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les graisses, le cuir et le cordouan, plus les péages du Petit-Pont et du pont de Charenton, les droits de chantelage. Le prélat percevait ces droits une semaine sur trois, dans ses caisses placées aux mêmes lieux que les caisses du roi, savoir: aux maisons du roi du Petit-Pont, au Treillis du Châtelet et aux Halles de Paris.

La seconde espèce de droits portait sur la vente du poisson de mer, exigeant 2 deniers parisis, pour chaque somme de poisson d'un millier pesant.

Il serait trop long d'énumérer par le menu tous les droits, privilèges, redevances perçus au nom de l'évêque de Paris.

Nous pouvons ainsi constater que l'Eglise de Paris, quoique subordonnée à celle de Sens et élevée seulement depuis 1622 au rang des métropoles, n'a cessé de jouir de revenus fort considérables. D'un autre côté, elle a toujours eu une influence prépondérante aussi bien dans l'ordre civil que dans l'ordre ecclésiastique.

La haute situation occupée dans la société féodale par certain nombre d'évêques a été une des causes d'enrichissement de quelques menses épiscopales sous les deuxième et troisième races de nos rois.

A cause des fiefs qui entraient dans le patrimoine de leur mense, plusieurs titulaires d'évêchés obtinrent les titres et les droits de suzeraineté des ducs, comtes et barons. Au treizième siècle, six prélats qui possédaient des fiefs mouvants de la couronne, l'archevêque-duc de Reims, les évèques-ducs de Laon et de Langres, les évêques-comtes de Beauvais, de Châlons et de Noyon devinrent pairs de France et eurent le droit de siéger à la curie du roi.

A côté de ces églises opulentes, il y en avait d'autres qui ne jouissaient que de modestes revenus. Tel était l'episcopatus de Sées.

Nous avons eu la bonne fortune de pouvoir consulter, aux archives de l'évêché de cette ville, deux documents très curieux :

« 1° Comptes de Richard Gallet, prestre-recepveur du temporel de révérend père en Dieu monseigneur l'évesque de Sées en ses baronnies de Sées, Fleurey, Laleu et Saint-Frogent avecque les appartenances et deppendances d'icelles, depuis la Saint-Rémy de l'an mil quatre cent soixante et ung jusques à la Saint-Rémy de l'an mil quatre cent soixante et deux : >>

« 2° Comptes de Richard Gallet, prestre-recepveur... depuis la Saint-Rémy de l'an mil quatre cent soixante et deux jusques à la Saint-Rémy de l'an mil quatre cent soixante et trois ».

Nous donnons en appendice, à la fin de ce volume, l'analyse et une partie notable de ces deux comptes. On voit, d'après ce manuscrit, que les recettes de la mense de Sées provenaient tout d'abord :

1° Du tiers environ des maisons de la cité épiscopale, la ville de Sées étant alors divisée en trois parties: Bourg-l'Evêque, Bourg-l'Abbé (1), Bourg-leComte (2);

20 D'un certain nombre de terres aumônées et fieffées; une ou deux sont en dehors du diocèse; 3o De terres non fieffées;

40 Du produit des bestiaux vendus dans les métairies;

(1) Sous la dépendance de l'abbé de Saint-Martin de Sées.

(2) Sous la dépendance des comtes de Sées.

50 De redevances consistant en blé, avoine, gélines, chapons, œufs, cire, poivre; à tout cela, il faut ajouter les droits de relief, les dimes du diocèse dont une part revenait à l'évêque ;

6o D'amendes infligées par les agents de la bassejustice. A cette époque, le siège épiscopal était occupé par Robert de Cornegrue, ancien pénitentier de Sées, élu en 1454 par le chapitre et confirmé dans son élection par l'archevêque de Rouen, son métropolitain (3).

A l'aide de tous ces documents, il est facile de se faire une idée des divers biens-fonds, revenus et redevances qui, en général, entraient dans la composition des anciennes menses épiscopales; voyons maintenant comment elles étaient administrées.

(3) DE MAUREY D'ORVILLE, Recherches historiques sur la ville, les évêques et le diocèse de Séez, Sées, 1829, p. 153.

CHAPITRE TROISIÈME

ADMINISTRATION DE LA MENSE ÉPISCOPALE

Pour chacune des différentes catégories de possessions qui appartiennent à la mense, l'évèque jouit des mêmes droits que les seigneurs laïques, et le domaine épiscopal ne diffère pas des autres domaines seigneuriaux, quant au mode d'administration et de perception des revenus.

L'évêque est l'administrateur de la mense épiscopale, soit par lui-même, soit par ses délégués. Il a la capacité juridique, pour acquérir, à titre gratuit et onéreux, aliéner, faire les réparations, consentir les baux, donner à cens et à rentes, opérer le recouvrement des revenus, redevances et dimes. Mais, pour chacun de ces actes, il doit se conformer aux règles des conciles, décrétales, lettres patentes, édits, ordonnances, arrêts de règlement, déclarations royales promulguées dans le royaume. Pour plus de clarté, nous traiterons, article par article, les diverses opérations qui rentrent dans l'admininistration de la mense.

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I. Règles du droit canonique. -Les règles du droit canonique, au sujet des biens d'Eglises, sont résumées dans cette décrétale d'Alexandre III, adressée

au huitième siècle, à l'archevêque de Paris : « Tout prélat ou bénéficier peut rendre la condition de son Eglise meilleure, mais jamais pire. Conditionem ecclesiæ meliorare potest, facere deteriorem non debet ». Par conséquent, liberté d'acquérir et défense d'aliéner.

II. Conditions imposées par le pouvoir civil. — Sous les deux premières races, les évêques ont la capacité la plus absolue d'acquérir à titre gratuit ou onéreux. Plus tard, le droit d'amortissement, et, au dix-huitième siècle, l'édit de 1749, mettent un obstacle à la facilité qu'ont les menses épiscopales d'acquérir des biens indéfiniment.

Parlons d'abord du droit d'amortissement; nous examinerons ensuite l'édit de 1749, et nous terminerons par une autre formalité : l'insinuation.

Amortissement.

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L'amortissement ou droit de mainmorte n'avait pas pour but, à l'origine, d'empêcher la propriété ecclésiastique de se développer; il ne fut pas non plus imposé par la préoccupation de l'intérêt général, comme le sera l'édit de 1749. Il devait fournir une compensation pécuniaire au suzerain, en échange des services et impôts féodaux que les gens d'Eglise et les biens incorporés au patrimoine ecclésiastique, ne pouvaient rendre.

Pour empêcher que le fief ne devint abrégé, c'està-dire, n'échappât à tout jamais et sans compensation à l'autorité des seigneurs, on eut d'abord recours à deux procédés bien connus celui de la revente forcée au bout de l'an et jour, et celui de l'homme vivant et mourant; puis on finit par laisser de côté toute fiction, en exigeant, une fois pour toutes, un droit d'amortissement qui s'élevait généralement au

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