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Dieu sera glorifié, l'Église délivrée, les âmes et les nations se reposeront dans la paix glorieuse de leur victoire sur le mal, et tout cela sera l'œuvre d'une femme, parce qu'il a plu à Dieu d'humilier l'orgueil de la terre et de l'enfer : Ipsa conteret caput tuum ! C'est sa promesse, et le ciel et la terre passeront, mais sa parole ne passera pas.

Fr. EXUPÈRE DE PRATS DE Mollo.

O. M. C.

A TRAVERS LES REVUES

LE ROLE DE LA VOLONTÉ D'APRÈS SCOT
ET LES NÉO-SCOTISTES

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Depuis bientôt quatre ans, dans la Revue Thomiste, le P. Gardeil traite tout un ensemble de questions connexes: Les exigences objectives de l'Action (Mai et Juillet 1898). L'action, ses ressources subjectives (mars 1899) Les ressources du vouloir (sept. 1899) Ressources de la raison pratique (sept. 1900) - Ce qu'il y a de vrai dans le Néo-scotisme (novembre 1900 et janvier 1901). Elles affleurent un certain nombre de doctrines intéressant l'école franciscaine. Nous voulons les présenter à nos lecteurs. Le thème commun, comme il est facile de s'en rendre compte, est l'action; la méthode employée par l'auteur n'est point la méthode d'autorité chère à Pascal et aux théologiens, ni la méthode rationnelle utilisée jusqu'à ce jour par les philosophes, ce sera la méthode psychologique très en honneur en ces derniers temps où l'on cherche tant à innover en apologétique.

Dans les deux premiers articles: Les exigences objectives de l'action, l'auteur se propose de « montrer que Dieu sous la raison de fin ultime est exigé par la structure interne et l'activité de notre dynamisme volontaire >> Il commence par établir que les éléments psychologiques de l'activité humaine sont le connaître et le vouloir pris dans leur sens large, mais il n'étudiera que le second de ces éléments, le vouloir; seul il est action.

« L'action est précédée d'une appétition et toute appétition est caractérisée par la tendance vers un objet. » Nos diverses appétitions ordinairement se groupent en divers sytèmes, en se subordonnant à une appétition principale. Celle-ci constitue la fin ultime; les autres jouent par rapport à elle le rôle de moyen.

Après avoir constaté ce fait psychologique, le Révérend Père étudie chaque groupe ou système d'appétition. Il se demande d'abord si chaque groupe donné exige une volition ayant le caractère de fin ultime, et commandant toutes les autres. Scot, Fouillée, Renouvier n'admettent pas,

dit-il, cette subordination hiérarchique. Selon eux « notre dynamisme appétitif est fragmentaire et la raison dernière du fonctionnement de la volonté est dans la volonté. » En un mot chaque volition est autonome et indépendante. Mais c'est là une erreur, dénoncée par saint Thomas, ajoute-t-il, car sans l'influence de la fin ultime aucune décision ne saurait être arrêtée; « nullus inciperet aliquid operari, nec terminaretur consilium, sed in infinitum procederet (1)».

L'auteur va plus loin, il affirme ensuite qu'il n'y a pour toutes nos actions, en définitive, qu'une seule fin ultime, le bien de notre nature en général, le bien parfait, à l'exclusion de tel bien particulier. L'homme est entraîné vers ce bien parfait comme la pierre par la pesanteur. « A cet attrait aucune volition, pour libre qu'elle soit, ne saurait échapper. Nos volitions forment un système lié, un engrenage vivant, un organisme tout entier dominé par cette pièce maîtresse qui est le bien de notre nature, passé au rang de fin ultime pour tout ensemble volontaire donné. »

«Selon Scot, en qui on entend toute l'école libertiste de Molina à Fouillée, la volonté est dans son fondement absolument autonome. II y aura donc, d'après lui, des actes qui échapperont à l'influence de la bonté objective, des actes neutres, c'est-à-dire qui ne regardent ni la fin ni les moyens ; qui, dans un cycle volontaire, détacheront tel bien de l'ensemble, et se porteront sur lui en dehors de toute considération de subordination à une fin. (2) »

Quelle est la conséquence d'une telle autonomie de la volonté ? «La volonté libre sera la seule raison de l'exercice de tels actes : ils ne dépendront pas d'un objet, ils le créeront. Dès lors aucune règle commune et à priori des vouloirs humains. La liberté est le premier bien : ce qu'elle veut voilà le bien. Si elle est limitée ce sera par une autre volonté,» par la volonté divine selon Scot, par la volonté humaine selon les modernes.

L'auteur n'admet pas ces volitions indépendantes de la fin ultime. L'acte neutre est une chimère. » La conscience actuelle de sa dépendance peut faire défaut, mais cette dépendance n'en existe pas moins.

Quelle est cette fin dernière, qui meut toutes mes volitions? Pour la déterminer, le révérend Père a encore recours à l'analyse pyschologique. Le mouvement de notre volonté ressemble à l'oscillation d'un pen

(1) Ia IIæ, q. 1, a i.

(2) Rév. Th., 1899. p. 134.

dule; cette volonté court à la recherche de son centre de gravité, en inclinant tantôt à droite, tantôt à gauche; elle y tend avec une intensité immense. « C'est ce que les amis des muses appellent la soif de l'infini ; c'est en tout cas la soif de l'indéfini, de l'un après l'autre. » Voilà le fait. Puisque l'attraction est réelle, l'objet qui attire devra être, lui aussi, quelque chose de réel, et de proportionné au mouvement qu'il imprime ; il ne saurait être que le bien universel réel, Dieu. Dieu seul en effet contient la totalité des biens, que notre cœur voudrait goûter les uns après les autres.

Dieu est donc notre fin objective. Mais Pouvons-nous posséder Dieu ? C'est le sous-titre du troisième article: L'action, ses ressources subjectives (1). Le fini a-t-il prise sur l'infini? L'âme humaine peut-elle franchir la distance du fini à l'infini ? Comment s'accomplit cette possession de Dieu ?

D'après M. Renouvier et une très vieille objection, Dieu, étant absolu, ne peut entrer en relation d'être avec la créature, autrement il cesserait d'être absolu, il cesserait d'être. Mais répond le R. P. Gardeil, « les relations fondées sur l'action ne sont pas toujours réciproques ». Il y a des relations unilatérales, telle l'image vis-à-vis du type dont elle reproduit les traits. Nous sommes les images de Dieu, nous pouvons entrer en une véritable relation vis-à-vis de Dieu sans qu'il se fasse corrélatif

à nous.

La possession de Dieu ne peut être un Illapsus divinus, malgré la théorie chère aux mystiques des bords du Rhin; ce doit être quelque chose de nous-même, notre action, notre opération. Or nous avons au dedans de nous une opération capable de posséder Dieu, c'est l'opération immanente de la volonté et de l'intelligence. Mais de ces deux facultés quelle est celle qui nous donnera Dieu ? Dans un nouvel article, Les ressources du Vouloir (2) le Révérend Père répond : « La volonté ou, pour parler plus compréhensiblement, l'amour nous apparaît comme l'action prédestinée à nous mettre en possession de notre dernier objet. »

« Dans l'éternel débat des volontaristes et des intellectualistes », le Révérend Père semble donc tout d'abord incliner pour les premiers, mais à ses yeux « les volontaristes non moins que les intellectualistes s'impliquent dans des impossibilités sans issue ». Il cherchera si. « de biais

(1) Mars 1899, p. 23
(2) Sept. 1899, p 147.

tout au moins >> il ne trouverait pas quelque lumière pour une meilleure solution. Il commencera par étudier ces deux facultés dans leurs concepts propres, afin de voir « comment d'après leur loi interne elles se comportent au point de vue qui nous occupe, qui est de saisir un objet (1). » — « Nous chercherons [ensuite] à déterminer lequel de nos deux concepts est susceptible d'avoir la primauté en matière de possession d'un objet de l'activité humaine, si tant est que l'un d'eux ait la primauté. (2) »

La perfection de la volonté est d'être une liberté, le concept de l'intelligence ne se remplit tout entier que dans l'évidence. La liberté comme l'évidence sont en eux-mêmes quelque chose d'absolu; l'évidence a quelque chose d'aussi indépendant, d'aussi dominateur, dans son ordre, que la liberté dans le sien. Donc, à ce point de vue, il ne faut point chercher à établir de subordination entre ces deux facultés, Scot a commis cette erreur. D'après lui l'intelligence connaît l'objet avant que la volonté ne s'y attache, mais c'est le désir ou l'amour qui meut l'intelligence à connaître; de sorte que la volonté en matière de recherche et de possession de l'objet, est l'alpha et l'oméga. Il trouve dans la volonté le désir qui meut à la recherche de l'objet, l'amour qui prend possession de l'objet présent à l'intelligence, et la jouissance qui n'est qu'une suite de l'amour. « L'amour, suivant Scot, est l'acte conquérant par excellence; tant qu'on n'aime pas ce qu'on désire, on ne le possède pas vraiment. »>

Saint Thomas donne du vouloir une analyse différente : désir et jouissance sont les deux actes qui se partagent le vouloir, c'est le mouvement et le repos. Or désirer n'est pas posséder, et jouir suppose qu'on possède déjà ces deux actes marquent donc également le point. Et c'est la connaissance qu'on trouve à leur soudure. (3)

De plus la volonté ne distingue pas le vrai bonheur du faux bonheur; elle s'attache aux biens faux comme aux vrais. C'est l'intelligence qui lui présente les biens véritables. Il faut donc qu'elle les ait saisis antérieurement à la volonté. Nemo dat quod non habet.

Le Révérend Père ajoute : « On ne voit pas que les Scotistes aient répondu d'une manière satisfaisante à cette argumentation. (4) ►

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