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Sées, fonde dans la capitale, au voisinage de la Sorbonne, l'établissement portant à son fronton, le nom de collège de Sées (1).

On pourrait ainsi multiplier les exemples et montrer quelle sollicitude l'épiscopat a montré pour l'éducation et l'instruction de la jeunesse, et quelle précieuse réserve leur fournissaient les revenus des menses épiscopales pour accomplir ces actes de générosité.

II. Soulagement des pauvres. Un budget qui, plus encore que celui de l'instruction publique, incombait presque exclusivement, à l'Eglise, était celui de la charité. Sous ce rapport le clergé de France n'a jamais manqué à sa mission. En élevant des hôpitaux, des refuges, des asiles de tout genre, selon les besoins des temps, les évèques ont, durant quatorze cents ans, créé le capital et assuré le service gratuit de la charité.

<« Il n'était pas un progrès (2) pouvant améliorer la condition matérielle ou normale de leurs ouailles, qu'ils ne fussent prêts à appuyer de leur crédit ou de leur bourse.

On ignore généralement que c'est aux évèques que l'on doit, sous l'ancien régime, le fonctionnement de nos assurances contre l'incendie, sous forme de contribution à une quête annuelle.

A la fin du dix-huitième siècle, nous voyons les évèques secondant Turgot pour la fondation de bureaux ou d'ateliers de charité, afin de supprimer le plus possible la mendicité. On secourt les pauvres en nature et à domicile et l'on procure du travail

(1) DUMAINE, Vie de Mgr d'Aquin, p. 188, Paris 1902.

(2) SICARD, Op. cit., p. 475.

aux indigents. Tels furent ces nobles prélats en qui le cœur du gentilhomme venait imprimer un nouvel élan et je ne sais quoi de chevaleresque à la charité de l'évèque. »

§ 4. — Dépenses de l'évêque pour l'entretien de sa table et de sa maison.

Lorsque les autres obligations de la mense et les devoirs de leur charge pastorale étaient remplis, les évèques pouvaient user de leurs revenus pour l'entretien de leur table et les dépenses de leur maison. Quelques prélats ont pu à juste titre, ètre accusés de prodigalité dans le luxe, d'amour exagéré du jeu, des chevaux et de la chasse; quelques-uns ont fait construire des palais trop somptueux, ont cu un train de maison trop princier, une domesticité trop nombreuse; à d'autres, on a pu reprocher leur avarice ou leur népotisme. Mais, en général, si l'on étudie les biographies particulières et les travaux d'histoire locale, on en conclura que la grande majorité des évèques, utilisant généreusement les richesses de leur mense, ont été les pères de leur peuple, et ont étendu leur sollicitude sur tous les besoins de leurs diocèses.

CHAPITRE CINQUIÈME

LES MENSES ÉPISCOPALES ET LA RÉGALE

Tous les auteurs qui ont traité de cette matière, en particulier Guyot (1), ont donné de la régale la mème définition :

« C'est un droit en vertu duquel le roi jouit tant des fruits temporels des évêchés qui viennent à vaquer, que de la collation des bénéfices non cures, c'est-à-dire autres que ceux à charge d'âmes, que l'évèque aurait eu le droit de conférer, si le siège était rempli. »>

Faisons d'abord l'historique du droit régalien, nous verrons ensuite comment il a été exercé sur les menses épiscopales.

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Son origine est

I. Origine du droit de régale. fort ancienne et assez obscure. Les uns le font remonter au Concile d'Orléans, le concédant à Clovis, vainqueur d'Alaric; d'autres au pape Adrien l'accordant à Charlemagne après l'extermination des Ariens. Nous préférons nous attacher à l'idée de M. Luchaire (2), qui voit dans la régale une pratique

(1) Répertoire de jurisprudence.

(2) Op. cit., pp. 52 et suiv.

politique issue du féodalisme dans le but de mettre la main sur les biens de l'Eglise, et même dans une certaine mesure sur les dignités et les fonctions ecclésiastiques.

<«<< Ce fut surtout, dit-il, à l'occasion de la vacance des évêchés et de la succession des évêques, que la société laïque put faire triompher ses prétentions. Suivant la règle canonique, l'évêque n'était que l'usufruitier du domaine et des revenus attachés à son bénéfice. Ce domaine et ces revenus appartenaient foncièrement à l'Eglise. Les titulaires ne pouvaient en disposer par testament; leur droit de tester ne portait que sur leur fortune particulière, celle qu'ils tenaient de leur famille propre et qui était attachée à leur personne. »

Pour justifier leur intervention dans la question du patrimoine de l'Eglise, et donner une raison des profits qu'ils tiraient de cette intervention, les ducs, les comtes et les barons, ainsi que le roi, s'appuyaient sur la théorie du droit de garde, qu'ils avaient sur les biens ecclésiastiques.

:

Droit de garde. Déjà dans Beaumanoir (1), il est fait mention d'un droit de garde des seigneurs sur les Eglises : « Il y a grant différence entre garde et justice car tix a justice en aucuns liex, qui n'en a pas le garde; et voirs est que li rois généraument a le garde des Eglises du roiame, mais espéciaument çascuns barons l'a en se baronnie. »

Le droit de garde en question était une tutelle, une force temporelle pour protéger les Eglises, permettant au seigneur d'intervenir sur les possessions de

(1) Chap. XLVI.

ces établissements toutes les fois qu'elles étaient menacées par les attaques du dehors, ou par des troubles intérieurs. Ce droit de garde était donc primitivement un droit de haute police sur les possessions des Eglises, attribué soit au roi, soit à un seigneur laïque ou ecclésiastique. Dès le treizième siècle les efforts des légistes, surtout sous le règne de Philippe le Bel, visent à étendre la garde royale sur toutes les Eglises.

Ils prétendent que la royauté ayant constitué en grande partie le patrimoine de l'Eglise, ou ayant permis sa formation, avait en plus le droit de contrôle sur les biens ecclésiastiques, en particulier sur les menses épiscopales. De ces droits de garde et de contrôle est découlé le droit de régale, exercé d'abord par les seigneurs, puis uniquement par

le roi.

Un des premiers actes de régale que nous trouvions dans l'histoire date de 1124. Pendant la vacance du siège de Paris, Louis le Gros donne au chapitre de l'Eglise de Paris le clos de vigne d'Ivri qui était possédé auparavant par le défunt évêque Gesbert, avec le pressoir, la maison et toutes ses dépendances. En même temps, il accorde au chapitre pour la reconstruction du toit de l'Eglise, dix livres du revenu de l'autel, qui serviront à acheter les lattes, les clous et les tuiles. Or, il est dit qu'il a octroyé ces choses au doyen Bernier et au chapitre, pendant qu'il tenait en sa main les bénéfices de l'évêché de Paris, « dum in manu nostra parisiensis episcopatus beneficia teneremus (1) ».

(1) GUÉRARD, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, t. I, p. 266, 267.

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