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avait fait l'honneur de leurs ancêtres ici-bas et qui leur avait procuré la vie éternelle ; admirer les écrivains étrangers, surtout ceux qui méprisent et insultent la France; adopter toutes les coutumes et toutes les idées de ceux qui se prosternent devant le veau d'or; détruire de ses propres mains son armée, l'armée qui défend contre les invasions des ennemis visibles, et l'armée qui défend contre les invasions des ennemis invisibles, et, pour se délasser de ces nobles besognes, dans un coin, dévorer la littérature de Zola et de ses congénères : c'est assez pour eux, c'est assez pour tout individu comme pour toute nation, qui, renonçant à Jésus-Christ renoncent à la voie qui mène à Dieu, à la vérité, qui est la nourriture des intelligences, à la vie, qui est, dans le temps, la possession de Dieu dans les saintes obscurités de la foi, et, dans l'éternité, la possession de ce même Dieu dans les splendeurs de sa propre lumière.

Fr. EXUPÈRE, de Prats-de-Mollo,
O. M. C.

UN CAPUCIN FRIBOURGEOIS

MARTYR DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

L'Eglise de Paris, lit-on dans les Annales Franciscaines (1), a entrepris le procès de Béatification des victimes de la Terreur tombées aux journées de septembre 1792; les amis de ces futurs bienheureux sont conviés à recueillir les documents capables de servir à leur prompte glorification.

Parmi ces victimes, le canton de Fribourg est fier de compter un de ses généreux enfants, le R. P. Apollinaire Morel, de l'Ordre des Frères Mineurs Capucins. Rattaché à ce glorieux martyr par les liens de la commune patrie et de la commune profession religieuse nous nous sommes fait un pieux devoir de rechercher dans les archives de nos couvents tout ce qui concerne sa mémoire. La Providence a permis que nos travaux ne fussent pas infructueux. C'est le résultat de ces recherches que nous présentons aux lecteurs des Etudes Franciscaines.

Le P. Apollinaire naquit au mois de juin 1739. Son père s'appelait Jean Morel. Il était originaire de Posat, petit vil

(1) V. No de février 1901, p. 77. Voir aussi la circulaire du cardinal Richard, archevêque de Paris, du 14 mars 1901, par laquelle il déclare avoir établi un tribunal chargé de procéder aux premières informations canoniques dans le procès de béatification des prètres qui sont morts pour la défense de la foi et de la liberté de l'Eglise, à Paris, au mois de septembre 1792 et de faire le procès ordinaire informatif super fama martyrii, causa martyrii miraculorum seu signorum. Il nomme ensuite une commission chargée de promou voir la cause de béatification de ces martyrs. Elle est composée de 18 membres à la tète desquels nous sommes heureux de trouver Mer Péchenard, recteur de l'Institut catholique. Dans la lettre informative adressée sur l'ordre du cardinal Richard à l'évêque de Lausanne, le P. Morel est appelé « une des belles figures de prètre dans cette phalange de martyrs, » (Lettre du 31 mai).

lage agréablement situé au sud-ouest de Fribourg; mais il habitait avec son épouse Elisabeth Maître à Prez-vers-Noréaz, autre village situé non loin de Fribourg et à l'ouest. C'est là qu'ils recurent du ciel l'enfant de prédilection qui devint plus tard le P. Apollinaire. Il fut baptisé le 12 juin par M. le curé Fançois Joseph Hirt; il eut pour parrain Jean Jacques Maître, chirurgien de Prez, qui lui donna son nom, et pour marraine Marie Glasson de Bulle (1).

A mesure qu'il grandissait, l'enfant laissait apercevoir les heureuses dispositions dont la nature et la grace l'avaient orné. Ses parents, trop heureux de posséder un pareil trésor, mirent le plus grand soin à lui faire produire des fruits précieux. Ils le confièrent à des maîtres expérimentés, près desquels il étudia la langue latine et les lois de l'éloquence (2), puis il eut le bonheur d'ètre placé dans le célèbre collège des Pères Jésuites de Fribourg. En 1761, il y fit sa première année de philosophie. Ses talents et son application le placèrent à la tête de tous ses condisciples. L'année suivante, passe au second cours; même succès. Bien plus, c'est sur ui que se porta le choix de son maître, le Professeur Reynold, pour défendre publiquement les thèses de la Philosophie universelle, et il le fit avec un grand succès (3).

il

Ce n'est point dans les sciences seules qu'il surpassait les élèves du collège; tout le monde, et ses professeurs surtout, admiraient sa modestie et la pureté de ses mœurs;

(1) Registre des baptèmes de Prez, D'après ce même registre, nous voyons que Jean Morel eut un autre fils Nicolas Placide, né le 25 novembre 1740. L'enfant eut pour parrain le noble seigneur Nicolas Placide Vonderweid de Berlens, banneret, et pour marraine dame Marie-Françoise Amman. La famille Morel ne resta probablement pas très longtemps à Prez. Car, ni avant ni après ces deux années, il n'est question d'elle, dans cette localité. (2) Voir le manuscrit de Zoug, du P. Maurice de Lucerne, que nous désiles lettres M.Z. Nous le donnons in extenso dans les gnerons désormais par

Pièces justificatives.

(3) Voir les Nomina Literatorum du collège de Fribourg aux années 1761, 1762: « D. JACOBUS MOREL, qui etiam Theses publicas ex Philosophia universa insigni cum laude defendit

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aussi les Pères charmés de ces excellentes dispositions et remarquant son goût prononcé pour la vie religieuse, crurent aller au-devant de ses désirs en lui proposant la Compagnie de Jésus.

Le jeune homme cependant portait son regard sur une voie différente. Epris d'une affection sainte pour la Pauvreté séraphique, il résolut d'imiter l'exemple du Patriarche d'Assise, en en faisant son épouse.

Il se présente aux Supérieurs des Capucins qui lui imposent la bure au couvent de Zong, le 26 septembre 1762, et lui donnent le nom d'Apollinaire.

Il se soumet gaiment aux dures épreuves du noviciat sous la direction du P. Denys Zürcher. L'année de probation terminee, il est envoyé à Arth, où il séjourne une année. En 1764, il part pour Mels, puis pour Bulle; il termine ses cours de philosophie à Lucerne en 1765 et commence immédiatement la théologie. Envoyé à Sion en l'année 1767, il arrive au terme de ses études et reçoit en 1769 tous les pouvoirs requis pour l'exercice du saint ministère (1).

Le P. Maurice de Lucerne nous donne, de la vie du jeune clere, la description suivante.

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Depuis le jour de sa profession, il donna à ses confrères Texemple d'une vertu sublime et d'une profonde piété. Son occupation favorite était la prière orale et mentale, dans laquelle il puisa sans nul doute cette force héroïque qui le distingua à travers toutes les épreuves jusqu'au jour de son martyre.

« Il observait avec un soin minutieux les usages de l'Ordre les plus insignifiants. Devenu prètre, il célébrait les saints mystères avec un respect, une attention et une ferveur remarquables. Il était le premier au chœur pour l'office du jour et de la nuit. On voyait reluire en lui une humilité profonde, une obéissance prompte, une vie retirée, un amour sincère pour Dieu et le prochain.

1) Toutes ces dates sont tirées du Protoc. Maj. Prov. Hely. tom. 2. pag. 220. sub. Lit. M. des Arch. du couvent de Lucerne.

E. F. VI. 2

«Aux heures voulues, il vaquait à l'étude avec assiduité, mais sans perdre l'esprit de prière et de dévotion, de sorte qu'il observait à la lettre la recommandation du Père SaintFrançois qui disait à saint Antoine et à ses fils de travailler à l'acquisition des sciences, sans laisser éteindre en eux l'esprit de prière et de dévotion.

« De même que dans le monde il avait soutenu avec succès les thèses de philosophie, ainsi dans la religion il eut à défendre les thèses de toute la théologie; ce qu'il fit publiquement à Sion dans le Valais, en présence de plusieurs vants qui furent remplis d'admiration (1). »

Un témoignage non moins précieux sur les années d'études du P. Apollinaire nous est fourni par son savant el vertueux maître lui-même, dont les paroles nous ont été conservées par le P. Maurice.

« J'ai vécu sept ans avec le Fr. Apollinaire, dit-il, je l'ai observé, je l'ai admiré, et je fus témoin du zèle extraordinaire qu'il mettait à convertir les pécheurs, à instruire les ignorants par des sermons et des catéchismes pratiques, à imprimer à la jeunesse de l'Ordre et du dehors des principes religieux solides et vrais, à ramener à la pénitence, par des aveux publics et privés, les hommes endurcis et vieillis dans le mal, à tel point que j'ai rarement vu quelqu'un qui put lui être comparé. Ceux qui ont pris part avec lui aux missions peuvent dire tous les travaux de son apostolat et le bien qu'il a opéré par ses sermons remplis de zèle et mis à la portée du peuple ; plusieurs témoignages d'ailleurs sont déjà parvenus aux supérieurs de la province (2). »

Il ne resta que deux ans au couvent de Sion, et depuis 1771 nous le retrouvons successivement à Porrentruy, à Bulle et à Romont (3).

Cependant les études brillantes qu'il avait faites chez les

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