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Ainsi l'a décidé la Cour de Bordeaux, dans son arrêt du 18 février 1891 (1).

L'inexécution d'un contrat par suite d'annulation des engagements des évêques ayant pour effet de grever leur mense épiscopale au préjudice de leurs successeurs, ne peut donner lieu contre les évêques qui les ont contractés, en leur qualité, à une condamnation à des dommages-intérêts (2).

Toutefois, les évêques sont tenus en leur propre et privé nom de garantir la restitution des titres à eux remis par suite d'un contrat annulé avec tous les droits, privilèges et prérogatives qui y étaient attachés. Et à défaut de restitution des titres, le titulaire doit être tenu, toujours en son propre et privé nom, à restituer le montant des titres avec les intérêts échus, ainsi que les frais et dépens (3).

Telle est la jurisprudence relative à l'administration des biens de la mense épiscopale.

Il nous reste maintenant à parler, dans un dernier chapitre, du nouveau droit de régale.

(1) Procès de la mense de Périgueux contre de Saint-Exupère. Par acte du 8 avril 1849, Mgr Massonnais, évêque de Périgueux, avait donné à la ville une somme de 30.000 francs, sous la condition d'entretenir une école de frères; le donateur avait stipulé, en outre, qu'au cas où la condition cesserait d'être remplie, la somme donnée serait dévolue à la mense épiscopale; la ville accepta cette donation et le donateur est décédé sans que la mense ait accepté, dans les formes de la loi, le bénéfice éventuel de cette libéralité; à la suite de la laïcisation de l'école, survenue en 1883, M. de Saint-Exupère ayant-cause de l'évèque donateur, demanda que la résolution de la donation fût prononcée à son profit: mais la cour de Bordeaux (18 février 1891), sur l'instance de l'évêque de Périgueux, a écarté sa demande, sous prétexte que la mense serait encore habile à recueillir cette donation en remplissant les formalités de l'acceptation.

(2) Même arrêt.

(3) Même arrêt.

CHAPITRE SIXIÈME

LES MENSES ÉPISCOPALES ET LE NOUVEAU DROIT
DE RÉGALE

Napoléon Ier a voulu faire revivre à son profit le droit de régale par le décret du 6 novembre 1813 : « Le droit de régale continuera d'être exercé dans l'Empire, ainsi qu'il l'a été de tout temps par les souverains nos prédécesseurs. » (Art. 33.)

Ce droit ne revit certes pas avec tous ses effets : les bénéfices ont disparu, et partant, le privilège de les conférer en temps de régale. Il ne comprend plus que la jouissance des fruits et revenus, pendant la vacance du siège. C'était là, du reste, le droit essentiel de régale, car il est à noter, que, suivant les canonistes, la collation des bénéfices était soumise à la régale parce qu'elle faisait partie des fruits.

On a vivement critiqué ce rétablissement du droit de régale, aboli par les lois de la Révolution, et notamment par la Constitution du 24 août 1790. D'ailleurs, il disparaissait forcément par la sécularisation des biens du clergé.

Le Concordat est muet à l'égard de la régale; on ne saurait soutenir en effet que son rétablissement soit autorisé par l'article 16 du Concordat : <<< Sa Sainteté reconnait dans le premier Consul de la République française les mêmes droits et préroga

tives dont jouissait près d'elle, apud sanctam sedem, l'ancien Gouvernement ». Cet article consacre uniquement un mode de représentation diplomatique, voire même des franchises, mais nullement une dévolution de droits ecclésiastiques.

Droits et prérogatives des anciens Rois de France, « apud sanctam sedem ». — Voici quels étaient les principaux droits reconnus à l'ancien Gouvernement, et dont celui-ci jouissait près de Sa Sainteté, en Cour romaine Le Pape donnait officiellement le titre de roi très chrétien, au roi de France qui entretenait à Rome un ambassadeur; ce dernier protégeait d'importantes fondations françaises, entre autres une académie des Beaux-Arts composée d'un directeur et de douze élèves pensionnaires. A chaque promotion des Couronnes le roi nommait un cardinal et un auditeur français de rote; il avait le droit d'assister aux Conciles œcuméniques, et celui d'exclure de la papauté les cardinaux dont il ne voulait pas.

Comme privilèges personnels, les rois de France avaient le droit de l'autel portatif et une chapelle exempte de la juridiction de l'Ordinaire; leur confesseur pouvait les absoudre des cas réservés au pape; il leur était permis d'entrer avec quelques personnes dans tous les monastères; ils ne pouvaient être excommuniés sans autorisation du Saint-Siège; ils étaient de droit membres du chapitre de Saint-Jeande Latran, etc. (1).

Portalis a voulu voir dans l'article 16 du Concor

(1) Cf. Privilèges accordés à la Couronne de France par le Saint-Siège (1224-1622), publiés par Adolphe et Joseph TARDIF, 1855. (Collection des monuments inédits sur l'Histoire de France.)

dat, la concession du droit de régale : dans son rapport du 6 ventòse an XIII, il écrit : « La régale, et la nomination aux bénéfices consistoriaux sont certainement des droits de la Couronne. Ils ne peuvent être regardés que comme des droits royaux, qui sont devenus, à l'égard des rois, un accessoire de la Couronne et une dépendance de leur souveraineté. « Sire, il est incontestable que Votre Majesté peut réclamer tous les droits que les anciens rois exerçaient en leur qualité de souverain (1). »

Les autres critiques dirigées contre le décret de 1813 sont basées sur ce que les causes qui justifiaient la régale sous l'ancien régime n'existent plus, et que dès lors, en vertu de l'adage: cessante causa, cessat effectus, la régale doit forcément disparaître.

« Ce mot de régale, dans un décret de 1813, dit Gaudry. est un anachronisme. On se demanda en effet, comment l'empereur, en 1813, était le fondateur des églises, et le seigneur féodal de leurs biens! En second lieu, le droit de régale, droit régalien, se concevait lorsque le prince, seigneur suzerain, revendiquait au profit de son propre domaine un tribut sur les biens des évèchés. C'était un droit personnel recognitif de sa puissance souveraine; mais un droit régalien, qui

(1) Si l'on accepte l'argumentation de Portalis, on pourrait se demander si le droit de régale continuerait d'ètre exercé en France au cas ou le Président de la République n'appartiendrait pas à la religion catholique. D'après l'article 17 du Concordat : « Il est convenu entre les parties contractantes que dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier Consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'article 16, et la nomination aux évêchés seront réglés par rapport à lui, par une nouvelle convention. » Pour la nomination aux évêchés, la question serait probablement réglée, comme elle l'a été aux Pays-Bas en 1827 à cause des provinces belges annexées et toujours soumises au concordat de 1801; les élections épiscopales devaient être faites par les chapitres, mais le Souverain pouvait écarter parmi les candidats ceux qui ne lui étaient pas agréables.

ne peut plus appartenir au prince, puisque sa liste civile réglée par des lois spéciales, est un simple droit fiscal. Les droits régaliens consistant en sommes d'argent ne peuvent plus exister d'après la forme de notre gouvernement actuel.

<«< Enfin, on concevrait une réserve appelée régale, ou de tout autre nom, sur des biens provenant de l'Etat; mais un prélèvement au profit du prince ou de l'Etat sur des biens donnés à l'évêque par des particuliers, pour servir à lui et à ses successeurs, est la violation la plus complète des volontés du donateur ou du testateur. >>

Sentant sans doute le bien-fondé de ces critiques, les divers gouvernements, depuis 1813, n'ont usé que très modérément du droit de régale, en gratifiant intégralement les évèques, nouveaux titulaires, de tous les fruits et revenus, déduction faite de la portion affectée au paiement des dépenses d'administration.

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Aux termes de l'article 34 du décret du 6 novembre 1813, il n'y aurait lieu à la nomination d'un commissaire, pour l'administration des biens de la mense épiscopale pendant la vacance, qu'au décès de chaque archevêque ou évêque. Ceci ne saurait être pris à la lettre.

Il y a ouverture de la régale par la mort de l'évêque, par sa démission, par sa translation sur un autre siège, par la perte de sa qualité de Français et par sa condamnation pour certains crimes.

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1o Mort. Sauf le cas où l'évêque décédé aurait

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