréditer de nouveau notre ambassadeur, le comte Keyserling, mais encore d'envoyer, pour le seconder, un ministre plénipotentiaire, titre dont nous avons revêtu le prince de Repnine, général-major de nos armées. Nous prions particulièrement Votre Altesse d'ajouter une entière confiance aux représentations de nos deux ministres : elles n'auront pour but que de procurer le bien de la République et en même temps de vous marquer le cas particulier que nous faisons de vous, dans des circonstances si intéressantes pour votre patrie. Nous mettons la plus grande confiance à votre habileté dans les affaires et en l'intelligence avec laquelle vous faites part de l'appui et de la protection que nous sommes dans l'intention d'accorder à tous les Polonais, qui, à la future élection du successeur au trône, auront sincèrement à cœur le maintien des lois et la liberté des suffrages. Vous assurerez toute la République en général que nous emploierons tous les moyens possibles pour empêcher que le premier et le plus précieux de ses droits, la libre élection de ses rois, ne souffre la moindre atteinte. Comme les sentiments patriotiques de Votre Altesse nous sont connus depuis longtemps, nous ne doutons point que vous n'appreniez avec plaisir la nature de nos dispositions, et que les trouvant conformes aux intérêts réels de la libre nation polonaise, vous ne leur donniez plus de force, en joignant à nos efforts le pouvoir que vous donnent non-seulement les lois, mais encore vos vertus, qui vous ont concilié l'estime, la confiance et l'amour de tous vos concitoyens. Nous vous recommandons d'ailleurs à la protection divine, nous vous assurons de notre constante bienveillance et du plaisir que nous nous ferons de vous rendre justice en toute occasion.

Catherine.

ין

Ordonnance du roi de Prusse Frédéric II pour défendre à ses sujets d'inquiéter les Polonais pendant l'interrègne.

Berlin, ce 25 novembre 1763'.

Nous, par la grâce de Dieu, roi de Prusse, margrave de Brandebourg, archi-chambellan du Saint-Empire romain, et électeur, etc.;

Faisons savoir à tous et un chacun que comme notre intention fut toujours que les sujets de nos provinces limitrophes de la Pologne vivent en bonne intelligence avec ceux de la république leurs voisins, et ne leur donnent aucun juste sujet de plainte, principalement par des excès que la méchanceté est capable de suggérer: c'est pourquoi nous avons ordonné et enjoint, comme nous ordonnons et enjoignons par les présentes, qu'aucun de nos sujets et habitants des endroits de la Poméranie, qui avoisinent la Pologne, n'ait à commettre aucune violence et user de voie de fait envers leurs voisins les Polonais, surtout pendant la vacance actuelle du trône, ni de passer les frontières pour y faire bande avec des gens sans aveu et adonnés, au pillage, sous peine de punition corporelle ou même de mort, suivant l'exigence du cas. Déclarons en outre que ceux de nos sujets qui contreviendront à notre présente ordonnance seront réputés voleurs publics, et que s'il arrive qu'ils soient arrêtés, ils ne jouiront comme tels d'aucune assistance de notre protection royale. Frédéric.

Déclaration publique et officielle de Catherine II, en annonçant aux Polonais qu'elle maintiendra toujours les libertés et l'indépendance de la Pologne, qu'elle ne partagera point ce pays et qu'elle s'opposera même à ce partage si jamais une puissance quelconque formait un pareil projet; qu'enfin elle ne déviera jamais du chemin de la justice, de la vérité, de la magnanimité et de l'humanité, durant tout son règne.

(Cette déclaration fut remise à Varsovie par les ambassadeurs Keyserling et Repnine, chargés d'exécuter les instructions secrètes du 6 novembre 1763 rapportées à la page 3.)

1. Joubert, t. I, p. 219.

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